France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Retraites : faut-il craindre une grève générale en janvier ?

Les syndicats ont pris quelques jours de réflexion. Ils ont aussi pris le temps d'échanger et de construire une réponse concertée après l'annonce de la réforme des retraites par Elisabeth Borne, la semaine dernière. Et une fois n'est pas coutume, ils ont facilement réussi à se mettre d'accord. Tous les grands syndicats français - CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC mais aussi Unsa, FSU, et les organisations de jeunesse comme la Fage ou l'Une - ont ainsi acté ensemble, très solennellement, leur opposition au projet du gouvernement, et notamment à son intention de décaler l'âge de départ de 62 à 64 voire 65 ans. "On avait pas fait un communiqué pareil depuis 12 ans", rappelle Philippe Martinez de la CGT.

Un avertissement lancé au gouvernement

Dans un communiqué commun, publié ce mardi, ils mettent en garde l'exécutif : « Les organisations sont comme la très grande majorité de la population, fermement opposées à tout recul de l'âge légal de départ en retraite comme à toute augmentation de la durée de cotisation ». Et de menacer : « Si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet, il y aurait des mobilisations et grèves unitaires en janvier ». Ou encore « le gouvernement en s'entêtant, porterait l'entière responsabilité d'un conflit social majeur ». Vont-ils tenter de jouer 1995 ? Trop tôt évidemment pour le dire.

En tout cas, le ton est donné. Les signataires précisent d'ailleurs qu'ils ont d'ores et déjà prévu de se revoir le jour où le gouvernement présentera son projet, probablement entre le 12 et le 15 décembre, pour lancer les hostilités. Ils attendent d'avoir toutes les précisions du texte, et ne veulent pas gâcher les fêtes de fin d'année des Français.

Outre le fond de la réforme qu'ils remettent en cause, estimant que le gouvernement « instrumentalise le dossier des retraites », ils alertent l'exécutif sur « le contexte social, économique et environnemental qui devient de plus en plus difficile pour une partie croissante de la population ». Entre l'inflation, le risque de coupures électriques, l'incertitude économique - avec une récession probable en 2023- , ou encore les tensions sur le plan sanitaire liées au retour de l'épidémie de Covid, ils estiment que ce n'est le moment de lancer cette réforme.

Tous les ingrédients de la colère sont présents

Il est vrai que le moment est particulier. L'inflation sur les produits alimentaires, ainsi que sur les coûts de l'énergie ne cesse de grimper. Et ce n'est pas terminé : en janvier prochain, le gouvernement va réduire son soutien aux ménages, en supprimant par exemple la ristourne à la pompe, ou encore en limitant les effets du bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité. Certes, il a prévu des aides ciblées pour les foyers les plus précaires, mais il y a des risques que cela soit insuffisant pour maintenir le pouvoir d'achat des plus modestes. Leur situation risque de se dégrader.... Les associations caritatives alertent, alors que les Français ont moins donné cette année - car soumis à la pression des prix-, ils doivent aider de plus en plus de familles dans le besoin.

« Tous les ingrédients de la colère sont présents », assure un leader syndical de premier rang, qui fustige aussi « une forme d'autisme de la part de ce gouvernement qui est complètement hors sol et impose sa méthode ». En effet, si les syndicats sont tombés d'accord sans mal, c'est parce que tous partagent la même appréciation face à la méthode d'Emmanuel Macron : trop verticale, sans laisser de à la négociation...etc.

Le gouvernement s'en défend, et rappelle que sur ce sujet des retraites, il a mis en place, avec Olivier des cycles d'échanges avec les partenaires sociaux cet automne, avec Olivier Dussopt, le ministre du Travail, en première ligne. Pour les syndicats, ces discussions ne leur ont pas permis de faire entendre leur voix.

