Retraites: deux réalités concurrentes [Le point de vue de CL]

La petite fabrique d’histoires sympas que sont devenus les JT de 13h ouvrait hier une fenêtre sur le monde impitoyable des crises, des guerres et des cataclysmes, le carburant des chaînes d’info. Cette incursion à l’Élysée a permis à Emmanuel Macron de donner le meilleur de lui-même dans un style des plus classiques et en tout point prévisible. Sans les formes requises par la fonction, on pourrait résumer ainsi la chose : « Circulons, il n’y a rien à voir… ». Ceux qui en attendaient autre chose en sont restés pour leurs frais. Les autres se partagent en deux camps. Le socle électoral du Président, pour une bonne part déjà à la retraite, a retrouvé dans les propos présidentiels l’argumentaire massue du principe de réalité, si cher à nos oligarques à nous, qui tend à démontrer qu’on ne peut plus vivre à crédit. Or, on a déjà cramé la caisse avec le covid. Emmanuel Macron ne s’est laissé aller qu’à une petite violence. Il a le mauvais œil pour les gros capitalistes qui rachètent massivement leurs actions pour en faire monter le cours.

Tout le monde a compris que c’est insignifiant pour freiner l’ardeur des centaines de milliers de Français qui défileront à nouveau aujourd’hui dans la rue. Leur principe de réalité s’appuie sur d’autres évidences, les prix qui flambent, la retraite qui s’éloigne et un pouvoir qui leur paraît évoluer dans un autre monde que le leur. La fureur des oppositions monte très haut. Elle trouve des relais puissants dans des secteurs essentiels de l’économie. Le terreau se prête à toutes sortes de poussées dans l’excès. Les sacs-poubelle fournissent du combustible et de belles images à se repasser en boucle.

Entre ordre et désordre, tout est question de dosage. Le président de la République entend incarner l’autorité que lui a conférée son élection. Une répression juste et efficace exige en démocratie de grandes précautions dans sa mise en œuvre. L’unité du mouvement social a résisté jusque-là à toutes les tentatives d’ingérence politique ou de dérive dans la violence. Personne n’est encore prêt à plier et il n’y a plus de place pour le compromis.