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Rapport du GIEC : « La limite de 1,5 °C n’est pas un seuil fatidique. Chaque fraction de degré compte, car chacune aggrave les impacts »

Un champ de soja détruit par la sécheresse, le 20 mai 2023 en Argentine.

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Lundi, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié la synthèse de huit ans de travaux. Audrey Garric, spécialiste des questions de climat au « Monde », répond à vos interrogations.

Les projections du GIEC sont faites à une échelle surtout globale (c’est plus difficile de descendre aux échelles des pays) et marquent des tendances. Ces dernières n’empêchent pas de connaître des extrêmes plus forts certaines années – plus chaudes et sèches ou, au contraire, plus fraîches ou plus arrosées. Il reste une variabilité du climat, qui se superpose à la tendance de fond du réchauffement. Mais certains scientifiques considèrent effectivement que les modèles sous-estiment les catastrophes climatiques extrêmes. Ils ont du mal à s’expliquer, par exemple, les près de 50 °C atteints au Canada en 2021.

Audrey Garric

Ces technologies font débat. Il existe encore un doute sur le fait qu’elles puissent être déployées à très grande échelle, en raison de leur coût élevé, d’une mise en œuvre complexe, d’une importante consommation d’énergie ou d’eau et surtout de l’acceptation de la société, encore loin d’être acquise. Pour leurs défenseurs, si elles ne sont pas la solution face au dérèglement climatique, elles sont incontestablement l’une des solutions. Pour leurs contempteurs, elles dédouanent les industries polluantes en les exonérant de modifier leurs activités et repoussent donc la véritable action : réduire les émissions de gaz à effet de serre en décarbonant l’économie.

Audrey Garric

Le GIEC n’est pas composé que de climatologues, loin de là, mais aussi d’économistes, de sociologues, d’historiens, d’ingénieurs, de philosophes, etc. Ces experts ne sont pas tous des universitaires, mais aussi des spécialistes employés par des instituts privés, des associations ou même des entreprises pétrolières. Et ils viennent de tous les pays – en dépit d’une surreprésentation des pays occidentaux. Enfin, tout le fonctionnement du GIEC réside dans une collaboration entre les auteurs et les représentants des Etats, qui décident des plans des rapports, les revoient dans leur ensemble et approuvent, mot par mot, les résumés à l’intention des décideurs. Ils proposent justement des modifications pour coller avec la réalité de leurs pays, du terrain, leurs objectifs politiques et éviter que les rapports ne soient trop « hors sol ». On est très loin de la poésie.

Audrey Garric

L’ensemble de notre économie et de nos modes de vie est basé sur les énergies fossiles, qui sont les principales causes du réchauffement. Il n’est pas évident de mettre fin à plus d’un siècle d’usage de ces combustibles, de revoir tous les processus de production, les objectifs de développement, contrer les intérêts économiques, la recherche à tout prix de la croissance, etc.

Audrey Garric

C’est la grande question qui agite les milieux scientifiques et des experts autour du climat. Le GIEC continue de dire qu’il y a un espoir car il reste quelques modélisations qui montrent que c’est techniquement possible, sans dépassement. Par ailleurs, pour beaucoup d’entre eux, le monde pourrait dépasser un réchauffement de 1,5 °C avant de revenir en dessous grâce aux technologies d’élimination du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Mais de plus en plus de scientifiques appellent à dire que cet objectif est « mort ».

De mon côté, je ne vois pas comment nous pourrions maintenir le réchauffement à 1,5 °C. Je ne suis pas pessimiste par nature, mais les politiques mises en place sont totalement insuffisantes et l’effort qui serait nécessaire trop important et radical. Les gouvernements mais aussi une grande partie de la population ne sont pas prêts à une révolution des modes de vie pour certains ni à renoncer à une forme de développement fondée sur les énergies fossiles pour d’autres. Après, je comprends que les scientifiques ne veuillent pas abandonner l’objectif de 1,5 °C pour que l’on ne baisse pas les bras dans la lutte contre le réchauffement. Une chose est sûre : la limite de 1,5 °C n’est pas un seuil fatidique, où tout irait bien avant et tout irait mal après. Le GIEC le répète : chaque fraction de degré compte, car chacune aggrave les impacts.

Audrey Garric

Le rapport n’est pas encore traduit en français. C’est un travail qui prend plusieurs mois. Vous pouvez toutefois trouver le résumé à l’intention des décideurs ici. Le rapport complet n’est pas encore disponible sur le site du GIEC.

Audrey Garric

Le GIEC a publié une infographie avec les principales options pour réduire les émissions de CO2 et préciser quelles émissions elles peuvent permettre d’éviter. On trouve dans la liste « la conversion à un régime alimentaire durable et sain », l’utilisation des transports publics, du vélo, de véhicules électriques, des bâtiments plus performants. La modification de nos modes de vie et de nos comportements a un poids considérable : elle permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 70 % d’ici à 2050. Bien entendu, ces changements ne dépendent pas seulement de notre propre volonté, mais bien de la mise en place de politiques nationales et locales et d’infrastructures, du déploiement de technologies et surtout d’aides financières.

