France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Renault-Nissan : un nouveau virage pour l’alliance

Un divorce qui ne dit pas son nom ? Un remariage, avec séparation des biens ? Ces derniers mois, impossible d’échapper aux métaphores matrimoniales quand journalistes et commentateurs évoquaient l’avenir de l’alliance Renault-Nissan, mise à mal par l’affaire Ghosn et la fuite rocambolesque de son ex-patron, en 2019.

« En réalité, on est plutôt passé d’un pacs sans contrat à un pacs contenant de solides clauses, à même de cadrer les discussions et relations entre les deux groupes », relève Valentin Mory, analyste chez AlphaValue, en réaction aux annonces effectuées le lundi 6 février par les deux partenaires.

Dans ce dossier chargé d’affect, notamment côté japonais, Renault et Nissan ont pris soin de tenir leur conférence de presse en terrain neutre, dans un grand hôtel londonien. À la faveur d’un show d’une heure et demie parfaitement bordé, leurs patrons respectifs ont détaillé le nouvel accord « en place pour une période initiale de quinze ans », comme l’a dit le président de la marque au losange, Jean-Dominique Senard.

Une participation croisée de 15 %

Un accord qui marque un rééquilibrage de l’alliance, avec une participation croisée de 15 %, alors que Renault détenait jusqu’ici 43,4 % du capital de Nissan. Le groupe français ne vendra cependant pas immédiatement les 28,4 % de parts qui restent mais les placera pour l’instant dans une fiducie, en attendant que le cours de l’action remonte.

Lundi 6 février, elle s’échangeait à 472 yens (3,31 €), en hausse de 2 %, alors qu’elle est inscrite dans les comptes de Renault à plus de 1 000 yens (7,02 €). « Ce ne sera pas une question de semaines ni même de mois », a laissé entendre le directeur général, Luca de Meo, tout en précisant que les deux constructeurs se sont « mis d’accord sur les repreneurs et les partenaires acceptables ».

Intervenant après des mois de négociations qui achoppaient notamment sur des questions de propriété intellectuelle, ce rendez-vous londonien a aussi et surtout été l’occasion de prendre un nouveau départ et d’annoncer ou confirmer toute une série de projets associant les deux partenaires, ainsi que le troisième acteur, le japonais Mitsubishi, qui les a rejoints en 2015.

Des projets communs en Amérique latine et en Inde

Pour y parvenir, Nissan – et dans un second temps peut-être Mitsubishi – prendra ainsi une participation maximale de 15 % du capital d’Ampere, la nouvelle entité de Renault centrée sur l’électrique et qui fera l’objet d’une introduction en Bourse cette année. Une collaboration qui doit notamment permettre au groupe japonais de se préparer aux évolutions réglementaires du marché européen, avec l’interdiction d’y commercialiser des véhicules thermiques à compter de 2035.

Renault fera aussi bénéficier à ses partenaires de son avance dans le domaine du « véhicule défini par logiciel », ce dernier permettant de contrôler de façon centralisée l’ensemble des paramètres et fonctionnalités de la voiture. Le constructeur tricolore, lui, pourra par exemple, avec Mitsubishi, s’appuyer sur l’expertise de Nissan dans le domaine des batteries solides et de la conduite autonome.

Les partenaires entendent aussi coopérer pour renforcer leurs positions sur plusieurs marchés régionaux. Des projets verront le jour en Argentine, et un nouveau véhicule Renault sera produit au Mexique. L’Inde accueillera « une gamme mixte à la fois pour la production, la vente locale et l’exportation fondée sur une plateforme partagée », a indiqué Luca de Meo. « La seule possibilité pour Renault et Nissan de rester rentables sur un des marchés les plus importants », le troisième au monde.

La future citadine de Nissan produite dans les Hauts-de-France

En Europe, cette fois, la future petite citadine de Nissan sera produite à partir de 2026 dans l’ElectriCity, le pôle électrique de Renault regroupant les sites de Douai, Maubeuge et Ruitz, dans les Hauts-de-France. « Cette voiture aura 80 % de pièces en commun avec la Renault 5 », version revisitée et décarbonée du modèle phare des années 1970-1980.

En revanche, Nissan et Mitsubishi ne participeront pas à Horse, autre entité de Renault chargée, elle, de développer en partenariat avec le chinois Geely les véhicules hybrides et thermiques, qui seront destinés, à l’avenir, aux marchés extra-européens.

À lui seul, Renault ne peut rivaliser avec les leaders mondiaux

Comme le dit Jean-Dominique Senard, la nouvelle alliance repose sur le principe de la « flexibilité », qui permet à chacun de lancer ses projets et aux autres, le cas échéant, de s’y associer « non pas parce qu’ils sont contraints de le faire mais parce que c’est dans leur intérêt ».

« Clairement, le partenariat avec Nissan se trouve dilué et ne constitue plus qu’un des piliers de la stratégie de Renault », observe Valentin Mory. « Il n’en reste pas moins essentiel car Renault, à lui seul, n’a pas la taille pour rivaliser avec les leaders mondiaux », les groupes Toyota et Volkswagen.

------

Le groupe Renault en chiffres

Implanté dans plus de 130 pays, Renault compte 111 000 collaborateurs.

Le groupe réorganise actuellement ses activités en cinq entités : Ampère, spécialisée dans les véhicules électriques et dont le capital sera détenu en partie par Nissan ; Power, qui regroupera les activités historiques autour du thermique et de l’hybride et qui inclura la coentreprise Horse, fondée avec le chinois Geely ; Alpine pour les sports automobiles ; Mobilize, chargée des services, notamment financiers, et les nouvelles mobilités ; enfin, The Future is Neutral pour les activités d’économie circulaire.

En 2022, hors Russie, les ventes mondiales du groupe Renault (Renault, Dacia, Alpine, Mobilize) étaient de 2 millions de véhicules, en baisse de 6 %.

L’alliance Renault-Nissan, qui inclut aussi Mitsubishi, a totalisé 6,15 millions de ventes, loin derrière Toyota (10,5 millions de véhicules).