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Réquisitions, «embrouilles et menaces» : voyage en Loire-Atlantique où l'essence se raréfie

REPORTAGE - Dans ce département le deuxième le plus touché par la pénurie, certaines stations sont réservées aux professionnels. Des pompistes, disposant encore de carburant, doivent gérer les tensions.

Le Figaro Nantes

«Ça y est on est passé devant Marseille !». Non, il ne s'agit pas de foot mais de ... pénurie d'essence dans les stations-service. Derrière son comptoir, cette gérante située à Saint-Herblain, près de Nantes, vient d'apprendre que son carburant était réquisitionné pour quelques jours supplémentaires, jusqu'à vendredi. En l'espace de dix minutes, les coups de fil affluent. «C'est l'heure où l'on va bientôt couper le téléphone», confie la responsable, après avoir répété à maintes reprises que ses pompes n'étaient pas ouvertes au grand public. Selon les calculs effectués par Fig Data , la Loire-Atlantique était le deuxième département le plus touché par les manques de gazole ou d'essence mardi 28 mars, avec un taux de 47,1% de stations en difficulté, laissant désormais la première place à l'Ille-et-Vilaine (50,7%). Les Bouches-du-Rhône étaient quant à elle redescendues à 41,8%. En cause : des blocages dans les raffineries.

À la demande de la préfecture, quatre stations situées aux environs de Nantes et Saint-Nazaire sont ainsi réservées aux véhicules des transporteurs d'organes, de la police, de la gendarmerie, des personnels d'établissements de santé, ou encore des ambulances. Un soulagement pour une professionnelle de santé travaillant dans un centre de réadaptation à l'hôpital du Confluent : «On a beaucoup tourné. Ma mère a reçu un mail l'informant que la station était réquisitionnée», raconte son fils venu régler le plein pour elle. «C'est amusant car je viens d'avoir une copine au téléphone qui me dit qu'à La Rochelle, elle ne sent pas le manque», partage une infirmière à la caisse. Ici, à Saint-Herblain, pour dissuader, un ruban de signalisation rouge et blanc bloque l'entrée principale et les prix ne sont pas affichés. Un seul passage laisse les personnes munies d'un passe-droit entrer, après vérification d'une carte professionnelle, d'une attestation employeur ou d'un bulletin de salaire.

Une des stations de Loire-Atlantique réquisitionnée. LT/Le Figaro

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Violences, tensions, menaces...

Dans le centre de Nantes, Emma, aide à domicile, attend son tour dans une station lambda. «Nous sommes pris en otage» déplore celle qui fait la queue derrière une petite dizaine de voitures. «Ça va beaucoup mieux qu'hier», estime le patron de cette station de centre-ville, tout en faisant des signes pour réguler les files d'attente. Ces derniers jours, il a assisté à des scènes de violence inouïes : «Des embrouilles, des menaces... Je ne veux pas revivre ce que j'ai vécu ce week-end. En fin de semaine, une dame est venue, s'est embrouillée avec quelqu'un, elle s'est pris une calotte...» rapporte, encore choqué, Anthony. Lui a décidé de prendre du recul par rapport à tout ça. «C'est un truc de fou», fait-il remarquer en livrant le récit de ces deux acheteurs présent dès 7h du matin, ce lundi, après avoir dormi dans leur véhicule sur parking à proximité. En pointant du doigt les scooters en train de doubler des automobilistes, Anthony explique qu'il n'intervient plus pour ne pas envenimer la situation et prendre des coups :« on ne va pas risquer notre vie pour une connerie de carburant. Ça devient un métier à risque». En attendant, il reste serein pour les prochains jours.

Les gens créent la pénurie, c'est psychologique

Anthony, gérant d'une station dans le centre de Nantes

S'il se fait livrer depuis le dépôt pétrolier La Rochelle en ce moment et non Donges, il n'a pas encore anticipé sa prochaine commande. Disposant de moins de pistolets que les supermarchés, il écoule son stock plus lentement. Selon lui, avec la peur, «les gens créent la pénurie. C'est psychologique.» Un constat partagé par Vanessa, 41 ans, venue faire le plein uniquement car elle passe des entretiens. Sinon, elle se déplace au maximum à pied. D'ailleurs, en raison des tensions d'approvisionnement, elle et son conjoint ont décidé de faire un effort et de n'utiliser qu'une voiture sur les deux.

Anthony, gérant d'une station-service dans le centre de Nantes. Le prépaiement évite les vols. LT/Le Figaro

À une quinzaine de kilomètres de Nantes, à Couëron, plusieurs automobilistes se sont fait avoir au niveau de la station du supermarché Carrefour. Aucune queue, des panneaux avec inscrit «nous limitons à 30€ de carburant» ... L'espoir s'envole quand le lecteur de carte abandonne la transaction. Les deux autres stations de la commune sont aussi vides ce lundi, soir selon un conducteur. Soupir pour cette automobiliste qui en est à sa troisième station après les avoir tentées au petit bonheur la chance, sans application, comme beaucoup d'autres usagers de la route rencontrés. «Je ne me suis pas arrêtée à Atlantis car il y avait trop de monde».

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En effet, des dizaines de voitures se succèdent dans la station du grand centre commercial situé aux portes de Nantes. «Fermeture provisoire de la station-service de 20h30 à 5h du matin» est-il inscrit sur une pancarte. Une heure et demie avant l'heure fatidique, le ravitaillement va vite : une dizaine de minutes d'attente grâce à la multiplicité des pompes. Ici, pas d'incivilités ce soir-là. «J'habite à Ancenis [quarante minutes en voiture]. J'ai fait 5 ou 6 stations», partage Abdelhamid, travaillant dans le secteur du BTP. Quasiment à sec, celui qui adhère à la protestation et manifeste reste tout de même soulagé de pouvoir remettre à niveau son réservoir. Gabriel, 20 ans, sur sa moto à trois roues, pourra lui aussi retourner au travail paisiblement. Croisé quelques minutes auparavant à Couëron, en train d'appeler ses amis pour échafauder un plan en cas de panne sèche, l'employé du secteur des transports aura finalement pu faire le déplacement jusqu'à Atlantis pour se ravitailler.

Gabriel, 20 ans, travaille dans le domaine des transports. Dans la réserve, il espérait trouver du carburant à Couëron... LT/Le Figaro
Nous retrouvons finalement Gabriel quelques minutes plus tard à la station du Leclerc Atlantis, sur sa moto à trois roues, à Saint-Herblain. LT/Le Figaro