Audrey Garric

Les solutions sont très présentes dans la synthèse du GIEC.

Pour parvenir à diminuer immédiatement et drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, il s’agit, avant tout, de réduire de manière « substantielle » l’utilisation globale des combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz –, qui sont les principales causes du réchauffement. Le GIEC évoque un « usage minimal » de ces combustibles lorsqu’ils ne sont pas assortis de technologies de captage et de stockage du CO2 (CCS). Le rapport détaille les solutions, secteur par secteur : repenser les villes, gérer les cultures de manière durable, modifier les régimes alimentaires ou développer les voitures électriques (avec une électricité bas carbone). Dans tous les domaines, la réduction de la demande et la sobriété sont essentielles. Protéger de manière « efficace et équitable » entre 30 % et 50 % des terres, de l’eau douce et des océans de la planète contribuera aussi à garantir une planète saine. Le rapport montre l’importance d’augmenter la finance climat, hautement insuffisante, notamment à destination des pays en développement, et de mener des politiques justes et équitables.

Les techniques d’élimination du dioxyde de carbone dans l’atmosphère (CDR), notamment par la plantation d’arbres, sont présentées par le GIEC comme incontournables pour limiter le réchauffement à 1,5 °C et pour revenir à ce seuil après l’avoir dépassé, mais leur déploiement à grande échelle pose des « questions de faisabilité » et de « risques sociaux et environnementaux », notamment sur l’usage des terres. C’est un sujet qui reste controversé.

Audrey Garric

Ce rapport de synthèse clôt le 6cycle d’évaluation du GIEC, débuté en 2015. C’est effectivement le résumé des six derniers rapports : trois volets de son 6e rapport d’évaluation (parus en 2021 et 2022, et consacrés aux bases physiques du réchauffement, aux impacts et aux solutions), et trois rapports spéciaux qui portaient sur les conséquences d’un réchauffement de 1,5 °C (2018), sur les terres, sur les océans et la cryosphère (2019). Il n’y a donc rien de nouveau, mais ce rapport permet d’avoir une vision d’ensemble sur la gravité de la crise climatique, ses impacts et les solutions pour ralentir le désastre. Cela permet de rassembler en une cinquantaine de pages plus de 10 000 pages de rapports.

La synthèse montre que les effets du dérèglement climatique sont généralisés, sans précédent depuis des millénaires, voire des centaines de milliers d’années. Les impacts en sont toujours plus ravageurs, globaux et, désormais, souvent irréversibles. Alors que les vies de milliards de personnes sont déjà affectées, la poursuite des émissions de gaz à effet de serre va renforcer les menaces sur la production alimentaire, l’approvisionnement en eau, la santé humaine, les économies nationales et la survie d’une grande partie du monde naturel. Mais le GIEC assure aussi qu’il reste une chance de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, à condition d’un sursaut international. Les options pour y parvenir, mais aussi pour s’adapter au dérèglement climatique, sont nombreuses, efficaces et disponibles dès maintenant.

Audrey Garric

Bonjour, merci de vos questions déjà très nombreuses. Je vais tenter de répondre au maximum.

Audrey Garric

Le GIEC entretient l’espoir ténu qu’il reste une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C, à condition d’un sursaut international

Posez vos questions après la publication du rapport de synthèse du GIEC

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié lundi la synthèse de huit ans de travaux. Une somme qui se veut l’état le plus complet et condensé de la science climatique, afin d’éclairer l’action mondiale.

Audrey Garric, journaliste au « Monde », spécialiste des questions de climat, répond à vos interrogations sur le sujet à partir de 15 h 30.

Le contexte

  • Lundi, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié la synthèse de huit ans de travaux. Une somme, rédigée par 93 scientifiques, qui se veut l’état le plus complet et condensé de la science climatique, afin d’éclairer l’action mondiale.
  • Le document rappelle que les activités humaines ont provoqué le réchauffement climatique, et que le mouvement s’accélère : ces cinquante dernières années, le rythme de hausse des températures est le plus rapide depuis 2 000 ans.
  • Des actions sont possibles pour limiter la hausse des températures – le GIEC espère la voir contenue à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle. Mais actuellement, les lois et les politiques ne sont pas à la hauteur, ni en termes de rythme ni d’échelle.
  • Le GIEC préconise ainsi de réduire de manière « substantielle » l’utilisation globale des combustibles fossiles, avec un « usage minimal » des charbon, pétrole et gaz lorsqu’ils ne sont pas assortis de technologies de captage et stockage du CO2 (CCS).
  • Pourquoi le réchauffement climatique s’est-il accéléré ces dernières années ? Quelles actions les gouvernements peuvent-ils mettre en place pour le limiter ? Et les individus ? Audrey Garric, journaliste au service Planète du Monde, spécialiste des questions de climat, vous répond à partir de 15 h 30.

Pour approfondir :

Décryptage : Article réservé à nos abonnés Editorial du « Monde » : Document :

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