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Que révèlent les «Twitter files», relayés par Elon Musk ?

«Nous y voilà !» Elon Musk s’est félicité samedi de la publication des «Twitter files», qu’il avait lui même annoncée, et que les républicains attendaient avec impatience. Le même jour, le journaliste Matt Taibbi a révélé en 37 tweets ce qu’il assure être le contenu de conversations internes de Twitter, au moment de la censure par l’oiseau bleu d’un article du New York Post sur le contenu de l’ordinateur de Hunter Biden, le fils du président des Etats-Unis, en octobre 2020, trois semaines avant l’élection américaine.

Ces révélations, autorisées par Musk, sont une manière pour le nouveau propriétaire de Twitter de mettre en scène la «liberté» qu’il prétend rendre au réseau social. Mais elles marquent aussi un énième rebondissement de l’affaire Hunter Biden qui, comme CheckNews avait eu l’occasion de la rappeler dans un article récent, est un serpent de mer de la vie politique américaine depuis deux ans.

L’histoire part d’un réparateur informatique du Delaware, John Paul Mac Isaac, qui aurait récupéré l’ordinateur du fils de Joe Biden. Dans l’ordinateur, Mac Isaac aurait retrouvé des déclarations fiscales (alors que Hunter Biden est au cœur d’une enquête pour fraude fiscale) ainsi que des souvenirs intimes, des contenus pornographiques amateurs impliquant le fils Biden, ou encore des vidéos où l’on peut voir ce dernier consommer de la drogue. Autant d’informations que les réseaux républicains ont immédiatement tenté d’exploiter… mais que la plupart des grands médias ont d’abord traité avec une grande méfiance, étant donné l’origine trouble de la fuite, le soupçon d’un piratage, et la crainte d’une tentative de manipulation dans la dernière ligne droite de la campagne. Une exception toutefois : le New York Post, qui s’est rapidement emparé de l’affaire, mais dont l’article sera entravé par Facebook et Twitter. Déclenchant des accusations de censure. Deux ans plus tard, alors que les éléments sur lesquels s’était basé le New York Post ont été authentifiés, c’est donc les coulisses de cette «obstruction» qu’entendent lever les Twitter files.

«Mesures extraordinaires»

A l’époque, Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, avait rapidement désavoué la communication du réseau social sur le sujet : «Notre communication autour de nos actions sur l’article du @nypost n’était pas géniale. Et bloquer le partage d’URL via tweet ou DM sans contexte expliquant pourquoi nous bloquons : inacceptable», avait-il écrit, relayant des explications publiées via un des comptes officiels de l’oiseau bleu. «Les images contenues dans les articles comportent des informations personnelles et privées – comme des adresses électroniques et des numéros de téléphone – qui enfreignent nos règles», s’étaient justifiées les équipes.

Selon Taibbi, «Twitter a pris des mesures extraordinaires pour supprimer l’histoire, en supprimant les liens et en publiant des avertissements indiquant qu’elle pourrait être “dangereuse”. Ils ont même bloqué sa transmission via message direct, un outil jusqu’alors réservé aux cas extrêmes, comme la pédopornographie.» La teneur des échanges rapportée par le journaliste apporte des détails sur la manière dont a été prise cette décision d’entraver la circulation du contenu. Laquelle était loin de faire l’unanimité en interne, à en croire le journaliste. Elle «a été prise au plus haut niveau de l’entreprise, mais à l’insu du PDG Jack Dorsey. L’ancienne responsable des affaires juridiques, de la politique et de la confiance, Vijaya Gadde [remerciée depuis par Elon Musk, ndlr], a joué un rôle clé», écrit le journaliste. D’après un ancien salarié, le soupçon de «piratage», pour lequel n’existait aucune preuve, «était une excuse». «En quelques heures, à peu près tout le monde a compris que ça ne tiendrait pas. Mais personne n’a eu le courage de revenir sur sa décision», aurait expliqué cette source. Marc Taibbi publie notamment plusieurs captures d’écran présentées comme des mails rédigés par de hauts responsables de Twitter remettant en cause la décision de censurer le partage de l’article du New York Post.

Ingérence politique

«J’ai du mal à comprendre quel point de notre politique nous permet de signaler cela comme dangereux. Je pense que le meilleur argument d’explicabilité de cette affaire en externe serait que nous attendons de comprendre si cette histoire est le résultat de matériaux piratés», a par exemple écrit l’ancien responsable de la communication, Trenton Kennedy, d’après la capture d’écran. Et d’ajouter : «Nous serons confrontés à des questions difficiles à ce sujet si nous ne disposons pas d’un raisonnement solide.»

«Le problème de la décision relative aux “documents piratés”, selon plusieurs sources, est qu’il faut normalement que le piratage soit constaté par un fonctionnaire ou un organisme d’application de la loi. Mais un tel constat n’apparaît jamais tout au long de ce qu’un cadre décrit comme un “tourbillon” de 24 heures de désordre dans toute l’entreprise», écrit le journaliste dans son thread Twitter. Autre problème, selon lui : que toutes ces décisions aient été prises «à l’insu du PDG Jack Dorsey, et combien de temps il a fallu pour que la situation se “débloque” […], même après que Dorsey est intervenu».

Mais c’est sur le plan de l’ingérence politique que les Twitter files étaient attendus. Marc Taibbi dévoile par exemple que Ro Khanna, représentant démocrate au Congrès, préoccupé par cette affaire, a écrit à Vijaya Gadde. Cette dernière confirme notamment que le compte de la porte-parole de la Maison Blanche, Kayleigh McEnany, a bien été suspendu temporairement, comme l’affirmait Donald Trump, pour avoir partagé l’article du New York Post. Là encore, la raison invoquée est le partage de données privées et issues d’un piratage. Mais Taibbi affirme aussi que les deux camps, l’équipe de campagne de Biden comme la Maison Blanche de Trump, avaient coutume de demander, et d’obtenir, la suppression de tweets. De telles requêtes étaient «monnaie courante», écrit Taibbi, qui affirme toutefois que ce système n’était pas «équilibré», du fait des affinités démocrates des responsables du réseau social.

Trump dénonce une « fraude massive »

Les éléments partagés par Matt Taibbi, qui n’ont pas pu être vérifiés de manière indépendante par d’autres médias, n’apportent rien de vraiment neuf sur le fond de l’affaire. Mais ils donnent de la matière pour nourrir le narratif des républicains d’une censure politique (les pro-Trump oubliant systématiquement que les demandes d’intervention sur le réseau social, selon le rapport Taibbi, étaient donc aussi le fait de la Maison Blanche).

Samedi, Donald Trump a réagi sur Truth Social [son réseau social alternatif fondé après la suspension de son compte Twitter en 2021, ndlr] : «Est-ce que vous jetez les résultats de l’élection présidentielle de 2020 à la poubelle et déclarez le VAINQUEUR légitime, ou est-ce que vous avez une NOUVELLE ÉLECTION ? Une Fraude Massive de ce type et de cette ampleur permet de mettre fin à toutes les règles, règlements et articles, même ceux que l’on trouve dans la Constitution», a-t-il écrit, d’après la transcription de CNN.

Un deuxième volet des Twitter files à venir a été annoncé par Elon Musk.