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Prix Nobel d’Annie Ernaux : « Son succès hors de la France est lié à l’universalité de ce qu’elle exprime »

Pierre-Louis Fort, professeur des universités en littérature à CY-Cergy-Paris-Université, revient dans un entretien au « Monde » sur la reconnaissance d’Annie Ernaux à l’international, liée selon lui à la force de son œuvre, qui convoque l’universel dans le récit singulier de son existence.

Le Nobel de littérature a couronné, jeudi 6 octobre, Annie Ernaux et son œuvre en grande partie autobiographique, faisant de cette figure féministe issue d’un milieu modeste la première Française à décrocher le prix. Une œuvre dont la force réside en partie dans l’universalisme des thèmes abordés, à l’origine du succès international de l’autrice, estime Pierre-Louis Fort, professeur des universités en littérature à CY-Cergy-Paris-Université, qui a notamment coordonné un Cahier de l’Herne (2022), consacré à l’écrivaine.

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Considérée depuis plusieurs décennies comme un poids lourd de la littérature en France, quand Annie Ernaux a-t-elle commencé à jouir d’une reconnaissance internationale ?

Selon moi, cela s’est fait en deux temps. Premièrement, au début des années 1990, lorsque son œuvre est étudiée par le monde académique anglo-saxon, au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis. C’est une première forme de reconnaissance et un coup d’accélérateur à la diffusion des écrits d’Annie Ernaux.

La reconnaissance du grand public est un peu plus tardive et va se faire dans le courant des années 2010, au moment de la traduction en anglais des Années (Gallimard, 2008 ; 2018 pour la traduction). En 2019, ce livre permet à Annie Ernaux d’être finaliste du Man Booker Prize [le plus prestigieux prix pour la littérature étrangère au Royaume-Uni]. Elle ne remporte pas le prix, mais cette nomination fait grandement croître sa popularité à l’étranger. Son œuvre est aujourd’hui traduite dans quarante langues, dont bien sûr l’espagnol, l’anglais ou l’allemand, mais aussi le serbe, le bulgare, le géorgien ou encore le japonais.

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Comment expliquez-vous son succès au-delà de nos frontières ?

Son succès est lié à l’universalité de ce qu’elle exprime. La force d’Annie Ernaux, c’est de partir d’une expérience qui est la sienne, tout en réussissant à toucher des individus partout sur le globe, en se défaisant des frontières terrestres, sociales et de genre. Les lecteurs se retrouvent dans ses œuvres, c’est assez impressionnant.

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Je donne pour exemple ses trois plus grands succès en traduction et à l’international : La Place (1984), Passion simple (1992) et Les Années (2008). La Place, qui retrace l’histoire de la perte de son père [et évoque le café épicerie d’Yvetot en Normandie, où elle a grandi], est finalement centré sur la relation entre un père et sa fille et sur le transfuge de classe, deux thèmes qui sont sans frontière. Passion simple, roman dans lequel l’autrice raconte avoir été dévorée par une passion amoureuse pour un amant russe, est bien mieux accueilli à l’étranger qu’en France, où il est jugé déplacé, voire obscène. Alors qu’il n’y a rien de plus universel que la passion, où qu’on se trouve sur la planète ! Enfin, Les Années, ouvrage dans lequel l’autrice donne à ressentir la France du XXe siècle. Le livre n’a pas été sans difficulté pour les différents traducteurs : ils ont eu un énorme travail à fournir pour trouver des références historiques équivalentes dans chaque pays, mais ce travail a permis de créer un XXe siècle commun à tous les lecteurs.

Ces œuvres ont été saluées par de multiples prix depuis le milieu des années 2010, en Italie, en Allemagne, en Espagne, jusqu’au prix Nobel de littérature.

Son engagement féministe a-t-il joué un rôle ?

Annie Ernaux est perçue à juste titre à la fois comme une écrivaine engagée politiquement et comme une écrivaine féministe. Sa préoccupation première, c’est la condition des femmes dans le monde, la liberté de parole, la liberté d’agir, de faire, et de disposer de son corps. Son engagement est très net et mis en lumière médiatiquement à l’étranger, même si elle n’est pas réduite à cela.

Sa dimension féministe a sans nul doute participé à la diffusion un peu partout dans le monde de ses œuvres, qui résonnent d’autant dans le contexte post #metoo que connaissent nos sociétés. Elle est heureuse de porter ces messages sur le transfuge de classe ou la passion amoureuse à l’international, même si c’est du temps souscrit à l’écriture. Pour elle, la littérature c’est changer les choses, même au-delà de l’Hexagone.

Clémence Apetogbor

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