France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Quelles trajectoires budgétaires pour l'économie française de 2024 à 2030 ?

Conformément au traité de l'Union européenne, les États membres doivent assurer la viabilité des finances publiques, une croissance durable et éviter les déséquilibres macroéconomiques. Ils doivent fournir un cadre de surveillance intégré permettant une coordination plus étroite des politiques économiques, en particulier dans la zone euro, et promouvoir la convergence des performances.

Mais les deux principaux critères de convergence prévoyant qu'un pays membre doit avoir un déficit inférieur à 3% du Produit intérieur brut (PIB) et une dette inférieure à 60% du PIB ont été suspendus à cause de la pandémie de la Covid en 2020. Cette suspension a été prolongée jusqu'à fin 2023 pour faire face au ralentissement économique provoqué par la guerre en Ukraine.

Une communication de la Commission européenne proposait, le 9 novembre 2022, de ne pas modifier les traités ni la définition du déficit et de la dette publique. Elle propose plutôt d'adapter la vitesse de retour vers les valeurs de référence en fonction de la situation de chaque pays, alors que les règles inscrites aujourd'hui dans le pacte de stabilité et de croissance sont uniformes.

Pour la France à la fin du troisième trimestre 2022, la dette publique au sens de Maastricht s'est établie à 113,7% du PIB (la dette nette augmente de + 52,7 milliards d'euros), avec un déficit de 5%. La France va être obligée de discuter avec les autres pays de de l'UE alors qu'aucune loi de programmation des finances publiques n'a été votée pour les années 2023 à 2027. La commission reconnait qu'il n'est pas réaliste que la France, dont la dette dépasse 110% du PIB, puisse atteindre l'objectif antérieur en moins de 17 ans (sept ans d'ajustement plus les dix années suivantes).

Les risques budgétaires reliés à l'augmentation des taux directeurs

Le taux directeur de la BCE est resté à zéro du 10 mars 2016 au 21 juillet 2022. Il est aujourd'hui à 2,5%. Pour la France un taux zéro est un piège car il permet à l'État de s'endetter dans des proportions considérables, sans payer des intérêts aux créanciers. La France en a profité et aujourd'hui sa dette publique dépasse les 3.000 milliards d'euros.

Mais avec la remontée des taux et le renouvellement de la dette de l'État qui refinance chaque année une partie de l'encours (270 milliards à lever sur les marchés financiers en 2023), la charge de la dette va exploser et rester durable (50,5 milliards d'euros en 2023). Sa soutenabilité dépendra de la situation économique du pays, mais aussi et surtout, du sérieux de la politique budgétaire et fiscale menée par le Gouvernement.

Pour le « quoi qu'il en coûte » et le bouclier tarifaire, la France a décaissé 180 milliards d'euros : 80 milliards d'euros pour 2020 et 2021 (fonds de solidarité, chômage partiel et exonération de charges) et 100 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire en 2021, 2022 et 2023. Deux ans après le début de la pandémie, la France fait partie des pays de la zone euro dont la situation des finances publiques est la plus dégradée. La Cour des comptes demande des « efforts sans précédent » pour maitriser les dépenses publiques. Le FMI appelle la France à mettre fin au « quoi qu'il en coûte » dès 2023 pour limiter les dépenses.

Participation de la France au Budget de l'UE

Dans le cadre du plan de relance européen « facilité pour la reprise et la résilience » l'UE alloue 40 milliards d'euros à la France. Ce plan de 750 milliards d'euros sera financé par un emprunt de la Commission européenne sur les marchés financiers. Ce prêt sera remboursé à partir de 2028. « Compte tenu que l'UE n'a pas de ressources propres, ce remboursement sera calculé sur la base de la part de chaque État membre dans le revenu national brut, et s'ajoutera aux contributions nationales ; ce qui constitue une "bombe à retardement » d'après le Sénat.

Au titre des année 2024-2030 et dans le cadre de la future loi de programmation militaire, le chef de l'État promet un budget de 400 milliards soit un tiers de plus que l'enveloppe de la précédente loi. Cela représente une pression supplémentaire sur les budgets à venir dans un contexte actuel ou le gouvernement a du mal à contenir la dépense publique. En pratique le budget de l'armée passerait de 32,4 milliards en 2023 à 65 milliards en 2030.

60 à 70 milliards d'euros par an pour la transition écologique

La France doit "doubler" son "taux d'effort" pour réduire ses émissions de carbone si elle veut atteindre ses objectifs en 2030, explique le Président dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Le ministre de l'Economie chiffre de 60 à 70 milliards d'euros supplémentaires par an le coût de l'effort nécessaire pour réussir la transition énergétique. Une émergence d'un nouveau budget jugé insuffisant par le Réseau Action Climat (27 ONG dont Greenpeace). On parle plutôt d'investir 100 milliards d'euros par an sur 10 ans pour une relance écologique et durable.

L'État mise sur la construction de 6 à 14 réacteurs dits « EPR de nouvelle génération » et de plus petits réacteurs dits SMR pour « produire plus d'électricité décarbonée dans les meilleurs délais ». Les deux premiers réacteurs pourraient entrer en service à partir de 2035. Cette relance du nucléaire coûte que coûte va engager la France à payer près de 10 milliards d'euros pour nationaliser entièrement EDF. Il faut rappeler que la situation financière d'EDF est tendue.

D'après le Sénat, grevé d'une dette de 43 milliards d'euros, le groupe a perdu 18,1 milliards d'euros avec le phénomène de « corrosion sous contrainte » et 10,2 milliards d'euros avec le « bouclier tarifaire ». Or il doit financer de lourds investissements, dont le Grand Carénage, pour 65 milliards d'euros sur 2014-2028, et les chantiers des EPR, 88,7 milliards d'euros pour Flamanville 3, etc.

Le défi budgétaire

Pour pouvoir se désendetter et rentrer dans la normalité budgétaire conformément au traité de Maastricht, la France n'a pas beaucoup de solutions : réduire les dépenses, augmenter les impôts, privatiser ce qui peut l'être. Toutes ses options sont envisageables mais elles sont difficiles à mettre en œuvre : comment augmenter les impôts dans une période de forte inflation, réduire les dépenses pendant une période de guerre qui provoque une rupture durable ou privatiser en tirant des recettes inférieures aux dividendes que l'État va abandonner. Les politiques qui en découlent sont perçues comme économiquement et socialement coûteuses.

Pour certains économistes, dans une conjoncture comme aujourd'hui où la faiblesse de la demande reste un frein à la croissance et aux créations d'emploi, les hausses de prélèvements obligatoires ou les compressions de dépenses publiques sont contreproductives.

Flash-back sur les présidentielles de 2022

Une note « quelles perspectives pour les finances publiques de 2022-2027 » réalisée par François Ecalle et Vianney Bourquard publiée par le think-tank libéral l'institut Montaigne fait ressortir :

« il faudrait réaliser des économies pour un montant, inédit en France, de presque 15 milliards d'euros par an et d'environ 70 milliards d'euros sur l'ensemble du prochain quinquennat ».

Pour les auteurs, compte tenu du gonflement prévisible des sommes allouées aux pensions de retraite et aux remboursements de l'assurance maladie, si aucune mesure n'est prise, les dépenses publiques vont augmenter de 41 milliards par an.

Faut-il juger, que pour équilibrer les budgets, les réformes de l'assurance chômage, de l'assurance maladie et des retraites sont indispensables ?