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Racisme : la chute de Lady Susan Hussey secoue la cour d'Angleterre

Les raisons de la démission de Lady Susan Hussey, fidèle de la défunte reine Elizabeth II, portent un coup aux efforts de Charles III pour plus de diversité.

De notre correspondant à Londres, Marc Roche
Lady Susan Hussey, au cote de la reine Elizabeth II, le 23 janvier 2011.
Lady Susan Hussey, au côté de la reine Elizabeth II, le 23 janvier 2011. © Chris Radburn/AP/SIPA / SIPA / Chris Radburn/AP/SIPA

Temps de lecture : 4 min

L'exemple des propos racistes tenus lors d'une réception à Buckingham Palace par Lady Susan Hussey, membre éminent de l'entourage de la reine consort Camilla, l'atteste : le soin que met la cour du nouveau roi Charles III à apparaître comme défenseuse de la diversité n'a pas fait longtemps illusion. Près de trois mois après l'accession du monarque sur le Trône, les déclarations de l'ancienne principale dame de compagnie d'Elizabeth II ont relancé les accusations de racisme institutionnel de la monarchie dénoncé par Harry et Meghan dans leur interview-choc à Oprah Winfrey en mars 2021.

Le 29 novembre, la reine consort a convié plus de 300 invités à une réception en l'honneur de la conférence sur les violences faites aux femmes, organisée à Londres. Dès son arrivée, l'une des participantes noires, Ngozi Fulani, est apostrophée par Lady Hussey, qui lui demande à plusieurs reprises : « De quelle partie de l'Afrique êtes-vous issue ? »

« Je suis née dans ce pays et je suis britannique »

« Je suis née dans ce pays et je suis britannique », répond la directrice de l'organisation caritative d'aide aux femmes africaines et antillaises victimes de sévices domestiques ou d'agressions sexuelles. Visiblement agacée par la réponse, la « dame de maison » (« Lady of the Household »), le titre officiel de Lady Susan à la cour, persiste et signe sur un ton de plus en plus condescendant. Après son départ de Buckingham Palace, Mme Fulani raconte en détail la conversation sur son compte Twitter, en se contentant de préciser qu'il s'agissait de « Lady SH ».

Mixed feelings about yesterday's visit to Buckingham Palace. 10 mins after arriving, a member of staff, Lady SH, approached me, moved my hair to see my name badge. The conversation below took place. The rest of the event is a blur.
Thanks @ManduReid & @SuzanneEJacob for support���� pic.twitter.com/OUbQKlabyq

— Sistah Space (@Sistah_Space) November 30, 2022

Dans un premier temps, le Palais a tenté de dédramatiser l'échange en évoquant « un membre de la maison royale » qui, de sa propre volonté, a non seulement démissionné de son poste mais a également présenté ses excuses à son interlocutrice. Les journalistes royaux, qui connaissent leur monde, n'ont pas été longtemps dupes sur l'identité de l'assistante en question. Il s'agissait bien de Lady Susan Hussey, 83 ans, veuve d'un ancien président de la BBC, qui fut pendant plus de soixante ans la dame de compagnie favorite d'Elizabeth II.

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La Lady cumule toutes les légitimités, à la ville et aux champs, qui font d'elle un beau fleuron de l'upper class. Cette vieille amie de Charles III est l'une des marraines du prince William. La reine défunte lui faisait totalement confiance, au point de lui demander de l'accompagner lors du sommet de Sandringham qui avait scellé le sort de Harry et de Meghan en janvier 2020.

Le prince William réagit

« Des commentaires inacceptables et profondément regrettables », a déclaré par la suite le Palais, en présentant officiellement des excuses à Ngozi Fulani. Pour sa part, le prince William, en visite officielle aux États-Unis, a fait savoir que « le racisme n'a pas sa place dans la société ».

Reste que le tort causé à l'image résolument moderniste du chef de l'État et de son épouse est considérable. La veille de l'incident, la reine consort avait rompu avec la tradition remontant au Moyen Âge en se passant des dames de compagnie. Elle avait nommé six de ses amies « compagnes de la reine ». Mais à y regarder de près, la liste est un Who is Who ? de la plus haute aristocratie anglo-saxonne, blanche et protestante du royaume : la marquise de Lansdowne, Lady Sarah Keswick, Lady Brooke, la baronne Chisholm, Lady von Westenholz et Sarah Troughton, Lord lieutenant du Wiltshire et cousine du roi. S'ajoutent trois des anciennes dames d'honneur d'Elizabeth II, dont l'infortunée Lady Susan Hussey…

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Comment expliquer le choix par Camilla de représentantes du Vieil Empire qui perpétuent rites et traditions de la noblesse britannique ? Pour Valentine Low, chroniqueur royal au Times et auteur du livre Courtiers: The Hidden Power Behind the Crown (Les hauts fonctionnaires du Palais : le pouvoir caché derrière la couronne), leur tâche consiste à épauler la reine consort lors des cérémonies officielles ou lui tenir simplement compagnie. Au profane, cette charge peut apparaître comme une interminable corvée. À leurs yeux, c'est servir son pays, comme on ne sert plus. « Les élues au pedigree impeccable ont des bonnes manières qui ne s'apprennent pas dans un manuel de savoir-vivre. De surcroît, elles doivent être intelligentes, car il n'est pas question de rester bouche cousue devant la reine consort. »

Autres temps... autres mœurs ?

Charles III a œuvré depuis des lustres en faveur de la diversité. Le contraste est saisissant avec sa mère qui n'a eu son premier écuyer noir qu'en 2017 au sein de la garde royale. Quant à sa grand-mère, la reine mère, elle aimait, dit-on, raconter des blagues à connotation raciste en privé.

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Autres temps, autres mœurs, insiste l'entourage du nouveau monarque. Reste qu'en Californie, la duchesse du Sussex doit savourer sa revanche. Meghan Markle avait été traînée dans la boue par la presse populaire après avoir dénoncé le racisme prévalant au sein de la famille royale. La sortie de Lady Hussey rappelle qu'en matière de diversité, Buckingham Palace est à la traîne du pouvoir exécutif dirigé depuis la fin octobre par Rishi Sunak, premier chef de gouvernement non blanc de l'histoire du royaume.