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Réforme des retraites : la jeunesse, le point de bascule de la mobilisation en Charente ?

Réforme des retraites : la jeunesse, le point de bascule de la mobilisation en Charente ?
Les jeunes se sont fortement mobilisés ce mardi dans les rues d’Angoulême.

Photos Quentin Petit

Par Henry GIRARD - h.girard@charentelibre.fr, publié le 31 janvier 2023 à 19h52.

Près de 10 000 Charentais se sont mobilisés ce mardi contre la réforme des retraites. Parmi eux, des centaines de jeunes angoissent d’une vie de travail toujours plus longue. Leur mobilisation pourrait être décisive.

La retraite, une affaire de jeunes ? « Franchement, je ne comprends même pas pourquoi les moins de 25 ans ne sont pas les premiers interlocuteurs du gouvernement sur sa réforme. » Guillaume a 19 ans, mèche brune et rebelle, vit à Angoulême. Il cherche un stage depuis qu’il a quitté le lycée. Sur fond de vie précaire, il fait bien partie des quelque 10 000 personnes rassemblées ce mardi (1) devant la gare contre le projet de loi du gouvernement :« Ce sont nous les travailleurs de demain ! Ma génération découvre que nos grands-parents bénéficient d’une bonne cagnotte cumulée dans les années 1960 – 1970, quand il y avait peu de personnes âgées pour lesquelles...

La retraite, une affaire de jeunes ? « Franchement, je ne comprends même pas pourquoi les moins de 25 ans ne sont pas les premiers interlocuteurs du gouvernement sur sa réforme. » Guillaume a 19 ans, mèche brune et rebelle, vit à Angoulême. Il cherche un stage depuis qu’il a quitté le lycée. Sur fond de vie précaire, il fait bien partie des quelque 10 000 personnes rassemblées ce mardi (1) devant la gare contre le projet de loi du gouvernement : « Ce sont nous les travailleurs de demain ! Ma génération découvre que nos grands-parents bénéficient d’une bonne cagnotte cumulée dans les années 1960 – 1970, quand il y avait peu de personnes âgées pour lesquelles il fallait cotiser. Elles vivaient moins longtemps et la durée de versement des pensions était plus courte. Aujourd’hui, c’est tout l’inverse et on veut nous faire trinquer. En fait, après la planète, on nous aura volé les retraites. »

Une bascule ?

Les jeunes se sont fortement mobilisés ce mardi dans les rues d’Angoulême.
Les jeunes se sont fortement mobilisés ce mardi dans les rues d’Angoulême.

Quentin Petit

Dans le cortège, les jeunes, comme lui, se comptent par centaines, tout aussi inquiets de l’avenir des retraites que les nombreux salariés du privé et du public à leur côté, ralliés par les syndicats contre le gouvernement Borne. Leur engagement est parfois raillé mais pourrait bien être la bascule dans la mobilisation intersyndicale.

En fait, après la planète, on nous aura volé les retraites.

C’est d’ailleurs ce qu’a bien en tête Michaël Lablanche, le secrétaire départemental de la CGT : « On mobilise tout aussi bien que le 19 janvier, explique-t-il. En Charente, on a bien une réserve de jeunes entre les lycées et le campus mais leur lutte n’est pas aussi organisée qu’à Poitiers ou Limoges. Ce sera notre rôle que d’aller les chercher en organisant par exemple une intersyndicale dans leurs locaux. Cette génération entre, en moyenne, à 27 ans dans la vie active. Pour cumuler leurs annuités, ils travailleront très tard. Le combat, c’est aussi pour eux. »

D’autant que le contexte social et économique ne leur est pas favorable. En Nouvelle-Aquitaine, 37 % des contrats signés par les moins de 25 ans sont des missions courtes et 20 % des moins de 21 ans de l’ancien Poitou-Charentes se déclarent « inoccupés » (chiffres Insee). Coincés entre études bouchées, chômage croissant et perte de sens de la société active, tous se disent « solidaires des aînés, des travailleurs et des femmes exposées par cette réforme ».

(1) Ce mardi, la police compte 8 500 manifestants, les syndicats oscillent entre 12 000 et 15 000.

