On entre dans la forêt de la Lama comme dans un lieu sacré. Sacré par les Hommes qui s’y refusent désormais à y couper quoi que ce soit. Sacré aussi par les dieux vaudous qui l’habitent. Plus prosaïquement, les écologues de l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN) y constatent avec satisfaction la présence d’essences locales comme Afzelia africana, Albizia ferruginea, Dennetia tripelata, Gardenia imperialis, Khaya grandifoliola qui grimpent à plus de 30 mètres de hauteur. Ces espèces témoignent d’un passé pas si lointain où ces plaines du sud du Bénin étaient recouvertes de forêts équatoriales. Aujourd’hui, ces écosystèmes de forêts denses ne représentent plus que 2% de la surface du territoire. "Ca n’ira pas plus bas", souffle Ibrahim Djabarou, capitaine au sein de l’Office national du bois du Bénin (ONAB) et responsable de la plantation de la Lama. Depuis 2017, la loi béninoise interdit toute exploitation et exportation de bois d’œuvre et de charbon de bois provenant des 3.000 reliques de forêts, la plupart sacrées, d’une superficie totale de 18.000 hectares. A elle seule, la Lama couvre 4.000 hectares. Un joyau naturel.
La Lama a, elle aussi, failli disparaître. Elle doit son existence à son implantation sur un sol pauvre qui n’intéresse pas l’agriculture, la principale cause de la disparition des arbres au Bénin. Son seul intérêt, c’était le bois de chauffe et la viande de brousse. Deux espèces de singes, Cercopithecus erythrogaster et Cercopithecus mona et des mammifères comme les phacochères, fournissaient un apport en protéines bon marché pour les populations locales. Et le bois permet de chauffer l'eau et cuire les aliments. "Chacun rentrait dans la forêt et se servait comme il voulait", reconnaît Wagble Bernadin, un agriculteur riverain. Aujourd’hui, il sympathise avec Ibrahim qui pourtant lui interdit de prélever quoique ce soit. "On s’est concerté, on s’est entendu, c’est du gagnant-gagnant", se réjouit le forestier. "Aujourd’hui, on protège et comme nous sommes les seuls à être présents en permanence, la lutte contre les incendies est de notre responsabilité", s’enorgueillit Wagble Bernadin.
Un enjeu de la COP 15 : le respect des populations autochtones
La solution s’appelle le teck.
On entre dans la forêt de la Lama comme dans un lieu sacré. Sacré par les Hommes qui s’y refusent désormais à y couper quoi que ce soit. Sacré aussi par les dieux vaudous qui l’habitent. Plus prosaïquement, les écologues de l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN) y constatent avec satisfaction la présence d’essences locales comme Afzelia africana, Albizia ferruginea, Dennetia tripelata, Gardenia imperialis, Khaya grandifoliola qui grimpent à plus de 30 mètres de hauteur. Ces espèces témoignent d’un passé pas si lointain où ces plaines du sud du Bénin étaient recouvertes de forêts équatoriales. Aujourd’hui, ces écosystèmes de forêts denses ne représentent plus que 2% de la surface du territoire. "Ca n’ira pas plus bas", souffle Ibrahim Djabarou, capitaine au sein de l’Office national du bois du Bénin (ONAB) et responsable de la plantation de la Lama. Depuis 2017, la loi béninoise interdit toute exploitation et exportation de bois d’œuvre et de charbon de bois provenant des 3.000 reliques de forêts, la plupart sacrées, d’une superficie totale de 18.000 hectares. A elle seule, la Lama couvre 4.000 hectares. Un joyau naturel.
