France
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Que vaut la playlist de grève de France Culture?

Temps de lecture: 4 min

Mardi 7 février 2023. La France est PRISE EN OTAGE lors de cette troisième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. L'Assemblée nationale est PRISE EN OTAGE par les 20.0000 amendements déposés avant l'examen du texte. Mais il y a plus grave encore: moi, je suis prise en otage par le directeur des rédactions de Slate.fr, qui veut que j'écoute France Culture, sa radio préférée. Pourquoi? Pour relater le paradoxe de ne pas pouvoir être informés sur le déroulement de la grève, à cause de la grève. Et aussi, aller voir ce qui se fait chez la concurrence tandis que France Culture n'est plus en mesure d'assurer sa matinale –hé oui, une seule radio vous manque et tout est dépeuplé.

Là, je regrette de m'être levée avant le soleil

Comme je dois gagner un salaire pour espérer atteindre un jour la retraite, j'ai combattu une légère gueule de bois (oui, j'ai bu des coups un lundi soir, on est en février, les temps sont durs, ne me jugez pas) et mis mon réveil à 7h du matin ce mardi. Ma mission: écouter la matinale de cette radio où l'on trouve, selon une source haut placée à Slate.fr, «des gens qui disent des trucs intelligents sans crier».

Jusqu'ici, tout va bien. Après un court flash info, un monsieur à la voix douce nous informe qu'«en raison d'un appel à la grève de l'ensemble des organisations syndicales, [...] nous ne sommes pas en mesure de diffuser l'intégralité de nos programmes habituels». À 7h15, la playlist de grève commence. Et là, je regrette de m'être levée avant le soleil.

Je soutiens la grève. Par contre, je suis politiquement opposée au fait de faire écouter les Rita Mitsouko aux gens dès 7h15 du matin. C'est beaucoup trop violent, et contraire aux lois de la République. On relève quelques choix musicaux inspirés, comme «The Crystal Ship» des Doors, ou «These boots are made for walking» –malin de transformer la chanson de Nancy Sinatra en appel à la manif, avec son «Are you ready boots? Start walking!». Mais globalement, on part quand même sur une programmation musicale 100% chanson française interchangeable, 100% baguette-camembert, 100% pétée.

Angèle chante «c'est oui ou bien c'est non». Sans doute un clin d'œil aux débats à l'Assemblée, certes, mais n'existait-il pas un choix un peu plus radical pour accompagner cette journée de grève? Je veux bien être prise en otage par la RATP, mais je refuse d'être prise en otage par [regarde ses notes] Hervé? (En réalité, je ne peux pas me résoudre à en dire trop de mal, il a l'air sympa.)

Pas facile, la vie d'otage

Au bout du cinquième morceau de pop insignifiante, je zappe sur France Inter, où l'on peut entendre une interview très intéressante de Kirill Serebrennikov (allez voir La Femme de Tchaïkovski!). Il est 8h, je repasse sur Culture, mais j'ai mal choisi mon timing: c'est l'heure du flash info, et des enregistrements de gens qui HURLENT dans l'hémicycle. C'est pas facile, la vie d'otage. Vite, un Doliprane.

À 8h14, la présentatrice du journal est prise d'une énorme quinte de toux et doit lancer un reportage pour pouvoir finir de s'étouffer. Une petite touche d'humanité et de spontanéité attachante, même si dans le contexte actuel, entendre un journaliste tousser en direct me donne l'impression de vivre le début d'une apocalypse zombie. La présentatrice retrouve l'usage de ses cordes vocales juste assez longtemps pour lancer: «D'ici là, suite à la mobilisation contre la réforme des retraites, voici de la musique.» Et c'est reparti.

Matthieu Chedid et Vanessa Paradis chantent «La Seine» et achèvent de me rendre francophobe. Puis on enchaîne avec –désolée, je dois marquer une pause pour contenir mon seum– on enchaîne avec… «Pas là» de Vianney. Alors. La grève n'est pas une excuse pour nous faire revivre les heures les plus sombres de 2014 en fait. Je ne sais honnêtement pas ce qui est pire entre snoozer mon huitième réveil matinal et devoir écouter cette playlist qui sent la blanquette.

Techniquement, mon autre mission de la matinée, c'était d'aller évaluer les alternatives à la radio publique un jour de grève. Mais après avoir été persécutée pendant deux heures par des chanteuses pop en pattes d'eph, je vous avoue que zapper sur RTL ou Europe 1 était au-dessus de mes forces. Allez, on arrête les frais.

J'aimerais bien continuer cette chronique, mais en raison d'un mouvement de grève personnel, je ne suis pas en mesure de diffuser l'intégralité de mes programmes habituels. Au lieu de vous parler de la playlist de France Culture, j'ai donc décidé de m'exprimer sur un sujet qui me tient vraiment à cœur.

Un très bon album que je vous invite à écouter

Ce sujet, c'est Ryan Gosling, acteur doublement nommé aux Oscars, photoshop humain, Ken en devenir, héros de la rue, réalisateur sous-estimé, époux d'Eva Mendes, père d'Amada et Esmeralda Mendes-Gosling, et un des talents les plus fascinants de sa génération.

En 2007, Ryan Gosling a cocréé un groupe de musique nommé «Dead Man's Bones», avec son ami Zach Shields. Leur unique album, intitulé lui aussi Dead Man's Bones et enregistré avec un chœur d'enfants de Los Angeles, est une création précieuse: un des meilleurs vestiges culturels des années 2000. À travers une douzaine de morceaux, Dead Man's Bones déploie un univers onirique et singulier, qui reflète la fascination des deux hommes pour les fantômes, les monstres et autres choses flippantes. Ils ont même tourné un clip dans un cimetière, et fait une petite tournée pendant la saison d'Halloween 2009. Ce fut un projet furtif, mais son influence perdure encore aujourd'hui, dans la pop culture et dans mon âme.

Bien qu'amateurs, les deux musiciens ont tenu à jouer tous les instruments eux-mêmes. Ils ont également choisi d'intégrer leurs erreurs et imperfections musicales dans l'enregistrement final. On y trouve aussi des chants de criquets, des portes qui grincent, des bruits de pas et des cris de loup-garou. C'est vraiment un très bon album. Je vous invite à l'écouter. Voilà.

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