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Quelle heure est-il... sur la Lune

L’engouement pour notre satellite se confirme. La programme de la NASA Artemis envisage d’y poser un équipage vers 2025. La Chine aussi et en attendant, elle y fait déjà rouler des rovers... Globalement, toutes les grandes agences spatiales, européennes, japonaises, russes, regardent la Lune. Et les coûts en jeu sont tels que la collaboration entre agences parait indispensable. Se pose alors une question toute simple : comment se fixe-t-on rendez-vous sur la Lune ? Pour accorder leurs montres, les agences ont donc sollicité un organisme dont la définition du temps est l’une des missions : le Bureau International des poids et mesures (BIPM), dont le siège est à Saint Cloud (Hauts de Seine). "Jusqu’à présent, chaque agence définissait son propre référentiel de temps, résume pour Sciences et Avenir Frédéric Meynadier, physicien au BIPM. Dans le cadre d’une coopération, il faut en effet se mettre d’accord sur une référence commune. Assez naturellement, les agences nous ont donc inclus dans leurs discussions en tant que forum d’échanges, international et neutre". Mais ce ne sera pas pour tout de suite, car la réponse n’est pas simple...

Sur la Lune, le jour dure 14 jours

La première idée qui vient à l’esprit serait de faire comme sur Terre : se fonder sur la durée du jour sur la Lune pour définir des heures. Cette solution semblerait bien adaptée à des équipages vivants au rythme de la Lune. Mais en fait, non. "L’ennui, c’est que la durée d’ensoleillement lunaire est de 14 jours ! rappelle Frédéric Meynadier. Il est hors de question que des astronautes se calent sur ce rythme si différent de celui de la Terre. Ils resteront sûrement sur 24h. Cela veut dire se caler sur un fuseau terrestre". Voilà donc une autre solution qui se profile : importer sur la Lune l’heure terrestre. Et choisir par exemple comme référence le « temps universel coordonné », « UTC » en anglais. Il est stable, déconnecté de la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même (qui est variable), et contrôlé régulièrement par des horloges atomiques à la précision redoutable. Mais là encore, c’est plus compliqué que cela… "Cela marcherait si nous étions dans un monde tel que l’imaginait Newton, avec un temps universel, absolu, rythmant à pas égal tout l’univers. Seulement, Einstein a montré le contraire avec la théorie de la Relativité restreinte [1905] puis générale [1915]. L’écoulement du temps est propre à chacun, et dépend de sa vitesse et du puits de potentiel gravitationnel [proportionnel à la masse et inversement proportionnel à la distance] dans lequel il se trouve".

Impossible de synchroniser une horloge lunaire et une horloge terrestre à cause d'Einstein

La masse de la Lune ne représentant que 1,2% de celle de la Terre, deux horloges parfaitement accordées vont donc se désaccorder sitôt séparées. L’horloge lunaire gagnera environ 56 microsecondes toutes les 24h sur celle de la Terre. Cela peut paraître peu, mais pour l’exactitude demandée par certaines missions, ce serait trop. A moins, peut-être, de faire régulièrement des corrections et resynchroniser les horloges ? "C'est compliqué, car l’écoulement du temps lunaire est influencé par la masse de la Lune, mais aussi par celle de la Terre, car notre satellite évolue dans le puits de potentiel gravitationnel terrestre. La composante gravitationnelle d’origine terrestre subie par la Lune n’est pas constante tout au long de son orbite. Ce qui complique encore les calculs".

Installer internet sur la Lune

Puisqu'il apparaît difficile de piloter de futures horloges lunaires de la même façon que sur Terre, il semble plus simple d'adopter une échelle de temps lunaire intermédiaire, dont la relation à UTC sera à définir. "UTC est l'échelle de temps de référence universelle, et chaque horloge peut théoriquement y être raccordée, sur Terre ou ailleurs. Mais il faudra définir le temps lunaire avec attention pour simplifier le passage à la pratique". Il sera d’autant plus nécessaire d’avoir un temps lunaire propre que les agences spatiales envisagent d’installer un système de géolocalisation sur la Lune, similaire au GPS. Or, le système de triangulation à la base du GPS mesure des intervalles de temps. Par ailleurs, l'ESA et la NASA ambitionnent de développer l'interopérabilité entre leurs projets « Moonlight » et « LunaNet ». Dans les deux cas, il s’agit d’un ensemble de règles qui permettraient à tous les systèmes lunaires de navigation, de communication et d'informatique par satellites de former un réseau unique. En somme un internet lunaire, utilisable par tous les « occupants » de notre satellite. Mais il ne sera efficace que s’il peut s’appuyer sur une heure lunaire fiable et reconnue de tous. "Dans cette optique, le BIPM travaille avec l’ESA et la NASA mais pour l’instant, ce ne sont que des discussions. Il n’y a rien de formalisé". Sur Terre comme sur la Lune, « l’heure » est encore… à la réflexion.