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Réforme des retraites : en crise, LR cherche une piste d’atterrissage

Qui pour débrancher la prise chez Les Républicains ? Depuis le début de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée, lundi, les divisions au sein de la droite grossissent à vue d’œil. «C’est infernal, grince un dirigeant de premier plan, effaré par le spectacle qu’offre son parti. Je ne sais pas combien de temps le rodéo va durer.» Au cœur de la brouille ? Des députés frondeurs, des chefs désemparés et… Aurélien Pradié.

Le député LR du Lot, vice-président exécutif du parti et candidat malheureux à sa présidence, cristallise les critiques. Devenu l’interlocuteur fantôme d’Elisabeth Borne, l’élu d’Occitanie joue le bras de fer musclé sur un point central de la réforme : l’avenir des carrières longues. Le député de Cahors continue de réclamer une dérogation au report de l’âge à 64 ans pour ceux ayant commencé à travailler avant 21 ans. Pour eux, les 43 annuités de cotisations doivent primer, réclame-t-il. Dimanche, la veille du coup d’envoi de la bataille parlementaire, la cheffe du gouvernement avait pourtant annoncé un geste à destination de ceux ayant commencé entre 20 et 21 ans. Une «tromperie», a cinglé Pradié, s’estimant floué sur un détail technique – le nombre de trimestres à valider pour intégrer le dispositif carrières longues.

«Une histoire de coqs»

Dans le commandement du parti, où Olivier Marleix, le patron des députés LR, a salué le «pas en avant» de Borne, comme chez les parlementaires, le zèle de Pradié courrouce. «Faut pas pousser le bouchon trop loin», avertit un député. Côté gouvernement, on juge les desiderata du Lotois «pas raisonnable[s]», dixit Olivier Dussopt. Le ministre du Travail a chiffré sa demande à 10 milliards d’euros. Le ballet à l’issue incertaine entre la droite et l’exécutif tourne pourtant autour de ce chapitre.

«Marleix et Ciotti ont offert à Pradié un boulevard, s’étrangle un autre dirigeant. Ils lui ont filé un trophée avec les carrières longues. Lui les a terrorisés. Maintenant c’est trop tard, ils ont créé la créature…» Mardi, lors du premier conseil stratégique du parti depuis l’élection d’Eric Ciotti, le député du Lot a été étrillé par les grands ducs LR. Le président des sénateurs, Bruno Retailleau, l’accuse de «démagogie». Sur France Inter, le président du Sénat Gérard Larcher l’a invité ce mercredi à voter la réforme «s’il se sent vraiment de [leur] famille politique». Un ultimatum ? Alors qu’un bureau politique doit se tenir mardi, son éjection de l’organigramme du parti est clairement sur la table.

«Tout ça, c’est une histoire de coqs», siffle un collaborateur parlementaire. Pas seulement. Derrière ces bisbilles, Pradié et la poignée de députés le soutenant au Palais-Bourbon posent une question stratégique de poids : par où passe la résurrection de la droite en 2027 ? La jeune garde pense que le macronisme n’est qu’une parenthèse et qu’il faudra séduire l’électorat de droite perdu, celui des «classes moyennes laborieuses», dixit Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais. Sur les retraites, «on enfonce un coin dans l’idéologie profonde de la vieille droite», revendique ainsi un député. Trentenaires, ces jeunes élus assument un côté «tête brûlée». L’un d’eux : «Notre différence avec la génération d’avant, c’est qu’on n’a pas goûté au sang, aux coups de poignard dans le dos et au pouvoir. Donc on n’est pas accros, et ça nous permet de ne pas transiger sur nos convictions.»

Pression sur Wauquiez

Au sein du groupe à l’Assemblée, où la cocotte-minute siffle, l’heure est à la dépressurisation. Les 62 députés ont (un peu) soufflé lundi soir, autour d’un buffet de fromages et de charcuterie organisé à la questure. «On imprime l’image d’un parti divisé mais qui réfléchit», se rassure un conseiller du groupe, se demandant au passage où se trouve la piste d’atterrissage. Les calculs divergent. Marleix assure qu’une quarantaine de ses troupes – soit les voix manquantes à la majorité – voteront le texte. «On n’est pas des robots, a-t-il assuré mardi. Chacun verra si le compte y est.» «Il n’y aura pas de vote, souffle un député, qui compte les heures avant que le texte soit expédié au Sénat. Ça nous arrangerait bien.» Et, en cas de blocage à l’Assemblée, de renvoyer la responsabilité du deal avec la macronie aux sénateurs LR. «La capacité de Retailleau à défendre l’équilibre défendu par le parti est en jeu», pointe Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin.

Dans ce bourbier, les gradés du parti mettent également la pression sur le présidentiable Laurent Wauquiez. En disant seulement «ne pas s’opposer à la réforme» lors de ses vœux en janvier, le président d’Auvergne-Rhône-Alpes a fait le service minimum. Or, à l’Assemblée, une bonne partie des députés de son fief s’opposent au projet. «Ce texte est purement comptable et je suis contre le report de l’âge légal», assure ainsi Isabelle Valentin, députée de la Haute-Loire. Qui ajoute au passage que «ce n’est pas le rôle» de son suppléant (un certain Wauquiez) de descendre dans l’arène pour apaiser les esprits échauffés.