France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Prix du lait : un dialogue de sourd entre producteurs et industriels

« Excusez-moi mais il faut y venir, il faut rémunérer correctement les producteurs », a interpellé Stéphane Joendel, éleveur laitier dans la Loire, lors des Assises de la fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL) dans les Vosges ce jeudi 8 décembre. Sous un tonnerre d'applaudissements des personnes venues écouter la table ronde, l'éleveur a profité de ce moment pour faire passer un message au géant de l'industrie laitière Savencia, présent à côté de lui sur l'estrade. Le directeur général du groupe, Olivier Delaméa a ironisé : « J'aurai été déçu de ne pas avoir eu cette remarque ». Un échange qui a orienté les débats, jusque là centrés sur l'importance de l'élevage dans le territoire français, vers la question épineuse de la rémunération aux agriculteurs en particulier aux éleveurs laitiers.

Sur la rémunération, tout le monde se renvoie la balle

« On ne se défaussera pas. On accompagnera le mouvement de la transition des agriculteurs en incluant les nouvelles pratiques dans le prix du lait. Mais on va tous devoir mettre la main à la pâte. Distributeurs, consommateurs, éleveurs mais aussi et surtout vous, les politiques publiques, il va falloir de l'aide », a répondu partiellement le patron de Savencia, cinquième groupe fromager mondial, en interpellant le ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, qui assistait à cette table ronde intitulée : « Une production laitière française en danger et pourtant reconnue comme la plus durable du monde ! ».

Plus d'aides et plus de soutien de l'Etat. C'est dans l'ensemble ce qu'a réclamé la filière laitière, qui pointe du doigt les rémunérations plus élevées chez nos voisins européens. La moyenne européenne du prix du lait est estimée autour de 500 euros les 1.000 litres, un « point d'équilibre » pour le gouvernement, alors même que les producteurs laitiers français sont payés autour de 450 euros les 1.000 litres. Le président FNPL a renchérit : « Nous participerons à la souveraineté alimentaire mais pas à n'importe quel prix. »

La réponse de Marc Fesneau, très attendue, n'a pas vraiment répondu aux attentes. S'il n'a pas manqué de souligner l'importance d'une meilleure rémunération pour les agriculteurs et l'importance de cette filière dans le paysage agro-alimentaire français, il a demandé à « la grande distribution et aux industriels de jouer le jeu ». Tous les acteurs de la filière se retrouvent donc sur la nécessité d'augmenter les revenus des agriculteurs, mais ils se renvoient la balle sur la responsabilité de chacun.

Les consommateurs vont devoir payer plus cher le lait

S'il y a un point qui les a réunis, c'est bien l'importance de replacer l'alimentation au coeur des préoccupations des Français. La part de la consommation des ménages dans les produits agricoles est passée de 40% en 1950 à 20% aujourd'hui. Le ministre de l'agriculture rappelle que la crise des producteurs bio actuels vient de la diminution de la demande et non pas de l'offre.

« Il faut travailler sur le comportement alimentaire. On a construit un modèle du bon prix c'est le bas prix, ce n'est plus possible », a indiqué Marc Fesneau, sans pour autant annoncer de mesures concrètes sur ce que cela signifie pour l'augmentation sur le prix du lait aux consommateurs. Une orientation vers la rémunération des producteurs déjà en marche pour certains industriels comme la marque C'est qui le patron ?!, devenue en quelques années la marque de lait la plus vendue en France.

Assurance, énergie... les coûts de production aussi en discussion

Mais plus que la rémunération, les coûts de production ont été largement évoqués lors de ces Assises. Vendre plus cher certes, mais aussi réduire ses frais fixes. Avec la hausse du prix de l'énergie, de nombreux éleveurs ont exprimé leurs difficultés à continuer leur activité. Une colère que le ministre a dit entendre, évoquant au passage une réunion sur l'énergie la semaine prochaine où la question de découpler le prix de l'électricité et du gaz au niveau européen sera largement abordée. « Je suis bien conscient que les primes sur l'énergie ne suffiront pas, il faut changer en profondeur le système. »

Marc Fesneau a également parlé de la question des assurances liées aux conséquences du changement climatique. Pour pallier au manque de fourrage et à la baisse de production des éleveurs laitiers cet été dans certaines régions, le ministre de l'agriculture a annoncé un déblocage de fonds d'indemnisation dès décembre. Une accélération du dispositif « inédite » selon lui qui doit s'accompagner d'un changement du dispositif assurantiel des agriculteurs afin de mieux garantir les risques vis à vis du changement climatique, qui vont se multiplier à l'avenir.

Avec la rémunération, la problématique d'attractivité du métier

C'est l'un des grands enjeux de la Loi d'orientation agricole (LOA), en discussion avec le gouvernement actuellement, et ce sujet n'a pas manqué de revenir sur la table. Comment attirer les jeunes générations vers un métier aux difficultés financières de plus en plus importantes ? « Il faut plus de partage de la valeur ajoutée », a souligné André Bonnard, président de J'achète fermier !, une startup qui aide les producteurs à installer des ateliers de transformation de lait en yaourts sur leurs fermes.

La rémunération n'est cependant pas le seul noeud du problème, « il faut aussi rendre fier les éleveurs de leur produit et diversifier les activités »Une reprise en main de la chaîne de production pourrait être une des solutions de la problématique d'attractivité selon le patron, lui-même éleveur et ancien secrétaire général de la FNPL. Le ministre a quant à lui réitéré l'ambition de réfléchir à la notion de transmission et à l'image de l'agriculture auprès du grand public.

Enfin, la question de la rémunération au niveau français pose aussi le problème de compétitivité. Les éleveurs ont peur d'une importation massive de lait européen et mondial si les prix augmentent trop fortement en France. « Il va falloir taxer ces importations pour ne pas pénaliser la filière française. »