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Réforme des retraites : « Je rêve que le scenario du CPE se rejoue »… Dans le cortège, on espère que l’Histoire bégaiera

« Motivés, motivés, il faut rester motivés ». Il est 14 heures boulevard Voltaire à Paris quand les manifestants reprennent en chœur ce refrain pour montrer leur détermination en cette dixième journée d’action contre la réforme des retraites. « Bosser tue », peut-on lire sur un tee-shirt. Sur un dessin, Marianne est en pleurs. Un peu plus loin un groupe de jeunes brandit une poupée à l’effigie d’Élisabeth Borne, à la mine sévère.

Mais c’est surtout le vent du souvenir qui souffle dans la rue. Dans les cortèges, on se remémore la mobilisation en 2006 contre le contrat première embauche (CPE). Un contrat de travail destiné aux moins de 26 ans, avec une période d’essai de deux ans. La loi avait été promulguée, mais le gouvernement de Dominique de Villepin avait fini par y renoncer, face à l’ampleur de la contestation qui avait duré trois mois. Un épisode qu’évoque Floriane, 35 ans : « A l’époque, j’avais même bloqué son lycée. Je n’étais pas redescendue dans la rue depuis le CPE, mais avec cette réforme des retraites, je n’ai pas hésité. Je rêve que le scenario du CPE se rejoue et que le gouvernement fasse machine arrière », lance-t-elle, avant de battre à nouveau le pavé. Derrière le cordon des leaders syndicaux, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger se souvient aussi de 2006 : « Aujourd’hui comme hier, il est toujours temps de ne pas appliquer un mauvais texte. »

Une contestation transgénérationnelle comme en 2006

Dans la foule, on croise toutes les générations. Un peu comme en 2006, car même si les jeunes étaient la cible de ce CPE, leurs aînés étaient venus leur prêter main-forte pour contester le dispositif. Un élargissement du mouvement contestataire qui avait fini par peser. En 2023, ce sont les jeunes qui viennent soutenir leurs parents ou leurs grands-parents, constate Céline, une bibliothécaire, qui a fait toutes les manifestations depuis janvier : « Ils ne sont pas immédiatement concernés par la réforme des retraites, mais se rendent compte qu’ils le seront demain. D’ailleurs, ils sont beaucoup plus nombreux qu’aux précédentes manifs. Ce sont de nouvelles forces pour porter le mouvement », lance-t-elle, avant de rejoindre ses collègues.

Imane Ouelhadj, présidente de l’Unef, qui défile en tête de cortège, fait aussi le parallèle entre 2006 et 2023 : « Aujourd’hui, plus de la moitié des universités sont bloquées. C’est la première fois que cela arrive depuis le CPE. Et même certaines facs comme Cergy ou Dauphine qui ne sont considérées comme contestataires, se mêlent au mouvement. Ça prouve le ras-le-bol généralisé de la jeunesse. » Selon elle, comme en 2006, ce sont clairement les jeunes qui peuvent faire pencher la balance : « Le gouvernement a clairement peur de la mobilisation de la jeunesse », assure-t-elle. « Les jeunes, une fois qu’ils sont dehors, on ne sait pas quand ils vont rentrer », abonde Floriane.

Un recours au 49.3 qui irrite, en 2006 comme en 2023

Dans les discussions des manifestants, comme sur leurs pancartes, on sent que c’est le recours du gouvernement au 49.3 pour faire adopter sa réforme des retraites qui cristallise les tensions. « 49.3 minutes de silence pour la démocratie », peut-on lire sur un carton. « 49.3 stop la magouille », est-il écrit sur un autre. Un article utilisé aussi par Dominique de Villepin en 2006 pour faire passer le projet de loi pour l’égalité des chances, qui incluait le contesté CPE. Ce qui avait ravivé la colère populaire. Un peu comme ces dernières semaines : « Le 49.3 ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, je n’ai jamais vu une telle obstination chez un gouvernement », commente ainsi Anne, 62 ans, toute juste retraitée qui ne se serait pas vu travailler deux ans de plus.

Si les manifestants défilent dans le calme, tous ont en tête les récents affrontements entre certains opposants à la réforme et les forces de l’ordre. Des débordements qui avaient eu lieu aussi en 2006 et avaient contribué à la décision du gouvernement de reculer sur le CPE. « On voit bien que le mouvement se durcit, même si on ne cautionne pas ces violences. Et le fait que le gouvernement rejette l’idée d’une médiation avec les syndicats jette de l’huile sur le feu », estime Maëlle Nizan, vice-présidente de la Fage. Au loin, un groupe de manifestants chantent « rien ne pourra nous arrêter ».