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Réforme des retraites: le débat s’engage, la rue s’essouffle

DÉCRYPTAGE - Quelque 757.000 manifestants ont défilé mardi, selon Beauvau, alors qu’une nouvelle mobilisation est prévue samedi.

Certains se réjouissent du reflux arithmétique, d’autres préfèrent attendre pour analyser la dynamique. Mardi, la troisième grande journée de manifestation a été marquée par un net recul de la mobilisation nationale, estimée à 757.000 personnes selon Beauvau - dont 57.000 à Paris -, contre près de 2 millions pour la CGT, dont 400.000 dans la capitale.

Une baisse de régime qui a aussitôt braqué les projecteurs vers le deuxième rendez-vous social de la semaine, prévu samedi. Le choix d’un jour chômé par les organisations syndicales - fait rare - a été posé pour tenter d’élargir le mouvement, au privé en particulier. «La baisse de mardi est difficile à analyser, ne crions pas victoire. Il y a encore beaucoup de doutes et de colères dans le pays», confirme ainsi un ministre, qui n’exclut pas que des bataillons se soient réservés pour la fin de semaine.

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Mardi, en parallèle de la troisième mobilisation - émaillée de quelques violences lors de la dispersion et d’au moins une vingtaine d’interpellations -, Emmanuel Macron a lui, préféré déjeuner avec Nicolas Sarkozy pour évoquer son projet de réforme des institutions. Manière pour le chef de l’État de mettre en scène sa distance vis-à-vis de la contestation. Comme il l’avait déjà fait le 31 janvier dernier, en recevant le président du Parlement ukrainien, Ruslan Stefanchuk, pendant que 1,3 million de personnes défilaient dans les rues.

Ou encore le 19 janvier, jour de lancement des grandes manifestations, quand lui se trouvait en Espagne avec une bonne partie du gouvernement pour signer des accords de coopération diplomatique. Autant de cartes postales qui visent, espère-t-il, à entretenir le sentiment de surplomb. Et lui permettent de préparer les chantiers à venir, pendant que la première ministre Élisabeth Borne monte seule au front et engage la discussion au Parlement. Là où l’article liminaire du projet de loi a été adopté d’une courte tête, mardi, par 246 voix contre 229.

La majorité et les oppositions vont se taper dessus dans l’Hémicycle, au sein des institutions, pour éviter que le combat n’ait lieu dans la rue

Un proche du président de la République

«Depuis la présentation du texte par la première ministre, le 10 janvier, on se faisait boxer de tous les côtés sans jamais pouvoir répondre. Le temps des différentes commissions parlementaires était nécessaire, mais ces trois longues semaines ont été assez coûteuses politiquement pour nous. Maintenant, place au débat à l’Assemblée, proposition contre proposition», veut croire un proche du président de la République. «La majorité et les oppositions vont se taper dessus dans l’Hémicycle, au sein des institutions, pour éviter que le combat n’ait lieu dans la rue. Le début de l’examen en séance publique, lundi, était chaotique et cathartique à la fois: c’est le retour de la démocratie», ajoute-t-on de même source.

Distances de sécurité

Autour du chef de l’État, on tente donc de se persuader que l’avenir de la réforme va davantage se jouer Palais Bourbon que dans les cortèges. N’en déplaise à Philippe Martinez, qui a réclamé mardi des «grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives, et reconductibles». «Si le gouvernement persiste à ne pas écouter, forcément il faudra monter d’un cran», a mis en garde le patron de la CGT, au départ de la manifestation parisienne place de l’Opéra. Idem côté Nupes même si, une fois encore, les cortèges politiques et syndicaux ont respecté leurs traditionnelles distances de sécurité.

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«Nous utiliserons tous les moyens possibles pour que cette réforme ne passe pas», a ainsi prévenu le député LFI de la Somme, François Ruffin. «On a le sentiment que la victoire est à portée de main», a complété le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. «Le gouvernement est dans une impasse et sa majorité est en train de se fissurer, croit savoir de son côté la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier. Si le spectre du 49.3 plane à l’Assemblée, il n’existe pas dans la rue, ce qui explique notre détermination.» Pour l’écologiste, «ce qui se joue en ce moment, c’est bien plus que les retraites, c’est relever la tête après toute une série d’humiliations. C’est le début de la fin du macronisme.»

Chiffres en berne

Numéro deux des Insoumis et député de Marseille, Manuel Bompard ne s’est pas ému des chiffres en berne. «La mobilisation reprend son souffle. Il y a deux dates. Le temps fort de la semaine, comme tout le monde le sait, ce sera samedi.» Avec d’autres parlementaires Nupes présents dans la rue, le mélenchoniste a peu apprécié les accusations macronistes d’une agitation volontaire à l’Assemblée pour faire obstruction. «Ne ridiculisons pas les députés», a-t-il prévenu.

On n’a pas de certificat de bonnes manières à demander à un Monsieur qui a mis le feu au pays uniquement pour sa gloire

Jean-Luc Mélenchon

«Je mets au défi quiconque de démontrer que les amendements que nous allons défendre dans l’Hémicycle ne seront pas utiles au débat.» Présent mardi à Paris - alors qu’il était à Marseille en janvier -, Jean-Luc Mélenchon s’en est enfin pris à Emmanuel Macron: «On n’a pas de certificat de bonnes manières à demander à un Monsieur qui a mis le feu au pays uniquement pour sa gloire, pour faire le malin à Davos…» Si l’unité de la Nupes était affichée dans la rue, elle n’empêche pas le débat qui existe dans les travées de l’Hémicycle. Où la stratégie de blocage d’une partie des Insoumis ne fait pas l’unanimité.

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