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RD Congo, le cauchemar

Le pape François se rend la semaine prochaine en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud. Ce voyage, qui nécessite un grand courage, physique et moral, manifeste sa volonté de visiter ce qu’il qualifie de « périphéries » des grands centres mondiaux du pouvoir. À vrai dire, le terme est impropre, géographiquement, pour sa première étape. La RDC est un géant de l’Afrique, par sa superficie et ses richesses naturelles. Elle est amenée à jouer un rôle important dans la lutte contre le changement climatique si elle sait préserver son immense forêt tropicale et sa biodiversité.

Mais le pays est un des plus pauvres du monde. L’État est faible, et l’est du territoire est déchiré depuis bientôt trente ans par la violence qui sévit dans les provinces proches de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi. Le pape devait se rendre dans cette région, à Goma, en juillet 2022, dans une première version de ce déplacement annulé pour raisons de santé. Finalement, il ira uniquement à Kinshasa, la capitale, avant de s’envoler pour le Soudan du Sud.

L’est de la RDC, qu’il ne verra donc pas, demeure une des régions les plus instables du monde. La richesse du sous-sol y entretient une insécurité permanente. La fièvre de l’or, du coltan et d’autres métaux rares exacerbe les rivalités ethniques et la corruption. Elle attire des prédateurs qui détournent du pays l’exploitation des ressources. Elle excite la convoitise de l’Ouganda et du Rwanda, deux États militarisés et dirigés par des hommes forts au pouvoir depuis plusieurs décennies, Yoweri Museveni et Paul Kagame. Le drame de cette région a d’ailleurs débuté lors du génocide des Tutsis et Hutus modérés du Rwanda, en 1994. Une offensive victorieuse menée par Paul Kagame mit fin à la tragédie mais provoqua la fuite en RDC de 1,5 million de Hutus, avec parmi eux des responsables de l’appareil génocidaire.

Depuis, la guerre civile rwandaise s’est déplacée chez son voisin. L’Ouganda et le Rwanda ont participé à deux guerres en RDC qui ont fait des centaines de milliers de morts et ils continuent d’y intervenir. Différents massacres ces dernières semaines ont encore provoqué la fuite de dizaines de milliers de personnes. Selon un rapport publié en 2021 par l’Église catholique congolaise, il y a au moins 3 millions de personnes déplacées dans l’est du pays. Cent vingt groupes armés y seraient actifs. Les tensions ont conduit à l’envoi d’une force est-africaine comptant plusieurs milliers de soldats du Kenya et du Burundi, mais les populations locales la rejettent.

Il faudrait un État fort et légitime pour rétablir la sécurité. Or le gouvernement de Kinshasa est lointain, et le président Félix Tshisekedi, distancé lors de l’élection du 30 décembre 2018, n’a accédé au pouvoir qu’après un tour de passe-passe avec son prédécesseur Joseph Kabila. La stabilisation du pays, où l’ONU entretient sa plus longue et plus importante mission de casques bleus, sera longue et difficile. L’appui des États-Unis, des Européens et des organisations financières internationales maintient l’administration et l’armée dans un état de survie. Le régime peut aussi compter sur d’autres soutiens moins regardants, notamment la Chine. C’est surtout la société civile, avec l’exemple phare du médecin gynécologue Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, qui joue le rôle d’aiguillon en faveur de la démocratie et des libertés. Les réseaux liés à l’Église catholique jouent également un rôle actif. La visite du pape François leur apportera force et persévérance.