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Qui est Benoît Gilles, le Charentais gardien de la biodiversité ?

« Les insectes, c’est ma passion », sourit Benoit Gilles. Ce sont même ses meilleurs alliés. Si ce Charentais a trouvé son salut scientifique dans les petites bêtes, il...

« Les insectes, c’est ma passion », sourit Benoit Gilles. Ce sont même ses meilleurs alliés. Si ce Charentais a trouvé son salut scientifique dans les petites bêtes, il en a surtout fait des compagnons de route. En parallèle de son activité de conseil en matière d’agroécologie et de biodiversité urbaine, l’expert naturaliste a lancé son site Internet, Solinbio, puis son élevage de mouche, quand il ne poursuit pas ses recherches en Afrique au sein d’un consortium international. « Une agriculture protectrice du vivant est possible, estime l’homme de 39 ans. Ce ne sont pas les réglementations environnementales qui limitent les récoltes rentables mais bien les chocs climatiques, la dégradation des sols et avant tout, la perte de pollinisateurs. »

D’ailleurs, il se dit entomologiste mais il faut plutôt voir en lui une sorte d’explorateur. Là, par exemple, en 2017, en train d’étudier les mouches des fruits de la famille des Tephritidae sur l’île de La Réunion au sein du Cirad (centre de coopération internationale de recherche agronomique pour le développement), ou encore ici, au Panama, pour mener des élevages d’hybridation ou en Guyane française, à la station des Nouragues, pour des collectes de souches sauvages.

Adieu pesticides

Bref, dire qu’il consacre une énergie farouche à la connaissance des mouches pourrait sembler réducteur. Mais il ne faut pas s’y tromper : cette connaissance des insectes en général demeure cruciale ­pour l’agriculture ou pour la biologie, voire la génétique. Parce que ces drôles de bestioles représentent le plus grand nombres d’espèces au monde. « Les insectes, c’est simple, c’est ce qui consomme le moins, sur le plus petit espace possible, dans le plus court laps de temps possible, insiste-t-il. Pour les paysans, c’est tout une réappropriation de l’espace naturel qu’ils doivent entreprendre en collaboration, en interaction avec ce dernier. » Derrière, sur le long terme, l’économie serait immense.

Les insectes, c’est ce qui consomme le moins, sur le plus petit espace possible, dans le plus court laps de temps possible.

Schématisons : en butinant, les insectes transportent du pollen d’une fleur à une autre et assurent la fécondation qui donnera les tomates, aubergines, concombres et autres fruits. Comment ? « Grâce aux insectes dits auxiliaires », explique le scientifique, auxquels il consacre une bonne partie de son temps. « Ce sont des prédateurs utiles en protection des cultures. Ils font partie de ce que l’on appelle la biodiversité fonctionnelle qui offre des services aux agriculteurs: la décomposition, la vie du sol et le contrôle des populations de ravageurs... » Au-delà des limitations de pesticides, de la consommation d’énergie ou des coûts toujours plus élevés des matières premières, il s’agit d’encourager les agriculteurs dans la renaissance de la biodiversité, « en plantant des haies, en créant des mares, en installant des nichoirs… »

Les protéines fourmillent

Sur le papier, le potentiel des insectes est énorme. Il y a quelques semaines, la Commission européenne a autorisé pour cinq ans la mise sur le marché de poudre dégraissée de grillons domestiques. Une autorisation publiée début janvier, notamment à destination « des pains, des biscuits, des barres de céréales, des sauces ou encore des pâtes à pizza », même si la production actuelle est surtout destinée à l’alimentation animale. « Ces dernières années, l’élevage est même devenu un gros marché économique, parfois à grande échelle », relate le chercheur, un peu amer. Tout l’inverse de sa vision des choses : « En Charente, je veux concevoir un système durable de production industrielle d’élevage d’insectes. » À travers sa jeune société Solinbio - un projet un peu secret qu’il dévoilera en avril - le Charentais milite pour une industrie des insectes au cœur du système agro-alimentaire local, « tournée vers la transition écologique ».

Selon l’Agence européenne pour l’environnement, entre 1990 et 2011, les populations de papillons en Europe ont diminué de presque 50 %, « ce qui indique une perte spectaculaire de la biodiversité des prairies, poursuit-il. L’industrialisation et le libéralisme d’après guerre nous ont fait oublier les insectes. Nous avons tourné la page d’une cohabitation ancestrale. Il faut retrouver cela. » Ou simplement écrire un nouveau chapitre des cultures, à la main ou à mille-pattes.

Repères

1984. Naissance à Soyaux.
2007-2009. Chargé de missions : CNRS, muséum national d’histoire naturelle de Paris ou encore le Cirad.
2012. Retour en Charente.
2015. Mise en ligne de son site consacré à l’entomologie, Passion Entomologie. L’idée : dépoussiérer cette science et partager ses connaissances.
2020. Fonde la société L’Inventrie avec Thomas Lachaniette et propose une bière, brassée à Angoulême, réalisée à partir de pain récupéré dans des boulangeries.