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Retraites : à Montargis, une manifestation un peu trop calme au goût de certains

Comme depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, les habitants de la petite ville de Montargis, dans le Loiret, ont à nouveau manifesté mardi matin. Aucun affrontement, ici, entre manifestants et forces de l’ordre. La manifestation s’est déroulée dans le plus grand calme. Un peu trop au goût de certains.

L’image peut surprendre : un manifestant discutant avec un policier, sourire aux lèvres. L’échange est courtois. Il se produit à Montargis, sous-préfecture du Loiret située à 120 km au sud de Paris, mardi 28 mars, pendant la manifestation contre la réforme des retraites. Le tumulte et les scènes de chaos des défilés parisiens paraissent à ce moment bien éloignés. Ici, pas de forces de l’ordre sur-armées ou d’opposants encagoulés prêts à en découdre. Une quinzaine de policiers accompagne le cortège. Montargis manifeste dans le calme.

Un peu trop au goût de certains. "Regardez, on marche dans une rue piétonne ! Ça sert à quoi franchement ? On devrait changer de méthode et occuper des lieux publics", estime Nathalie, 48 ans, qui travaille dans une clinique.

"Ce n’est pas comme ça qu’on va faire reculer le gouvernement, poursuit-elle. Les derniers qui ont obtenu quelque chose, ce sont les Gilets jaunes. Je ne suis pas pour les violences, mais comme d’autres, je commence à me dire que c’est peut-être le seul moyen de se faire entendre."

Un peu plus loin, une autre manifestante, exaspérée, lance à la cantonade, sur un ton ironique : "Bravo ! On a fait le tour de la place. Qu’est-ce que ça bloque…"

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Pourtant, ils sont encore 2 500, selon les organisateurs, à manifester pour cette 10e journée de mobilisation – 1 300, selon la police. Un chiffre légèrement en-dessous de la mobilisation de jeudi dernier, mais qui reste conséquent pour une petite ville comme Montargis, un peu moins de 15 000 habitants, qui connaît de grosses difficultés sociales.

Ville la plus pauvre du Loiret avec un taux de pauvreté de 33 % et un taux de chômage de 10 %, Montargis est une ville qui souffre. Avant la crise sanitaire du Covid-19, elle détenait même un triste record : elle était la ville de France avec le plus haut taux de pauvreté chez les jeunes enfants – 61 % des enfants de 0 à 3 ans vivaient alors dans une famille pauvre.

Le "ras-le-bol général" des petites et moyennes villes

Difficile, dans ces conditions, de mobiliser des habitants qui ont davantage en tête leurs soucis du quotidien que la réforme des retraites.

"C’est compliqué ici, reconnaît Bruno, un sapeur-pompier professionnel de 51 ans. Avec l’inflation, tout augmente : le carburant, la nourriture, le gaz, l’électricité. Alors on y réfléchit à deux fois avant de faire grève. Dans ma caserne, on était une dizaine à manifester en janvier. Nous ne sommes plus que deux aujourd’hui."

>> À lire : Réforme des retraites : les contre-vérités d’Emmanuel Macron

Il en veut à Emmanuel Macron d’avoir supprimé quatre critères de pénibilité au début de son premier quinquennat, en 2017. Et même si les sapeurs-pompiers, en tant qu’agent de catégorie active, pourront toujours partir plus tôt à la retraite que l’âge légal, eux aussi vont devoir travailler deux ans de plus – l’âge de départ chez les pompiers passant de 57 ans à 59 ans.

"Des efforts, ce sont toujours les mêmes qui en font tout le temps. Il y a un ras-le-bol général chez les gens. C’est pour ça qu’on est encore dans la rue. On reste motivés. Il va finir par se passer quelque chose", croit-il.

« Des efforts, on n’arrête pas d’en faire. Il faut une réforme juste », juge Bruno (au centre), pompier, qui se bat « pour un monde meilleur ». pic.twitter.com/20AV19elk1

— Romain Brunet (@romain2dc) March 28, 2023

Le colère de Bruno et de nombreux manifestants, comme dans beaucoup de petites et moyennes villes de France particulièrement mobilisées contre le passage de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans, prend ses racines au-delà de la simple réforme. Les habitants de ces territoires oubliés reprochent également au gouvernement la disparition des services publics. Ils ont le sentiment d’être délaissés et il n’est pas étonnant de retrouver d’anciens Gilets jaunes à côté des habituels leaders syndicaux.

C’est le cas de "Dédé", 73 ans, un historique du rond-point de Châlette-sur-Loing. Il est un des rares à toujours porter son gilet jaune aux manifestations et croit dur comme au fer au retrait de la réforme.

"Pas vu une telle mobilisation à Montargis depuis le CPE"

"Il y a de plus en plus de gens mobilisés. En particulier depuis qu’Élisabeth Borne a utilisé le 49.3, ça a vraiment allumé le feu. Emmanuel Macron pense qu’on finira par nous lasser, mais il ne connaît pas les Français. Tant que le gouvernement ne lâchera pas, les gens resteront dans la rue."

"Je n’avais jamais vu une telle mobilisation à Montargis depuis le mouvement contre le CPE [le contrat première embauche lancé en 2006 par Dominique de Villepin]", relate d’ailleurs Annaby Diaw, secrétaire de l’Union locale de Force ouvrière. "Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. L’utilisation du 49.3 a fait sortir les jeunes dans la rue", ajoute-t-il.

S’ils étaient nombreux lors de la précédente manifestation, selon les Montargois interrogés, les jeunes sont cette fois-ci restés chez eux ou à l’école. En ce mardi 28 mars, les manifestants sont composés au moins pour moitié de retraités.

Certains jeunes sont là malgré tout. Elsa et Charlotte, 21 ans toutes les deux, sont auxiliaires de puériculture dans une crèche. "On ne se voit pas faire ce travail jusqu’à 64 ans, expliquent-elles. La pénibilité de notre métier n’est pas prise en compte et pourtant, on passe beaucoup de temps au sol ou à porter des enfants qui pèsent parfois jusqu’à 20 kg."

Elles avaient déjà manifesté en 2018 contre Parcoursup, lorsqu’elles étaient lycéennes. Mais cette fois-ci, seuls les lycéens des grandes villes semblent avoir poursuivi l’action pour entrer de plain-pied dans le mouvement. Le ministère de l'Éducation a ainsi fait état de 53 incidents en France devant des établissements scolaires, dont 14 blocages, 27 blocages filtrants, sept tentatives de blocages et cinq autres formes de perturbations (sur un total de 6 960 collèges et 3 720 lycées).

Rien de tel à Montargis, où aucune perturbation n’a été signalée. La manifestation, qui a duré 1 h 30 sans le moindre incident, s’est terminée en revenant sur la place du Patis, son point de départ. Les manifestants sont alors gentiment retournés vaquer à leurs occupations. Puis au bout de 15 minutes à peine, la police a tranquillement pu quitter les lieux.