France
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Réforme des retraites : les experts parlent à Libé

L’économiste Pierre Khalfa et la «fiction capitaliste»

Huitième réforme depuis 1993, le texte porté par Elisabeth Borne présente, comme ses prédécesseurs, un seul argument financier que Pierre Khalfa, membre de la Fondation Copernic, balaye en citant le président du Conseil d’orientation des retraites : «Les dépenses de retraites ne dérapent pas mais elles ne sont pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du gouvernement.» Au-delà de la logique comptable, ce à quoi veut mettre fin le gouvernement, estime Pierre Khalfa, c’est le principe même de la retraite, soit une période de la vie où l’individu ne s’adonne plus au «travail contraint» mais à «des activités sociales libres […] financées par des cotisations sociales, c’est-à-dire in fine par le capital». Lire la tribune

La sociologue Dominique Méda et le «détricotage de l’Etat social»

Spécialiste du travail, la chercheuse, opposée au recul de l’âge de départ déconstruit le discours du gouvernement définissant dans la réforme un «projet de justice sociale» : «Un gouvernement sincèrement soucieux de justice sociale aurait certainement procédé à l’inverse de ce qui vient de se passer : il aurait commencé par prendre à bras-le-corps la question des conditions de travail et de la pénibilité, notamment […] en accordant des réductions de durée de cotisation pour tous ceux qui ont des métiers pénibles.» Si elle reconnaît que «le système social français demeure très protecteur dans son ensemble», elle craint, à travers la réforme de l’assurance chômage et la non-prise en compte de la «grande fatigue» liée aux conditions de travail, un «détricotage de l’Etat social». Lire notre interview

L’économiste Philippe Aghion et l’âge légal de départ

Quand son interview paraît dans Libération, à la fin de l’année, le projet gouvernemental porte toujours sur un report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. L’économiste, inspirateur du programme d’Emmanuel Macron en 2017, s’inscrit en faux : «Reculer l’âge de départ à 65 ans, plutôt que de modifier la durée de cotisation, est à la fois injuste et inefficace.» Cette mesure d’âge mise de côté, le professeur au Collège de France estime néanmoins qu’il faut que l’on travaille plus longtemps pour augmenter le taux d’activité, une source de financement pour «investir dans l’éducation, la santé, la transition énergétique et la réindustrialisation». Partisan d’un allongement des durées de cotisation «à 43 puis 44 ans», à l’exception «[d] es individus qui ont commencé à travailler tôt», Philippe Aghion a donné son blanc-seing au texte après que l’âge de départ proposé par le gouvernement a été ramené à 64 ans. Lire notre interview

L’ingénieure Christiane Marty, la réforme par l’égalité femmes-hommes

Un des moyens de résoudre le problème de financement des retraites consisterait à améliorer le taux d’activité des femmes en France, estime la membre du conseil scientifique d’Attac. Avec 84 % de femmes au travail contre 92 % pour les hommes, la France figure au 25e rang sur les 38 pays que compte l’OCDE. Des carrières plus hachées, des rémunérations plus faibles, qui conduisent aussi les femmes à avoir des pensions plus faibles. Or, résorber cet écart, tout comme celui qui prévaut encore pour les inégalités salariales, ne figure aucunement dans les projections du COR, «traduisant soit le renoncement à tout progrès vers l’égalité soit une résistance à ce progrès relevant de l’idéologie conservatrice en matière d’emploi des femmes», déplore l’ingénieure. Lire la tribune

Le chercheur Serge Guérin et la «retraitéphobie»

Avec l’augmentation du temps de vie en bonne santé ces dernières décennies, que faire de nos retraités ? C’est cette question qu’occulte le débat sur le recul de l’âge de départ, selon le spécialiste du vieillissement Serge Guérin. «Dans une société où le travail confère un statut social, les débats actuels perpétuent une sorte de déconsidération symbolique de la retraite. Le retraité apparaît inutile, malade, fragile et comme un coût pour la société», regrette le chercheur. A rebours d’une «retraitéphobie» partagée par partisans et contempteurs de la réforme, «les retraités sont des actifs de conviction, d’utilité sociale collective, de relation et de soin». Bref, sans les vieux, «pas de société». Un regard qui induit un soutien à l’emploi des seniors et des métiers du soin, une mobilisation des retraités «pour réussir la société de la longévité». Lire la tribune

L’économiste Henri Sterdyniak et la mise à contribution des retraités

L’idée est portée comme une alternative à la réforme du gouvernement. Plutôt que d’augmenter les recettes via l’allongement de la durée de cotisation ou le recul de l’âge de départ, pourquoi ne pas mettre à contribution les retraités aisés ? Le gouvernement s’y refuse, en partie par peur de s’aliéner une population électoralement favorable. Critiquant un gouvernement qui «dramatise un déficit projeté de 0,4 point du PIB alors qu’il a baissé les impôts de 60 milliards d’euros», Henri Sterdyniak ne souhaite pas qu’on touche aux pensions, qui ont ces dernières années, «déjà subi plusieurs désindexations et des hausses de CSG». Au contraire, plutôt que de taxer le travail, il encourage à taxer le patrimoine. Lire notre interview