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Réforme des retraites : Une personne de 60 ans sur deux ne travaille-t-elle plus, comme l’affirme Ruffin ? Prudence

La discussion sur la très discutée réforme des retraites va revenir dans les prochains jours à l’agenda politique et crée déjà des débats. Mercredi matin, sur France Info, le député de la France insoumise François Ruffin n’a pas hésité à tacler la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. « Ce que s’apprête à faire le président de la République est une folie », a fustigé le député de la Somme. Inutile selon lui, la réforme créerait des ressentiments « dans le cœur des gens tous les jours ».

🗣 Réforme des retraites ➡️ "Je dis ‘non il ne faut pas la faire cette réforme’. Elle n’a aucune utilité”, selon le député de la Somme. Il dénonce des “mensonges” du gouvernement. “Les retraites sont là pour financer une nouvelle baisse des impôts des entreprises”, fustige-t-il. pic.twitter.com/8ghWkNI1nE

— franceinfo (@franceinfo) September 28, 2022

D’après François Ruffin, ce projet de loi constitue une injustice pour la plupart des travailleurs français, qu’il oppose « aux conseillers de chez McKinsey ». « A 60 ans, un Français sur deux n’est plus au travail. Pourquoi ? Car un Français sur deux a une santé altérée à 60 ans », a décrit le député LFI. Contredis par la journaliste Salhia Brakhlia, François Ruffin répond : « Vous irez vérifier. Fact-checking ». Chez 20 Minutes, nos oreilles ont sifflé à ce moment-là et nous avons décidé de nous pencher sur le sujet. Enquête.

FAKE OFF

Sur le dossier de la réforme des retraites, les statistiques détournées ressortent souvent pour s’opposer au report de l’âge légal à le retraite. En mars, Yannick Jadot - alors candidat écologiste aux présidentielles - expliquait « qu’un Français sur deux qui fait valoir ses droits à la retraite ne travaille déjà plus ». Plus tôt, en 2019, le président de la CGT Philippe Martinez avançait également quelques chiffres. « Une personne sur deux à 55 ans n’est plus en activité », affirmait le syndicaliste sur RTL.

Qui dit vrai ? Qui dit faux ? Il semblerait bien que le député François Ruffin se rapproche le plus des vraies statistiques. D’après les chiffres du Dares [le bureau des statistiques du Ministère du travail], au mois de décembre 2021, le taux d’emploi s’élève à 35,5 % chez les 60-64 ans, contre 56 % chez les 55-64 ans. Seulement, comme nous l’explique le Dares, ces tranches d’âge s’avèrent bien trop larges pour en dessiner la moindre conclusion. Difficile donc d’être aussi précis que le député interrogé par France Info.

A contrario, l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) indique dans une étude publiée en 2020 que les seniors sont de plus en plus nombreux sur le marché du travail. « Les taux d’emploi des seniors augmentent à tous les âges entre 2006 et 2016, mais l’essentiel de la hausse concerne les personnes de 57 à 61 ans. À 60 ans par exemple, il atteint 38 %, soit le double de ce qu’il était en 2006 », souligne l’étude. Si on suit la logique de l’Insee, les travailleurs seraient un peu plus nombreux que ce qu’affirme François Ruffin. Un écart de 12 points environ.

Des obstacles à prendre en compte

Mais l’allégation du politique ne dit pas seulement ça. François Ruffin parle également « de la santé altérée » des travailleurs qui les poussent - pour moitié - à arrêter de travailler. C’est un des points du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en juin 2021. « D’éventuelles difficultés de santé aux âges élevés sont un obstacle au maintien dans l’emploi et doivent être prises en compte dans la réflexion sur l’âge de la retraite », souligne le rapport.

Toujours d’après le rapport, les incapacités des travailleurs augmentent après 50 ans et leur permettent de moins en moins de passer du temps en emploi… et cela bien avant leur départ à la retraite. Ce sont en fait les résultats d’une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publiée en février 2020. « Les personnes ayant des incapacités quittent le marché du travail plus jeune mais liquident leur retraite plus tard », titre l’enquête. « Vers 60 ans, environ une personne sur dix déclare être fortement limitée dans les activités de la vie quotidienne, et est donc considérée dans cette étude comme handicapée. Environ une personne sur six se dit limitée mais pas fortement, et le reste de la population, soit trois personnes sur quatre, ne déclare aucune incapacité », explique l’auteur de l’enquête, Patrick Aubert.

Des métiers plus touchés

D’après lui, les personnes handicapées passent moins de temps en emploi : « en moyenne 8,5 années sans emploi ni retraite après 50 ans, contre 1,8 an pour les personnes sans incapacité. Cet écart s’est accru depuis 2013, sous l’effet de la réforme des retraites de 2010 ». L’étude explique également que l’incapacité se développe avec l’âge, une affirmation dont on aurait pu se douter. Ce qui importe ici, ce sont les chiffres. « 77 % des retraités sont sans incapacité au cours de leur première année de retraite, 15 % sont limités mais pas fortement et 8 % sont fortement limités ». Une tendance qui invaliderait les propos de François Ruffin, selon qui la moitié des travailleurs arrivent en invalidité à la retraite.

L’enquête montre également que certaines catégories socioprofessionnelles sont plus à même d’être concernées par ces incapacités dès la première année de retraite. Ce sont par exemple le cas des ouvriers ou des employés, à l’inverse des cadres et professions intellectuelles supérieures, dont le taux est plus faible. Dans d’autres termes, c’est ce qu’explique François Ruffin lorsqu’ils opposent les travailleurs aux « conseillers de chez McKinsey », qui seront selon lui moins fragilisés.