Un climat social déjà tendu

Par ailleurs, ces dernières semaines, des professions ont déjà fait entendre leur mécontentement. Des grèves se sont, en effet, enchaînées à la SNCF, chez les personnels EDF, GRDF, RTE, mais aussi dans les entreprises privées de l'automobile, de la grande distribution, dans les laboratoires de biologie, chez les médecins etc.... Jusqu'alors les revendications portaient sur les salaires et les conditions de travail, mais la retraite, thème fédérateur par excellence, pourrait être l'étincelle qui met le feu aux poudres.

Surtout que le projet du gouvernement est ambitieux. La semaine dernière, Elisabeth Borne a fait savoir, dans un entretien au Parisien -Aujourd'hui en France, qu'elle souhaitait reculer l'âge de départ de 62 ans à 65 ans... Et ce pour dès la génération née en 1961. Sans compter que l'exécutif veut aller vite, et voir entrer en vigueur sa réforme dès l'été 2023. Il vise la présentation de son projet mi-décembre, pour un envoi au conseil d'Etat en fin d'année, une inscription en conseil des ministres en janvier, et une discussion parlementaire en début d'année. Pour l'heure, il espère encore obtenir une majorité au Parlement, notamment en emportant avec lui le groupe Les Républicains, attaché au départ à la retraite à 65 ans. Sinon, ce sera le 49.3.

Des tensions..., mais jusqu'où ?

Pour autant, la mise en place d'une grève générale n'est pas automatique. Déjà, parce que faire grève nécessite des moyens. Cela signifie des jours non payés, alors que les fins de mois ne sont déjà pas faciles à boucler pour les travailleurs. Certes, certains syndicats préparent déjà leurs caisses de grève, mais si le conflit durait, cela pourrait ne pas suffire.

Par ailleurs, derrière l'avertissement commun adressé au gouvernement, subsistent des divisions entre les centrales. En effet, la CGT et la CFDT ne sont pas tout à fait alignées. Même s'il est très opposé au recul de l'âge légal de départ à la retraite, Laurent Berger de la centrale réformiste cherchera à faire pression sur l'exécutif pour obtenir des compensations en matière de pénibilité, de carrières longues etc ... Alors que Philippe Martinez, de la CGT, aura tendance à rejeter le projet de loi en bloc.

Les grands syndicats ne partent pas dans la bataille avec les mêmes armes. La CFDT est unitaire, alors que la CGT est tiraillée, embourbée dans la succession de son leader, en mars prochain. Les cortèges pourraient vite se séparer, et les stratégies s'écarter.

Les agents des régimes spéciaux au coeur des attentions

Enfin, dernier élément, la Première ministre a pris soin de préciser que si les régimes spéciaux seront bel et bien concernés par la réforme, ils bénéficieront toutefois de la clause « du grand père ». Autrement dit, le changement des règles ne s'appliquera qu'aux nouvelles recrues et non à ceux qui sont en poste aujourd'hui. Une façon selon Matignon de calmer le jeu.

La cheffe du gouvernement marche toutefois sur des œufs, car ces régimes spéciaux restent dans ces professions comme des acquis sociaux très importants. Les agents publics pourraient avoir à cœur de les défendre. Preuve en est, les gendarmes, policiers et pompiers, qui seront concernés par la réforme avec la clause « du grand père », ont fait savoir ce mardi, qu'ils n'hésiteraient pas à se mobiliser. Idem pour les agents de la filière énergie, défendre leur spécificité en terme de retraite, revient à préserver leur statut avec les autres avantages qu'il comporte (prix de l'énergie à 10 %, Comité d'entreprises etc... )

Il n'empêche, malgré le risque d'embrasement social que comporte ce projet de réforme, et le contexte dans lequel il va être présenté, le gouvernement se montre déterminé.

Selon plusieurs ministres : « il n'y a jamais de bons moments pour faire ce type de réformes ». Il en va, selon eux, de la réussite du quinquennat. « Emmanuel Macron doit transformer radicalement la société. Or, la réforme des retraites est la mère des réformes. »