Lily, 17 ans
Lily, 17 ans

Quentin Petit

Lily, 17 ans : « Nous ne sommes pas si débiles ! »

Elle rêve de théâtre, sait que ses ambitions seront difficiles à conjuguer avec une vie professionnelle. Qui se soucie de sa retraite à l’âge où on découvre la vie et que toutes les portes restent encore ouvertes ? « Dans le contexte actuel, je sais qu’il faut déjà que je réfléchisse à un plan de secours », confie-t-elle. Sa pancarte - « exploité au boulot, jeté au tombeau » - en dit long sur cette génération qui perd très vite ses illusions quant aux possibilités d’avenir. En tant que jeune, elle se sent dénigrée par les pouvoirs publics : « Nous ne sommes pas si débiles, dit-elle. L’État doit se rappeler que nous sommes désormais dans un monde où les gens communiquent. Ne voient-ils pas que le lien est en train de se défaire petit à petit entre les dirigeants et la population. » Future retraitée mais avant tout future électrice.

Melies, 16 ans
Melies, 16 ans

Quentin Petit

Melies, 16 ans : « On a conscience de ce que nos aînés ont obtenu »

Avec ses amis du Lycée de l’image et du son, Melies a formé l’Union des jeunes révolutionnaires d’Angoulême (Ujra). Ils veulent fédérer leurs camarades angoumoisins dans cette mobilisation. Pari réussi pour ce second rendez-vous de l’intersyndicale. Sur les réseaux sociaux, ils alertent : « Nous nous devons de manifester contre un recul de l’âge légal du départ à la retraite, d’autres réformes suivront et elles iront toutes dans ce sens. Les jeunes sont les garants de la protection de certains acquis et c’est justement le moment de le montrer car les occasions de manifester en solidarité avec les autres syndicats ne se présentent pas souvent. » Même si les pensions sont encore loin de lui, il n’est pas dupe : « Tout le monde doit s’inquiéter sur cette réforme, peu importe ce que nous voulons faire plus tard. Si les salariés partent plus tard, leur travail se libère plus tard. Il y en aura toujours moins. »

Gabriel et Léo, 17 ans
Gabriel et Léo, 17 ans

Quentin Petit

Gabriel et Léo, 17 ans : « Derrière la pénibilité des métiers, il y a de vrais gens »

Les deux amis confient venir à la manifestation pour exprimer leur rejet de la réforme des retraites, d’une part, mais aussi pour la « sociabilisation ». Dans les journaux, les chaînes d’info, sur les réseaux, ils regrettent ne plus pouvoir distinguer les enjeux et avis exprimés de tous les côtés dans un flot continu. Pour eux, c’est sur le terrain qu’ils ont décidé de s’informer. « Quand on se retrouve à échanger avec quelqu’un qui vous parle de son travail, de sa pénibilité, de sa longévité, on comprend très vite ce qu’il nous dit. Ce ne sont pas des mots en l’air, des images, là, il y a parfois de la souffrance. Ce sont autant de choses qui nous alertent, nous incitent à faire très attention à ce qui nous attend. On sait que lorsque l’on va dans une intersyndicale, ce n’est pas neutre, bien sûr, mais cela n’empêche pas d’écouter ce qu’une partie de la population a à dire des projets de société. »

Anna et Maïwenn, 15 ans
Anna et Maïwenn, 15 ans

Quentin Petit

Anna et Maïwenn, 15 ans : « La vie, c’est aussi laisser la place à d’autres activités »

Elles sont parmi les plus jeunes mobilisés ce mardi. C’est d’abord la retraite des parents qu’elles ont observée. « Mon père bénéficie d’une retraite un peu particulière, explique Anna (à gauche). Il est steward et dans sa carrière, au fil des réformes, il a déjà pris 5 ans de plus depuis qu’il a commencé. C’est exactement ce qui nous attend si notre génération ne fait pas attention. » « Les Français sont épuisés, poursuit son amie. Ça nous crève les yeux même si beaucoup de monde reproche à la jeunesse son inexpérience. » Là encore, un sentiment de ne pas être entendues : « On a l’impression qu’une partie des plus de 60 ans sont en faveur du président, alors qu’ils ne sont pas concernés par le report de l’âge de départ. Mais les prochains, c’est nous. Or, la vie, c’est aussi laisser la place à d’autres activités, à autre chose que le travail. »