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Retraites complémentaires : le gouvernement veut-il faire main basse sur les réserves ?

Alors que les syndicats ont prévu de se réunir ce soir pour décider des suites à donner à la réforme des retraites de base, voila un dossier qui fait monter d'un cran la pression avec le gouvernement. Celui de la collecte des cotisations Agirc-Arrco et de leur gestion.

En effet, le gouvernement a décidé de la confier aux Urssaf, c'est-à-dire à l'État. Soit un véritable changement alors que cela fait 75 ans que ce régime de retraites complémentaires du privé est paritaire, piloté par les partenaires sociaux.

Surtout, ce régime est bénéficiaire, et compte d'importantes réserves, estimées à plus de 60 milliards d'euros. Il n'a pas de dette car ses statuts lui interdisent d'en contracter.

Les partenaires sociaux soupçonnent le gouvernement de vouloir mettre la main sur ce pactole.

Front uni des syndicats et du patronat contre cette décision

Et, une fois n'est pas coutume, syndicats et patronat sont alignés dans ce combat.

Pour eux, sous couvert de « simplification », pour « rendre la vie des entreprises plus facile », qui n'auraient alors plus qu'un seul interlocuteur, l'exécutif chercherait à « étatiser encore un peu plus la protection sociale », selon les termes employés par les sénateurs et députés dans une tribune publiée dans le JDD le 29 octobre dernier. Il souhaiterait, sans le dire, enlever encore aux partenaires sociaux des prérogatives mais aussi et surtout récupérer l'argent de ces régimes pour l'affecter à d'autres postes. Et notamment celui de la retraite de base.

Dans un contexte où le régime de base des retraites va être rapidement de nouveau dans le rouge, l'argument d'une compensation d'un régime par l'autre pourrait s'entendre, cependant le gouvernement n'en a jamais parlé.

Alors que la concertation avec les partenaires sociaux pour réformer le régime de base, et allonger l'âge légal de départ de 62 à 64 voire 65 ans, s'annonce particulièrement tendu, ce sujet promet d'être un irritant supplémentaire.

Le gouvernement se défend des intentions qu'on lui prête. Reste que concrètement, cela reviendrait à priver les cotisants de l'Agirc-Arrco de revenus à venir, d'une forme de patrimoine qu'ils se constituent.

Car rien ne garantit que l'argent collecté par les Urssaf sera dans sa totalité fléché vers ces retraites complémentaires. Les partenaires sociaux craignent un "hold-up" au passage de la part de la puissance publique.

Or, ces régimes complémentaires assurent à 13 millions de retraités du privé l'équivalent de 30% à 60% de leur pension.

La bataille est aussi politique

Inscrite dans le projet de loi de finance de la Sécurité sociale (PLFSS), cette mesure de transfert vers les Urssaf a pris une dimension politique. En effet, début octobre une dizaine de députés et sénateurs, de tous bords, appelaient, dans la presse, au statu quo. Début novembre, le Sénat, majoritairement à droite, s'est aussi opposé au projet, cette fois via un vote : plus de 302 voix contre 28 pour ce transfert.

Il n'empêche, le gouvernement n'a pas abandonné son projet, loin s'en faut. La mesure a été votée en 49.3 en fin de semaine dernière. L'exécutif a simplement consenti à l'ajourner. Ce transfert de recouvrement des cotisations n'aura pas lieu en 2023 mais début 2024.

Mais, pour les partenaires sociaux, ce n'est pas une concession, ce délai est nécessaire et inévitable, car il nécessite un changement de logiciel pour les entreprises.  Et qu'il faut un peu de temps pour le mettre en place.

Selon eux, dans ce texte passé en 49.3, le gouvernement a même renforcé encore les pouvoirs des Urssaf sur le transfert.

Syndicats et patronat sont vent debout. Et comptent toujours faire annuler cette disposition. De quoi alimenter encore les débats animés autour de la réforme des retraites.