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Réforme des retraites : les pancartes aux trésors

«Regarde ta Rolex, c’est l’heure de la Révolution» Ces mots, écrits à l’encre rouge et noire, James les brandit à bout de bras sur une affiche de fortune, péniblement collée à un manche en carton. A côté de ce slogan, le jeune homme âgé de 25 ans a dessiné un vieil homme aux airs de savant fou, dont les cheveux blancs dressés et le poing levé appellent à la révolte : «Pour cette pancarte je me suis inspiré d’une bande dessinée qui s’appelle les Vieux Fourneaux, décrit ce professeur de Sciences de la vie et de la Terre dans le secondaire. Cette BD raconte l’histoire de trois petits vieux qui sont syndicalistes, et lorsqu’ils manifestent, c’est cette pancarte qui apparaît», poursuit le professeur, mobilisé pour sa propre retraite, mais surtout pour celle de ses parents.

Comme James, parmi les formules conventionnelles inscrites sur les drapeaux des syndicats, les manifestants mobilisés contre la réforme des retraites sont nombreux à avoir élaboré leurs propres slogans, rivalisant d’imagination et de créativité pour faire entendre leur voix.

«Bouffe ma chatte pas ma retraite»

Alors que le cortège défile calmement le long du boulevard l’Hôpital,, des pancartes aux formules audacieuses se découpent dans le paysage. «Pas les putes à Macron», peut-on lire en lettres rouges et blanches sur une affiche cartonnée , tandis que, non loin de là, une jeune femme emmitouflée dans une écharpecarmin tient fermement un carton sur lequel on peut voir : «Bouffe ma chatte pas ma retraite.»

Révolutionnaires, poétiques, provocateurs (et parfois hors sujet), il y en a pour tous les goûts. Tout près de la manufacture des Gobelins, un homme s’arrête précipitamment pour photographier l’affiche – un brin provocatrice – de Quentin : «Je rêve de me faire briser le cul comme Macron brise les droits du peuple français», peut-on y lire. Et pour cet étudiant en graphisme, les pancartes sont une façon de mettre l’art au service de la fronde : «C’est une manière pour nous, artistes, de nous sentir utiles. Parce que là on met ce que l’on sait faire au service du mouvement. Et en plus de ça il y a une forme d’émulation artistique, pour réaliser la plus belle affiche», affirme-t-il non sans une certaine fierté entre deux bouffées de cigarette, les lunettes de soleil relevées sur ses cheveux longs.

Dans la manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 31 janvier 2023. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)

«Tu nous mets 64 ? On te re-Mai 68» : ce slogan, Annie l’a vu sur Twitter, lors de la dernière manifestation contre la réforme des retraites le 19 janvier dernier à Bordeaux. Une plinthe de bois retrouvée dans son garage et un morceau de carton plus tard, et voilà l’affiche qu’elle portera, dans les rues de Paris : «Je suis une femme, et je suis née en 1973, donc je suis sacrifiée par cette réforme, se désole-t-elle en fourrant son nez dans son manteau de laine beige pour se réchauffer, avant d’ajouter : la créativité de la lutte n’a pas d’égal en France. Les slogans, les pancartes, les affiches, tout cela ça fait partie de la lutte. Et je dirais même que cela fait partie de notre modèle. Quand on dit que les Français sont des fainéants, c’est faux. Ce n’est pas parce qu’on ne travaille pas plus longtemps qu’on est inutiles et qu’on est des profiteurs.»

«Grève géniale»

Au milieu du cortège, Joël brandit quant à lui un manche à balai télescopique bleu azur, au bout duquel trône une affiche de Massacre à la Tronçonneuse, où un Emmanuel Macron aux airs vengeurs assassine le climat, le chômage, les retraites ou encore l’hôpital. «L’image joue un rôle de plus en plus important, aujourd’hui, surtout sur les réseaux sociaux, souffle-t-il sous sa moustache grise. Donc ça peut être une arme clé, justement pour combattre le pouvoir, ajoute-t-il. Et tout près de lui, passe une étudiante en calligraphie, qui tient dans ses mains une affiche sur laquelle elle a écrit, en lettres roses : «Grève géniale», variante enthousiaste du traditionnel «grève générale».

Et alors que la nuit tombe sur la manifestation, on distingue encore, au loin un slogan qui joue des rimes riches : «Se tuer à la tâche, ni pour Macron, ni pour les patrons». Il en côtoie un plus concis, mais non moins clair : «C’est mort.»