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Réforme des retraites : des débuts houleux à l’Assemblée nationale

La première journée de débat en commission sur le projet de réforme a donné lieu à de vives algarades entre députés de la majorité et de l’opposition.

Par Sébastien Schneegans
Environ 7 000 amendements ont ete deposes en commission, dont plus de 6 000 par la Nupes.
Environ 7 000 amendements ont été déposés en commission, dont plus de 6 000 par la Nupes.  © Vincent Isore / MAXPPP / IP3 PRESS/MAXPPP

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« On ouvre ses chakras et on se tait. » Dès les premières minutes du débat tant attendu sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFRSS), lundi, la présidente de la commission des Affaires sociales, Fadila Khattabi, a tenté, en vain, de calmer les députés de l'opposition, chauffés à blanc à la veille de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Au grand dam de l'élue de la Côte-d'Or, qui a regretté à plusieurs reprises que ses collègues se livrent à d'inutiles provocations, cette première (longue) journée de discussions à l'Assemblée nationale – les travaux se sont terminés vers minuit – a surtout été marquée par les algarades, coups de menton et attaques ad hominem entre les députés de la majorité et leurs collègues des groupes d'opposition. Peu de points d'éventuels accords ou de compromis ont été trouvés, y compris avec les députés Les Républicains, dont la plupart des amendements ont pour l'instant été rejetés.

Alors que les commissaires n'auront vraisemblablement pas le temps d'étudier en trois jours les quelque 7 000 amendements déposés – dont plus de 6 000 par la Nupes –, de précieuses minutes ont été perdues dès le début des discussions. Dans un indescriptible brouhaha, plusieurs députés se sont plaints d'être « entassés » dans une salle trop petite, ne pouvant travailler dans de bonnes conditions sur ce texte de 84 pages. « Il faut changer de salle », criaient certains. « C'est inacceptable ! » leur répondaient, en écho, des collègues.

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« Je ne pouvais pas prévoir qu'une partie de la Nupes serait massivement présente aujourd'hui », a expliqué Fadila Khattabi. Quelques députés de gauche, qui ne sont pas membres de cette commission, avaient décidé d'assister aux débats. Cet incident réglé, la rapporteure générale du texte, la députée Renaissance Stéphanie Rist, devait en régler un autre : un problème de micro. « Sinon j'ai un mégaphone si vous voulez », lui lance un élu, devant une poignée d'élus hilares.

Tribune contre le gouvernement

Mais même quand les conditions techniques d'un débat apaisé étaient réunies, la plupart des prises de parole ne tenaient pas, dans la matinée, aux amendements discutés. Les deux minutes accordées à chaque député ont plutôt servi de tribune pour brocarder la politique du gouvernement. « Deux semaines de pédagogie, c'est 13 % de Français supplémentaires qui sont contre la réforme », a moqué la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot. « Vous êtes au service de la finance plutôt que de la France », a renchéri le député de la Somme François Ruffin, accusant l'exécutif de se « radicaliser ».

À LIRE AUSSIMichel Richard – Lettre à François Ruffin, le bon apôtre de la Nupes « Ce texte est inconstitutionnel […] C'est une fraude, un braquage, une escroquerie », a ajouté Raquel Garrido, vitupérant le choix du véhicule législatif ; l'article 47.1 de la Constitution, qui prévoit, pour les textes budgétaires, de limiter à cinquante jours la durée des débats au Parlement. S'écartant aussi du sujet de discussion, le député communiste Sébastien Jumel a même défendu les menaces de coupures de courant proférées par certains salariés syndiqués à la CGT. « Vous choisissez d'inoculer le virus de la rage sur le statut des électriciens gaziers. Si on vous coupe le jus pendant deux ou trois heures dans vos permanences, je ne veux pas vous entendre pleurer ! » a-t-il asséné, accusant la majorité d'« épargner ceux qui font du pognon en dormant ».

« C'est presque mission impossible »

Ces longues digressions sur la forme ont éclipsé les échanges de fond, pourtant intéressants, sur la valeur travail, par exemple. « Chaque fois qu'on s'engageait sur des points techniques mais concrets, qui touchent au quotidien des Français, nos collègues de la Nupes venaient mettre de l'huile sur le feu. Ils se plaignent qu'on n'ait pas assez de temps, mais ils font pour tout pour empêcher tout échange argumenté », déplorait, entre deux séances, un élu Renaissance. Il a fallu attendre 11 heures pour qu'un premier amendement, déposé par Charles de Courson (Liot), soit adopté.

Dans l'après-midi, les échanges sur l'article 1er, qui prévoit que la plupart des régimes spéciaux seront mis en extinction, ont été plus fructueux. « Expliquez-nous pourquoi vous mettez en extinction cinq régimes spéciaux, et pas les neuf autres ? Pourquoi, en particulier, vous mettez en extinction le régime des membres du CESE, et pas celui de l'Assemblée nationale et du Sénat », a notamment interrogé Charles de Courson, dont l'expérience et la modération ont été saluées par les commissaires – l'élu centriste a entamé son septième mandat en 2022. Ses arguments n'ont cependant pas convaincu Stéphanie Rist et cette disposition du projet de loi a été validée.

Reste à savoir si les députés auront le temps de voter, d'ici à mercredi soir 20 heures – délai législatif prévu avant la discussion en séance publique –, les amendements relatifs à l'article 7 du texte, qui prévoit le report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. « À ce rythme, c'est presque mission impossible », glissait, au terme de cette journée mouvementée, un député Renaissance, qui craint un nouveau « tsunami » d'amendements après le passage en commission des Affaires sociales. Les 7 041 amendements étudiés ne concernent en effet que les travaux en commission ; les députés peuvent en déposer d'autres ultérieurement : en 2020, lors de la précédente réforme des retraites, avortée, 40 572 amendements avaient été déposés en séance, après les quelque 21 669 amendements partiellement étudiés en commission.