La Lama a, elle aussi, failli disparaître. Elle doit son existence à son implantation sur un sol pauvre qui n’intéresse pas l’agriculture, la principale cause de la disparition des arbres au Bénin. Son seul intérêt, c’était le bois de chauffe et la viande de brousse. Deux espèces de singes, Cercopithecus erythrogaster et Cercopithecus mona et des mammifères comme les phacochères, fournissaient un apport en protéines bon marché pour les populations locales. Et le bois permet de chauffer l'eau et cuire les aliments. "Chacun rentrait dans la forêt et se servait comme il voulait", reconnaît Wagble Bernadin, un agriculteur riverain. Aujourd’hui, il sympathise avec Ibrahim qui pourtant lui interdit de prélever quoique ce soit. "On s’est concerté, on s’est entendu, c’est du gagnant-gagnant", se réjouit le forestier. "Aujourd’hui, on protège et comme nous sommes les seuls à être présents en permanence, la lutte contre les incendies est de notre responsabilité", s’enorgueillit Wagble Bernadin.
Un enjeu de la COP 15 : le respect des populations autochtones
La solution s’appelle le teck. L’essence est historiquement complètement étrangère au Bénin. Sous la période coloniale, les premiers essais de sylviculture ont capoté, faute d’adaptation de ce bois d’œuvre au sol et au climat. La coopération allemande a fourni dans les années 1980 les semences provenant de Tanzanie qui ont pu s’acclimater. Depuis, des milliers d’hectares ont été plantés par des centaines de petits ou gros planteurs. "La pression de cette sylviculture industrielle sur les écosystèmes est énorme", révèle le récent rapport de l’UICN rédigé par le laboratoire d’écologie appliquée de l’Université d’Abomey Calavi dirigé par le chercheur Brice Sinsin. Mais à la Lama, le teck a sauvé la forêt primaire.
Wagble Bernadin ( en T shirt orange) avec les membres de son association de gestion de la forêt de la Lama. Copyright LC.
C’est par l’entente entre Hommes que s’est joué le sort de la forêt, ce qui illustre l’un des sujets majeurs de la COP15 : l’implication des populations locales dans la préservation de leur nature, la prise en compte des cultures et des savoirs autochtones, le respect des modes de vie. Au moment de décider de la plantation de tecks aux abords du massif forestier, l’ONAB a mis en place un système de concertation et de gestion commune avec les 15 villages riverains. "Le teck met trente ans pour arriver à sa maturité et donc à sa coupe, explique Ibrahim Djabarou. Entretemps, il faut régulièrement couper les branches adventices pour garder un tronc droit. C’est le travail des riverains qui peuvent ensuite emporter les branches qui sont vendues comme bois énergie". Ces fagots servent aussi bien à la construction des maisons locales dont les murs sont constitués de ces branches reliées entre elles que pour faire la cuisine et chauffer l’eau. Mais cette fois-ci, impossible de gérer cette manne individuellement. Il faut une organisation collective. "Chaque village a créé son comité de gestion chargé de partager les parcelles qui lui sont attribuées, de répartir les revenus et de décider de l’utilisation d’une part au développement de la communauté", précise Wagble Bernadin qui dirige le comité de son village. Les 15 présidents siègent ensuite au sein d’un organisme collectif qui traite des questions intéressant l’ensemble du massif de la Lama.
Le teck, menace pour la biodiversité du Bénin
Wagble Bernadin l’avoue : au tout départ, quand la loi béninoise de 1997 a commencé à restreindre l’activité traditionnelle en forêt, les Holli, l’ethnie locale, ont craint qu’on ne les prive d’une de leurs rares ressources alors que l’agriculture vivrière peine à les faire vivre. Mais à partir des années 2010, les bénéfices d’une cogestion collective de la forêt ont commencé à être engrangé. "Nous vivons mieux grâce aux fagots mais nous avons pu aussi dégager de l’argent pour améliorer l’école et réaliser des infrastructures de santé", se réjouit Wagble. En retour, les riverains s’investissent dans la surveillance et la protection de la forêt naturelle. Des milliers d’yeux vérifient quotidiennement qu’elle reste bien inviolée.
