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Prix Albert Londres : la journaliste du «Figaro» Margaux Benn lauréate pour ses reportages sur le conflit ukrainien

Le 84e prix Albert Londres, le plus prestigieux du journalisme francophone, a été remis lundi 28 novembre à Riga à la journaliste franco-canadienne Margaux Benn pour ses reportages sur la guerre en Ukraine publiés dans le Figaro. A l’occasion du 90e anniversaire de la mort d’Albert Londres, le jury a délibéré dans la capitale lettone, «souhaitant rendre hommage à tous les journalistes qui œuvrent pour rendre compte de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine».

Dans un communiqué, il «salue aujourd’hui son style, son écriture enviable, une tendresse dans le regard posé sur ceux qui sont au front, des angles inattendus et un renouvellement permanent de son art du récit». «L’Ukraine est un pays que je ne connaissais pas au début de cette année. Ce qui m’a le plus marqué, c’est ce mélange de bravade, d’intelligence, d’humour par lequel tous les Ukrainiens ont participé à l’effort de guerre», a réagi la journaliste de 34 ans ce mercredi sur France Inter.

«Pudeur et humanité»

Le reportage qui l’a le plus marquée ? «Les soldats russes violaient sauvagement les femmes après avoir tué les hommes.» «Bizarrement, cet article est [celui] que je trouve le plus mal écrit. J’ai failli ne pas le mettre dans ma sélection pour le prix. Mais il a été le premier à obtenir ce type de témoignages d’une psychologue qui parlait d’une de ses patientes qui avait été agressée sexuellement ou violée, a-t-elle poursuivi. Alors que les scènes qu’elle racontait étaient extrêmement crues, il y avait une certaine pudeur et humanité.» Margaux Benn a découvert le pays au moment du début de la guerre. Depuis le 24 février, elle a fait trois séjours d’un mois dans le pays.

Grand reporter au service Etranger du Figaro, Margaux Benn, 34 ans est passée par l’Agence France-Presse, le New York Times, France 24 ou la BBC. Elle est aguerrie aux zones de conflits, comme au Soudan où elle a débuté sa carrière journalistique il y a plus de dix ans. «Tout est parti d’une envie de terrain», explique-t-elle à l’AFP lorsqu’en 2018, elle part «sans filet» s’installer en tant que pigiste en Afghanistan et commence à travailler illico pour le Figaro puis pour d’autres médias.

Après quatre années passées là-bas, la journaliste, également récompensée l’an dernier par le Prix Bayeux des correspondants de guerre en radio, couvre dès mars la guerre en Ukraine. Elle y découvre «l’esprit de résistance incroyable des Ukrainiens» dans «une espèce de camaraderie généralisée». Malgré les épreuves, «la société civile n’était pas du tout désorganisée ou brouillon, elle fonctionnait et était productive, ça m’a bluffée», développe la journaliste, qui s’apprête à repartir en Ukraine, après trois séjours d’un mois chacun.

Wagner, incarnation de la géopolitique russe

Le 38e Prix de l’audiovisuel est revenu à Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova pour le documentaire de 80 minutes Wagner, l’armée de l’ombre de Poutine, produit par Capa avec France Télévisions et diffusé pour la première fois fin février quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les documentaristes «ont été les premières à documenter les actions de cette armée», constituée de mercenaires financés par un proche de Poutine, «contribuant à nous faire comprendre les enjeux de la géopolitique du Kremlin», salue le jury. Il «récompense une enquête fouillée et implacable» réalisée «sur des terrains où le prix de la vie ne vaut pas cher». «Depuis longtemps on voulait faire ce film parce qu’on sentait tout ce qui se passait.» Le sujet «Wagner» montait, «Ksenia le voyait en Russie et moi en Afrique», a détaillé à l’AFP Alexandra Jousset. «Maintenant c’est incroyable de voir que toutes les informations obtenues il y a un an sont en train de se réaliser», ont relevé les journalistes.

Le «coup de poing» des «Fossoyeurs»

Son livre enquête a déclenché un séisme et une prise de conscience salutaire. Le 6e Prix du livre a été attribué à Victor Castanet pour les Fossoyeurs, publié en janvier qui a fait imploser Orpea, mastodonte du secteur des maisons de retraite privées. Y étaient dénoncés de manière fouillée la maltraitance des résidents, les manquements dans la gestion du personnel et un usage abusif des fonds publics. Depuis, Orpea fait l’objet d’une enquête pour maltraitance institutionnelle et infractions financières.

«Le jury ne pouvait pas passer à côté d’un tel coup de poing sur ces trafiquants de la mort», a-t-il estimé. «Si j’ai fait ce travail pendant si longtemps», soit quatre années de travail, «c’est parce que je voulais produire quelque chose d’implacable qui génère un électrochoc», a exposé Victor Castanet à l’AFP. «C’est à la fois impressionnant et réjouissant de voir que l’information peut changer les choses ou au moins avoir un impact», a-t-il conclu. Un Prix d’honneur a aussi été décerné à Andriy Tsaplienko et Sevğil Musaieva, deux journalistes du média en ligne Ukrainska Pravda, afin «de témoigner aux journalistes ukrainiens une solidarité sans faille».

Créé en 1933 en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté de 3 000 euros pour chacun des lauréats, qui doivent avoir moins de 41 ans.