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Retraites: Emmanuel Macron charge Élisabeth Borne de bâtir une coalition

Le chef de l’État demande à sa première ministre d’élargir sa majorité avec la droite, la gauche et les écologistes.

Une main tendue et une volée de bois vert. Deux mois et demi après le début de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le président de la République est sorti de son silence mercredi sur TF1 et France 2 pour donner sa lecture de la séquence qui plonge la France dans une crise politique et sociale à l’issue incertaine. Pour tenter d’en sortir, surtout. Cela passe d’abord par la recherche d’un accord de coalition. D’où la main tendue à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la violence des récents débats à l’Assemblée nationale: membres des Républicains, du Parti socialiste mais aussi du petit groupe Liot ou des écologistes. En clair, tous ceux qui n’ont pas voté la motion de censure contre le gouvernement ou à ceux qui l’ont votée à contrecœur.

Mais le pari de la coalition est risqué et Emmanuel Macron ne le formule qu’à demi-mot. «Ce n’est pas notre tradition politique, reconnaît-il. C’est dur de bâtir des coalitions. Mais il y a des individualités politiques avec leurs convictions qui sont prêtes à travailler avec les forces de la majorité.» Dans l’entourage du président de la République, on se montre nettement plus clair. «Bien sûr qu’il a chargé Élisabeth Borne de bâtir une coalition. Il ne prononce pas le mot pour ne pas le faire résonner avec combinazione mais c’est bien d’une coalition qu’il s’agit», assure un très proche du président.

Tout le monde est scarifié par ces deux mois de débats violents au Parlement. Ceux qui n’ont pas voté la censure peuvent faire un pas vers le gouvernement. Peut-être qu’aujourd’hui, les choses sont mûres…

Entourage du chef de l’État

L’année dernière, après le second tour des élections législatives, Élisabeth Borne avait échoué à bâtir un accord de coalition. «Depuis juillet, la donne politique a changé, veut-on croire dans l’entourage du chef de l’État. Tout le monde est scarifié par ces deux mois de débats violents au Parlement. Ceux qui n’ont pas voté la censure peuvent faire un pas vers le gouvernement. Peut-être qu’aujourd’hui, les choses sont mûres…» À Élisabeth Borne de le vérifier.

«J’espère qu’elle y parviendra»

C’est en tout cas la mission qu’Emmanuel Macron lui confie pour tenter de sortir de l’impasse. «Le mandat que je lui ai donné est de continuer à élargir cette majorité autant qu’elle le pourra avec les hommes et les femmes de bonne volonté qui, de droite et de gauche ou du côté de l’écologie, sont prêts à avancer avec elle sur les priorités que j’ai fixées», explique le chef de l’État. Elles dessinent le cap de son deuxième quinquennat: l’ordre républicain, l’école, la santé et l’éducation.

Il donne trois à quatre semaines à sa première ministre pour y parvenir. «J’espère qu’elle y parviendra», ajoute-t-il. Faute de quoi… il sera temps de brandir l’une des cartes qui lui restent en main et qu’il a jusqu’à présent refusé de sortir: la dissolution ou le remaniement. Élisabeth Borne est prévenue, et les députés avec elle. La voilà donc sous tension. Tout comme les adversaires du chef de l’État qui a profité de son entretien pour régler quelques comptes.

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«Cela fait des semaines qu’il ronge son frein, mais il ne pouvait pas s’exprimer, car il n’était pas en position institutionnelle de le faire», raconte un proche. Maintenant que le Parlement a adopté le texte, et qu’il ne reste plus que la haie du Conseil constitutionnel à franchir pour une entrée en application avant la fin de l’année, Emmanuel Macron monte au front. «Cette réforme, elle est nécessaire. Ça ne me fait pas plaisir, j’aurais voulu ne pas la faire, mais c’est pour ça aussi que j’ai pris l’engagement de la faire», explique le chef de l’État en préambule.

Sa lecture est clinique: l’Assemblée nationale puis le Sénat ont examiné le texte ; les procédures parlementaires, dont l’article 49.3, ont permis son adoption, le Conseil constitutionnel examine les recours. «Je n’ai pas de regrets», si ce n’est de ne «pas avoir réussi à convaincre sur la nécessité» de la réforme, concède toutefois le chef de l’État. Et c’est bien le problème. Si l’ensemble de la procédure parlementaire a bel et bien été respecté, le texte fait l’objet d’un fort rejet dans le pays. Et Emmanuel Macron se retrouve embarqué, comme d’autres avant lui, dans un rapport de force avec la rue dont beaucoup au sein même de la majorité redoutent qu’il se radicalise et bascule dans des affrontements violents comme lors de la crise des «gilets jaunes».

Syndicats visés

Cela a déjà démarré lundi après l’utilisation de l’article 49.3 lorsque des manifestations spontanées partout en France ont viré à l’émeute. Au passage, il évoque l’invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump et des lieux de pouvoir à Brasília, par ceux de Jair Bolsonaro. «On ne peut accepter ni les factieux, ni les factions», tranche-t-il. Si le chef de l’État dénonce les «groupes» qui «utilisent l’extrême violence pour agresser des élus de la République», il vise en creux ceux qui soufflent sur les braises depuis la coulisse. À commencer par les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon. Mardi soir, en recevant les députés et sénateurs de sa majorité à l’Élysée, il s’était montré un peu plus explicite: «Vous avez tenu les débats dans des circonstances inédites d’incivilité, de brutalité et de chahut avec des propos qui ne sont pas acceptables

Autre cible dans le collimateur d’Emmanuel Macron, les syndicats dont il déplore qu’ils n’aient proposé aucun «compromis» sur la réforme des retraites. L’attaque les fait bondir. Pas gagné dans ces conditions que les leaders syndicaux acceptent de revenir à la table des discussions. Le président de la République les y invite pourtant en essayant de les appâter avec des négociations sur les branches professionnelles en dessous du smic, les carrières longues ou l’usure professionnelle en fin de carrière.

Les partis politiques qui se sont opposés à sa réforme en prennent aussi pour leur grade, accusés de n’avoir pour seul projet que le «déficit». Autre cible du chef de l’État, les «grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions». «Il y a quand même un peu un cynisme à l’œuvre», observe-t-il en demandant à son gouvernement de travailler sur une «contribution exceptionnelle».