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Que contient vraiment le jeu «Antifa», finalement réintégré dans les rayons de la Fnac ?

Le jeu, qui propose d'incarner un groupe «antifa» organisant sa lutte, fait polémique. Le Figaro s'est procuré un exemplaire et vous détaille son contenu.

Revirement ou opportunisme commercial ? La Fnac a finalement décidé de remettre le jeu «Antifa» dans ses rayons, après que ses équipes ont «pu constater qu'il ne comporte rien de nature à justifier un refus de le commercialiser », a fait savoir la direction.

Samedi 26 novembre, le syndicat de police SCPN avait interpellé la Fnac sur Twitter en l'accusant de «mettre en avant les antifas, qui cassent, incendient et agressent dans les manifestations». «Nous comprenons que la commercialisation de ce "jeu" ait pu heurter certains de nos publics», avait alors réagi la Fnac le lendemain, indiquant faire «le nécessaire pour qu'il ne soit plus disponible dans les prochaines heures». Moins de deux jours plus tard, coup de théâtre : le jeu revient dans ses rayons.

Depuis le début la polémique samedi, ce jeu collaboratif, coproduit par le collectif antifa «La Horde» et la maison d'édition Libertalia (marquée à l'extrême gauche), a été pris d'assaut sur Internet. Sur Twitter, Libertalia avait fait savoir qu'il «est épuisé», mais qu'il allait faire l'objet de nouveaux tirages.

Entre-temps, la Fnac avait été accusée de se soumettre aux injonctions de «l'extrême droite» en retirant le jeu de ses magasins. Mais que contient réellement «Antifa» ? Pour en savoir plus, Le Figaro s'est procuré un exemplaire.

Cartes «inclusives» ?

«Avec quelques ami.es, vous décidez de monter un groupe antifasciste pour réagir aux exactions de l'extrême droite». Écriture inclusive de rigueur, la notice d'«Antifa» plante le décor. Le jeu se présente comme un «jeu de simulation coopératif pour 2 à 6 joueur.euses» (sic). Chacun incarne un personnage au choix homme (recto de la carte), ou femme (verso). Parité oblige. Au verso de «Martine, la syndicaliste» (les règles précisent qu'elle pourra profiter de son statut pour vous faire des photocopies gratuites), il y a par exemple «Toma le bricoleur», couteau entre les dents et marteau à la main. Dans le même esprit, au verso de «Camille, la débrouillarde», vous trouverez «Alex la tête brûlée», habillé en noir et cagoulé, plus efficace que les autres personnages dans les «actions offensives» ou les «blocages». Notons que les cartes à jouer restent désespérément binaires, avec leur indépassable recto/verso : toutes les identités LGBTQI+ passent à la trappe...

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L'observateur attentif remarquera que deux cartes s'autorisent un écart avec l'écriture inclusive : «Meeting de la présidente du premier parti nationaliste» et «Un polémiste islamophobe fait une séance de dédicace». Les écarts sont permis quand il s'agit de désigner l'ennemi. À noter, la carte «Meeting de la présidente du premier parti nationaliste» comporte le chiffre le plus élevé, «16» : c'est donc l'événement qui exigera le plus grand niveau de mobilisation pour parvenir à «faire face». No pasaran !

Cartes du jeu Antifa. Le Figaro
Cartes du jeu Antifa. Le Figaro

«Un collectif de soutien aux migrant.es a besoin d'aide»

Le but est d'organiser des actions militantes pour faire face à des «événements» d'«extrême droite» qui peuvent surgir de tout côté, à tout moment : «Une salle de prière musulmane a été dégradée» ; «Des cathos tradis mobilisés contre l'IVG» ; «Le squat le Deklil est menacé d'expulsion» ; «Un jeune du quartier des mimosas tué par la police» ; ou encore «Un collectif de soutien aux migrant.es a besoin d'aide». Liste non exhaustive.

Cartes du jeu Antifa. Le Figaro
Cartes du jeu Antifa. Le Figaro

La notice encourage d'ailleurs à laisser libre cours à son imagination. «Vous pouvez également vous inspirer de l'actualité ou de votre expérience pour proposer de nouveaux événements sur lesquels réagir». Et les créateurs de proposer d'autres exemples d'actions «d'extrême droite», qui mériteraient une contre-mobilisation : «des nostalgiques de Vichy (sic) célèbrent Jeanne d'Arc : depuis 1979, des nationaux-catholiques, des néofascistes et d'autres défilent en mai à Paris pour célébrer la Pucelle d'Orléans».

Notice du jeu Antifa. Le Figaro

Pour faire face à l'une ou l'autre de ces menaces, les joueurs doivent se mettre d'accord, en bon collectif horizontal, sur les actions à mener. Ainsi, une «action offensive» ou un «blocage occupation» sont susceptibles de rapporter plus de points qu'une «fresque murale» ou qu'une «commémoration» et conviendront donc davantage face à un «évènement» fasciste de grande ampleur. Mais ces actions sont plus risquées et la police guette... «Il est également possible que des militant.es ou des sympathisant.es se fassent arrêter, ce qui fera baisser le moral des troupes», précise la notice. Gare à la répression !

Cartes issues du jeu Antifa. Le Figaro
Cartes du jeu Antifa. Le Figaro

Prison ferme ou avec sursis

Les démêlés avec la justice sont encore plus poussés dans «le mode histoire», où un joueur peut prendre entre un et cinq mois de prison avec sursis en cas d'arrestation. Mais attention, «si vous vous faites arrêter pendant votre période de sursis, vous repassez en mode procès mais vous risquez de prendre du ferme : si c'est le cas, vous ne pourrez pas jouer durant le temps de votre incarcération», détaille la notice.

Cartes du jeu Antifa. Le Figaro

«Empêcher cette bande de crasseux de nuire à vos idées»

Il faut reconnaître que les créateurs ne manquent ni d'humour ni d'autodérision. Une version plus longue du jeu s'étalant sur six parties propose ainsi des objectifs secrets aux joueurs : «Démasquer un infiltré : certains vous trouvent parano, mais on n'est jamais trop prudent.e et vous n'avez pas l'intention de laisser un.e flic ou un.e fasciste infiltrer votre groupe. OBJECTIF : Démasquer et exclure du groupe un.e faf ou un.e flic infiltré.»

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Mais vous pouvez aussi jouer le rôle du «flic» : «vous travaillez en réalité pour les services de renseignement et vous êtes infiltré.e pour surveiller les activités subversives du groupe.» Ou encore le rôle du «fasciste infiltré» : «bien décidé à défendre la France, son peuple et ses traditions, vous êtes infiltré.e pour empêcher cette bande de crasseux de nuire à vos idées.»

«Équivalent 'soft' du cocktail Molotov»

Pour mener leur croisade antifasciste, les joueurs peuvent «se procurer des fumigènes» ou «des vêtements noirs». Une carte propose aussi de «préparer des cacatov», «popularisé au Venezuela lors du mouvement social de 2017». Pour ceux qui manquent d'imagination, le verso de la carte détaille la recette de ce «cocktail Molotov», version inoffensive. À l'image de ce jeu qui ne fera pas trembler l'ordre établi, mais qui devrait ravir les antifascistes de salon.

Cartes du jeu Antifa. Le Figaro
Carte du jeu Antifa. Le Figaro