Cette cogestion des forêts primaires résiduelles reste une exception. Partout ailleurs, dans la plaine du sud Bénin, les plantations de teck se multiplient. La demande de ce bois exotique connu pour sa résistance aux éléments et qu’on retrouve comme parquet extérieur en Europe, est croissante. Les agriculteurs qui peuvent accéder aux semences n’hésitent plus à planter bien que le revenu ne tombe que 30 ans plus tard. "Ca va d'un hectare à plusieurs milliers", reconnaît Is Deen Akambi, conseiller technique du programme Biodev 2030. Son travail a justement consisté à déterminer les acteurs de ce secteur forestier où les relations commerciales du producteur à l’exportateur en passant par les scieries existent mais sont peu structurées en syndicats ou collectifs.
Améliorer les pratiques des secteurs privés
Ce programme émane de Expertise France, la filiale technique de l’Agence française de développement (AFD) avec l’appui scientifique de l’UICN France et du WWF France. 16 Etats africains et asiatiques ont demandé à la banque par laquelle transite l’aide au développement de la France de les aider à identifier les acteurs économiques dont l’activité a un impact sur la biodiversité afin de tracer des voies d’amélioration. "C’est une démarche originale qui consiste à s’appuyer d’abord sur un diagnostic scientifique des impacts sur la nature de l’activité humaine pour ensuite identifier les organismes, entreprises, syndicats qui encadrent le secteur pour enfin voir avec eux ce qui peut être entrepris pour améliorer leur pratique", résume Jérémie Pellet, directeur général de Expertise France. Les secteurs identifiés ? Les mines, l’élevage pastoral, la pêche et l’aquaculture, l’agriculture de rente, les cultures vivrières, le bois énergie et le bois d’œuvre. Le Bénin a sélectionné la culture de rente que sont le coton, l’agriculture vivrière, le bois d’œuvre et la sylviculture. Là où la nature trinque.
Et avec le teck, elle trinque beaucoup. Sous les rangées rectilignes des troncs, plus rien ne pousse. Les forestiers défrichent régulièrement les sous-bois pour enlever toute concurrence à l’arbre. Les oiseaux ont fui, les animaux sauvages ne fréquentent plus ces lieux silencieux. Jacques Dansou est un gros planteur qui possède sa propre scierie. Grâce au teck, il a une vie aisée. Mais il convient que son coin de Zogbodomey n’a pas changé en mieux. S’il montre avec fierté un endémique Afzelia, c’est pour reconnaître que l’arbre ne doit sa présence qu’à son exceptionnel tronc puissant. Les autres ont été coupés pour laisser la place aux alignements de teck. "Il y a des centaines d’hectares comme ça, mais dans certains endroits des arbres locaux ont été épargnés parce que le terrain ne se prêtait pas au teck, explique le planteur. Nous sommes prêts à reconnecter entre eux ces espaces pour que les animaux, les insectes, les oiseaux puissent de nouveau se déplacer. Mais il faut nous dire comment faire !"
Etudier les conditions de la reforestation
Le programme Biodev 2030 s’est achevé fin 2022 avec de nombreuses pistes d’amélioration de la biodiversité impactée par l’agriculture et la foresterie. Les planteurs de riz envisagent de se convertir au bio dont les rendements sont plus faibles mais qui paie mieux. La filière coton, essentielle pour la vie économique du Bénin, s’essaie aux bonnes pratiques comme le pâturage des bœufs sur les parcelles entre deux récoltes pour valoriser leurs déjections comme fertilisant ou la rotation de cultures entre la céréale et les légumineuses. La sylviculture lorgne, elle, vers le retour de l’exploitation des essences propres au pays en réponse au développement du teck. Des plans d’aménagement forestiers sont mis en place, les reboisements se font désormais à partir de plans d’occupation des sols laissant plus de place à la nature, une place est faite à la sensibilisation et l’éducation des populations. Mais "il faut nous aider", estime Jacques Dansou. Comme nombre de pays du sud, le Bénin se dote progressivement de réglementations plus respectueuses de son environnement. Les autorités ont compris que rien ne pourrait se faire sans les secteurs économiques privés. Mais les mutations nécessaires demandent des investissements hors de portée des acteurs locaux. Le travail de Biodev 2030 trace les voies d’amélioration. Reste à les financer.