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Rendre l'avion plus écolo ?

Les programmes de fidélité des compagnies d'aviation (frequent flyer program) ont 40 ans. Ils furent créés en premier en 1979 par la Texas International Airlines aujourd'hui disparue. Désireuse de donner une impulsion à sa clientèle stagnante et de donner du lustre à sa marque, la solution préconisée - et suivie peu à peu par d'autres - fut de s'assurer la loyauté de ses clients en leur offrant un avoir sur des vols futurs. En achetant leur billet, les passagers gagneraient des miles proportionnels à leur nombre de vols avec cette même compagnie qui leur permettraient d'être échangés par la suite contre un vol gratuit ou un surclassement.

La trouvaille s'avéra extraordinairement juteuse pour les voyageurs fréquents qui furent fort courtisés par les diverses compagnies et pour cause ! L'Imperial College de Londres a récemment calculé qu'avec 42 millions de vols annuels, les passagers à bord des avions font 4 milliards de fois l'an le tour de la Terre. Opération lucrative donc autant pour les passagers que pour les compagnies d'aviation.

À l'heure où les vols en avion (en tous cas sur les trajets courts) sont stigmatisés, pourquoi ne pas purement et simplement supprimer ces programmes de fidélité afin de ne pas encourager - voire ne pas pousser - les usagers à prendre plus souvent l'avion qu'ils ne le voudraient ou qu'il ne le faudrait ? Ne serait-il pas à la fois plus logique et plus sain d'endiguer ainsi cet excès de consommation d'avion (de l'ordre de 10% des vols en plus entièrement dus à ces cartes de fidélité) en n'encourageant pas ouvertement les passagers par l'entremise de ces miles gratuits ? Il serait nettement plus décent et pour la planète et pour tous ceux qui ne prennent jamais ou peu l'avion de supprimer complètement ces programmes, car les maintenir revient à rémunérer les gens dès lors qu'ils contribuent à dégrader encore plus notre environnement.

Passager en Business consomme plus de carbone

Un aller-retour Paris-New York ne consomme-t-il pas autant de CO2 qu'une année entière de chauffage de l'Européen moyen ? Un fait, un chiffre qui démontre notre inégalité face à l'avion: en Europe, 20% des passagers prennent environ 75% des vols disponibles.

Mais il n'y a pas que les vols gratuits obtenus grâce à ces programmes qui posent problème, car les surclassements en classe Affaires ou en Première sont tout aussi nocifs au vu de leur empreinte carbone évidemment bien plus conséquente que celle d'un passager en Économie au vu de la place occupée nettement plus grande. Le consortium International Council on Clean Transportation a en effet calculé qu'un passager Business consomme deux à trois plus de carbone en fonction de l'avion qu'un passager Économie.

C'est donc une véritable hécatombe écologique qui nous pend au nez, car pas moins de 30 milliards de miles non utilisés se trouvent actuellement au crédit des cartes de fidélité de l'ensemble des compagnies, selon une analyse McKinsey. De quoi offrir un billet à la quasi-totalité des 4,5 milliards de passagers qui prennent annuellement l'avion.

Pourquoi ne pas s'inspirer des recommandations de l'International Council on Clean Transportation et - plutôt que d'empêcher ceux qui le souhaitent de prendre l'avion - ne pas créer un programme qui serait strictement l'opposé et qui pénaliserait les « voleurs » fréquents ? Une sorte de taxe progressive qui serait prélevée sur ceux qui prennent souvent l'avion et qui aurait immanquablement pour effet de baisser les émissions dues aux avions tout en mieux répartissant les vols ?

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
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