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Procès de l’attentat du 14-juillet à Nice : Une policière à la vie bouleversée déplore l'« indifférence » de sa hiérarchie

Elle confie avoir « du mal à [se] considérer comme une victime », malgré le syndrome de stress post-traumatique qui handicape sa vie quotidienne. Une commandante de police qui n’a jamais pu reprendre son travail à la suite de son intervention après l’attentat de Nice en 2016 a déploré jeudi au procès la « coupable indifférence » de sa hiérarchie.

« J’aimerais que mon témoignage serve à mon ministère pour prendre conscience de sa coupable indifférence à notre sort », a lancé Laure Sarraillon devant la cour d’assises spéciale de Paris, en référence à tous les « primo intervenants » ce soir-là.

Cette femme de 51 ans, qui a travaillé dans la police pendant 22 ans, dont 16 à Nice, n’était pas en service le 14 juillet 2016. Elle s’était immédiatement portée volontaire en recevant les premières informations évoquant un « accident terrible » sur la promenade des Anglais, vers 22h30. L’attaque a fait 86 morts et plus de 450 blessés.

« Je sentais l’odeur du sang »

Arrivée au commissariat à 23h10, elle est chargée de gérer le centre de commandement et de « faire l’interface avec l’état-major de la police judiciaire de Marseille » et les services de renseignement. « Je me souviens des hurlements de mes collègues sur les ondes, et des cris derrière eux », raconte cette mère de trois enfants.

Elle se souvient aussi de l’appel annonçant l’identité de l’assaillant, d’un autre prévenant du décès de leur collègue, le commissaire Emmanuel Groult, et de ceux, nombreux, de personnes à la recherche de proches. Au petit matin, elle est envoyée sur la promenade pour boucler avec des pare vues cette scène de crime de deux kilomètres de long, alors que des badauds et des journalistes tentent encore de franchir les barrières.

« Pour la première fois de ma carrière, je sentais l’odeur du sang. J’étais totalement tétanisée par la certitude qu’il n’y avait rien de vivant autour de moi », ajoute l’ancienne policière. Elle évoque le « désespoir perceptible » de ses collègues de l’identité judiciaire qui procédaient aux constatations. Avec toute la « tendresse » possible, elle demande aux familles encore présentes auprès de leurs morts de quitter les lieux, pour permettre à la police scientifique de faire son travail. Elle accompagne aussi les véhicules mortuaires. « Le nombre et l’état des corps que j’ai vus ce jour-là, ça m’était insupportable », lâche cette professionnelle qui travaillait à la direction de la sécurité publique, pourtant habituée aux accidents de voiture et à l’annonce de mauvaises nouvelles aux proches.

Des primo intervenants « qui souffrent en silence »

Côtoyer ces morts « sans identité », sans « lien avec les familles », a fait naître un sentiment d'« impuissance », dit-elle. « J’ai surtout en tête le corps d’un petit garçon, qui portait la même tenue Décathlon que celle que je venais d’acheter pour mon fils ».

Après avoir repris le travail comme si de rien n’était, les troubles du sommeil l’envahissent progressivement, puis les difficultés à respirer, les nausées, les crises d’angoisse. « A aucun moment, qui que ce soit de la hiérarchie ne s’est préoccupé de savoir comment j’allais ni de me convier aux débriefings », regrette-t-elle. Après son arrêt de travail, en janvier 2017, elle dit n’avoir pas reçu plus de soutien : « Ma hiérarchie n’a rien trouvé de mieux que de m’imposer une mutation » et « la seule fois où on m’a appelée, l’an dernier, c’était pour me dire de venir chercher mes affaires ».

« Je pense à tous mes collègues […] qui souffrent en silence […] alors que nous n’étions en charge ni de la décision ni de la mise en place des dispositifs », conclut-elle, en référence aux nombreuses critiques contre le manque de sécurité ce soir-là.