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Retraites : après une mobilisation record, l'exécutif en opération colmatage

Après une deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites qui a réuni davantage de Français que la première, le gouvernement a tenté de rassurer les députés Les Républicains de plus en plus inquiets avec quelques signes d’ouverture, sans toutefois bouger sur l’essentiel – le recul à 64 ans de l’âge légal de départ. Le bras de fer avec la rue devrait s’intensifier.

Cette fois, le gouvernement ne peut plus ignorer qu’il a un problème. Avec 1,27 million de manifestants partout en France, selon la police, et 2,8 millions selon la CGT, la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, mardi 31 janvier, a une nouvelle fois montré la détermination des opposants au recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

La Première ministre, Élisabeth Borne, a reçu le message. Elle s’est empressée de réagir quelques minutes après l’annonce des chiffres officiels montrant une plus forte mobilisation que lors du 19 janvier. "La réforme des retraites suscite des interrogations et des doutes. Nous les entendons. Le débat parlementaire s’ouvre. Il permettra, dans la transparence, d’enrichir notre projet avec un cap : assurer l’avenir de notre système par répartition. C’est notre responsabilité !", a-t-elle écrit mardi soir sur Twitter.

La réforme des retraites suscite des interrogations et des doutes. Nous les entendons. Le débat parlementaire s’ouvre. Il permettra, dans la transparence, d’enrichir notre projet avec un cap : assurer l’avenir de notre système par répartition.
C’est notre responsabilité !

— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) January 31, 2023

La cheffe du gouvernement a bien conscience que l’opinion est du côté des manifestants : 72 % des Français se disent opposés à la réforme des retraites, selon un sondage Elabe pour BFM TV publié le 25 janvier. Un chiffre en hausse de six points par rapport à la semaine précédente et qui pourrait encore grimper.

Pour éviter le naufrage, l’heure est donc au colmatage. Comme l’a indiqué la communication du gouvernement mardi soir en réaction à la journée de grève, l’urgence est désormais de tout mettre en œuvre pour sauver l’accord conclu début janvier avec le parti Les Républicains (LR).

>> À lire : Réforme des retraites : à Paris, des manifestantes révoltées et déterminées

Les députés Renaissance, MoDem et Horizons n’ayant qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, la Première ministre a besoin des voix des 62 députés LR et apparentés si elle entend faire voter son texte sans utiliser le 49.3 ou le 47.1 – deux articles de la Constitution permettant au gouvernement de passer en force sans le moindre vote.

Resserrer les rangs avec les députés Les Républicains

Or, l’unité de cette alliance ne cesse de se fissurer depuis la présentation du projet de loi le 10 janvier, avec au moins 16 députés LR qui voteraient contre la réforme à ce stade, selon une enquête de Radio France. Très implantés partout en France, ces élus ont eu l’occasion d’apprécier, les 19 et 31 janvier, à quel point les Français – dont un certain nombre de leurs électeurs – étaient opposés à la réforme. La mobilisation a ainsi été particulièrement forte dans des villes où les manifestations sont habituellement rares ou peu suivies : à Alès, à Châteauroux, à Boulogne-sur-Mer ou à Sète, plusieurs milliers de personnes ont défilé pour dire non aux 64 ans.

>> À lire : Réforme des retraites : qui sont les gagnants et les perdants ?

Pire, des lignes de fracture sont également apparues ces derniers jours au sein même de la majorité, plusieurs députés affirmant tout haut qu’ils refusaient de voter le texte en l’état, à l’image de l’ancienne ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, ou du député MoDem Richard Ramos, qui a évoqué une loi "pas juste". Ils sont au moins 12 à être opposés à la réforme à ce jour, toujours selon Radio France.

Pour sortir l’exécutif de l’impasse, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gabriel Attal, a été envoyé mardi soir sur le plateau du 20 h de TF1. Après avoir témoigné de son "profond respect pour les Français qui se mobilisent", ce dernier a surtout rappelé les concessions déjà accordées à LR sur l’âge de départ qui "est passé de 65 ans à 64 ans", la revalorisation des petites retraites qui "ne devait être que pour les nouveaux retraités" et qui "sera aussi pour les retraités actuels", ainsi que les avancées sur la pénibilité.

Des aménagements possibles à la marge

Le ministre a toutefois ouvert la porte à des aménagements, en signe de bonne volonté, sur deux sujets. "On peut encore améliorer les choses sur l’emploi des seniors avec des nouvelles propositions. Sur certaines situations de Français qui ont commencé à travailler tôt ou qui ont eu des métiers pénibles, là aussi on peut continuer à enrichir le projet", a-t-il affirmé.

En revanche, les femmes ont visiblement mal compris les implications de la réforme des retraites qui "fait progresser aussi [leur] situation", selon Gabriel Attal, ce dernier fermant la porte à des mesures spécifiques les concernant.

Ces signaux seront-ils suffisants pour éteindre la contestation sociale ? Car au-delà des députés, qui examinent jusqu'à mercredi soir le texte en commission avant qu'il n'arrive le 6 février dans l'hémicycle, c’est aussi aux Français que s’adressait le ministre des Comptes publics, qui a insisté sur le fait que la France "aura un gros problème pour payer les pensions de retraite dans les années à venir" si rien n’était fait.

>> À lire : Retraites : la réforme est-elle "indispensable", comme l’affirme le gouvernement ?

Pas certain. Car à l’image des déclarations d’Élisabeth Borne, dimanche, qui affirmait que le report de l'âge de départ à 64 ans, couplé à l'accélération de l'allongement de la durée de cotisation, "ça n'est plus négociable", Gabriel Attal a clairement signifié qu’il n’y avait aucune alternative possible.

Le bras de fer avec les opposants à la réforme des retraites devrait donc se poursuivre et peut-être même s’intensifier. L’intersyndicale a annoncé mardi soir deux nouvelles journées de mobilisation pour le mardi 7 et le samedi 11 février. Face à un possible durcissement du mouvement, l’exécutif fait le pari risqué de l’union sacrée avec Les Républicains et d’une possible lassitude, à terme, des Français. Pour le moment, le bateau gouvernemental est toujours à flot et maintient le cap. Les prochains jours diront s’il peut continuer d'avancer encore longtemps.