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Procès de l’incendie de la rue Erlanger : la douleur de la mère de l’accusée

La mère, cette éternelle coupable. Il en va des cours d’assises comme de certains hôpitaux psychiatriques. Il arrive toujours un moment où on y jette des regards accusateurs contre celles qui ont donné la vie. Ces mères trop fusionnelles, trop étouffantes ou au contraire trop absentes face à un enfant malade ou en souffrance. Ainsi, ce mardi 7 février, il y a comme un sentiment de gêne à la cour d'assises de Paris face aux questions insistantes d’une avocate de parties civiles à la mère d’Essia B. « Peut-être que je n’ai pas toujours été parfaite. Mais on a toujours essayé d’être là pour notre fille », finit par lâcher Michelle B. au bord des larmes. « On a l’impression que c’est vous l’accusée », s’agace Me Sébastien Schapira, l’avocat d’Essia B, assise dans le box juste derrière lui.

« Adorable, douce, très sociable »

On sent que c’est une épreuve pour Michelle B. de venir à cette barre. Au procès de sa fille qui, en février 2019, a provoqué un incendie ayant entraîné la mort de dix personnes à Paris. D’entrée, cette ancienne professeure d’université dit son « émotion face à tous ces gens qui ont souffert à cause de mon enfant ». Puis, elle parle d’Essia, de la petite fille qu’elle était. « Adorable, douce, très sociable », toujours invitée aux anniversaires. Elle raconte son addiction au sucre vers l’âge de 8-9 ans. « Elle se gavait de chocolat » dit cette mère qui, alors, ne se doutait pas que « dix ans plus tard, ce ne sont pas des bonbons qu’on retrouverait sous son matelas mais des canettes de bière et des bouteilles de vin ».

Car à 14-15 ans, Essia se met à boire. « Des alcoolisations massives », confie sa mère en racontant les multiples tentatives de sevrage. Pour la sortir aussi du cannabis, de la cocaïne ou de l’ecstasy. Une trentaine d’hospitalisations au total, à l’hôpital ou en clinique. Et à chaque fois le même espoir que la guérison est là, enfin. Espoir à chaque fois déçu. « Une fois, Essia est allée dans un centre qui accueillait des mères atteintes d’alcoolisme avec leur enfant. Au bout d’un mois, la directrice m’a dit : elle est super, elle va très bien, elle s’occupe des autres mamans, des enfants. Alors elle est sortie. Et 15 jours après, tout a recommencé. C’était un calvaire », raconte Michelle B.

C’est une histoire universelle que raconte cette mère à la cour d'assises. Celle de toutes ces familles perdues face à la dérive sans fin d’un enfant adulte en souffrance mentale. Les appels aux urgences, aux pompiers, à la police quand les crises deviennent incontrôlables. Et toujours la même impuissance qui se termine par une hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT). Sans que personne n’arrive véritablement poser un diagnostic définitif. « Un jour, on a parlé de bipolarité. Une autre fois, un médecin nous a dit qu’elle était borderline. Mais rien n’est sûr », dit Michelle B. « Cela fait des années qu’on essaie de connaître sa maladie, qu’on demande aux médecins de mettre un nom sur sa souffrance », explique à son tour Mariam, la grande sœur d’Essia.

« Elle disait que les chamanes étaient là »

C’est elle qui a signé sa dernière HDT, le 18 janvier 2019 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Mariam assure qu’Essia était alors dans un état de très grande confusion. « Je ne l’avais jamais vue comme cela avant. Elle délirait, elle n’était plus dans la réalité. Elle disait que les chamanes étaient là, qu’elle avait une mission à accomplir », ajoute Mariam. « Elle disait qu’elle était descendue du ciel pour sauver les Indiens. On a été obligée de lui mettre une camisole de force », complète Michelle B. Et la mère comme la sœur disent ne toujours pas comprendre pourquoi l’hôpital a laissé sortir Essia dès le 30 janvier. Soit six jours avant son passage à l’acte incendiaire.

Le drame aurait-il pu être évité si la quadragénaire avait été maintenue en milieu de soins ? La question, évidemment sensible, doit être posée pour Me Schapira. L’avocat relève que le 24 janvier, un médecin de Sainte-Anne constate que la patiente a « des propos délirants, mystiques, mégalomaniaques et hallucinatoires ». Le lendemain, un juge des libertés et de la détention s’oppose à sa sortie. Le 28 janvier, une réunion est organisée entre une psychiatre, Essia et sa famille. « Elle a fait une énorme crise. Et la psychiatre a convenu qu’elle n’était pas en état de sortir », raconte Michelle B.

Deux jours plus tard, cette même médecin l’autorise à quitter l’hôpital. Dans son certificat, elle dit que la patiente a « présenté une amélioration clinique rapide à son admission », se « projette dans l’avenir » et « accepte un suivi ambulatoire ». Quatre ans après, dans le prétoire, il ne reste que les mots d’incompréhension d’une mère et d’une sœur. Et une absente, la psychiatre qui n’a pas été entendue pendant l’instruction et ne le sera pas non plus à l’audience.