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Retraites : "Je suis devenue une vieille chose insignifiante", le quotidien douloureux des seniors en entreprise

Travailler plus longtemps, mais à quel prix. À peine plus de 50 ans et déjà "seniors", certains salariés ont du mal à se projeter dans un avenir professionnel serein, alors que les exigences dépassent parfois leurs compétences. En plein débat autour de la réforme des retraites, ils témoignent. 

"Je me sens en décalage par rapport aux attentes de mon entreprise car elle ne parle que de rendement, la qualité du travail passe en second plan". À 53 ans Véronique* s'interroge. "Est-ce que je pourrais tenir comme ça jusqu'à 65 ans, je ne crois pas".

Comme elle, de nombreux Français se disent opposés à la réforme des retraites qu'Emmanuel Macron veut conduire au plus vite. Selon le baromètre retraite Odoxa, dont les résultats ont été diffusés ce mardi 4 octobre, 67 % des Français se disent opposés à une réforme impliquant une augmentation de l’âge légal de départ.

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Et alors que l'allongement du temps de travail est au cœur du débat, une récente étude réalisée par Ipsos pour l’association "A compétence égale" révèle que les recruteurs considèrent comme "seniors" les salariés âgés de plus de 49,6 ans. De leur côté, les salariés eux, se sentent "seniors" plus tard, en moyenne à 52,7 ans.

Il y a trois ans, Hélène a profité de sa dernière année de quadragénaire pour changer de travail, parce qu'un "CV de 49 ans passait mieux qu'un CV de 50 ans". Le pari s'est avéré gagnant. Mais depuis son embauche, le Covid est passé par là et le quotidien professionnel d'Hélène a radicalement changé.

Le petit stagiaire sait faire en deux minutes ce qui me prend une heure.

"Sont arrivés les clouds, les teams, les plateformes, les mille passwords à 20 caractères, la double ou triple identification. Et... je n'ai rien suivi. Je n'y arrive pas, je ne sais pas faire, les formations sont juste des tutoriels en ligne, personne en face de nous si on a des questions, personne pour faire pratiquer. Alors depuis un an, je l'avoue, je fais des erreurs, je perds du temps, je vois bien que je ne suis plus à la hauteur".

Pour Hélène, le constat est cruel : "Le petit stagiaire de cet été sait faire en deux minutes ce qui me prend une heure." Elle aussi appréhende l'éventualité d'un allongement du temps de travail. "En 3 ans je suis devenue ... une vieille chose insignifiante", résume Hélène.

Florence Marty, spécialiste des ressources humaines explique que compte tenu d'un parcours professionnel discontinu, les jeunes générations ont développé "une agilité intellectuelle que certains seniors n'ont pas forcément. Ils l'ont vécue, mais n'ont pas tous pris le train". Reste à savoir si le train s'arrête pour eux.

Améliorer l'accès à la formation

Pour Stéphanie Lecerf, présidente d’A compétence égale, citée par Le Monde, "dans les entreprises, l’accès à la formation reste un problème pour les seniors, car on juge que ce ne sont pas ceux qu’il faut former en premier. Or il faut maintenir leur employabilité".

Hélène fait partie des seniors qui ne se sentent pas accompagnées du tout. Elle évoque quelques moqueries, de la part de son employeur et un renvoi systématiques vers les tutoriels en ligne évoqués plus haut. "Plus que jamais et pour les seniors aussi, on doit se former toute notre vie, avant on n'avait pas ça. Aujourd'hui les métiers changent trop", reconnaît Sophie Garcia, présidente du Medef Occitanie.

Pour elle, améliorer l'emploi et améliorer leur formation va de pair. "S'ils doivent travailler cinq ans de plus, au même titre que les autres salariés, ils seront évalués chaque année et devront être intégrés aux plans de formation. Donc il faut dire aux entreprises de ne pas les oublier".

Mixer les générations

Actuellement en recherche d'emploi pour un poste de manager, à 55 ans, Marie-Dominique estime qu'elle "ne fait pas le poids face à un 'gamin' de 40 ans". "Trop âgée, trop chère"... Elle anticipe déjà les réponses des futurs employeurs. Pourtant du côté des chiffres, le taux d’emploi est en augmentation, il atteint 56,1 % pour les 55-64 ans au quatrième trimestre 2021. Ce qui n'empêche pas la France de compter parmi les mauvais élèves, par rapport aux autres pays européens. 

Pour Florence Marty, la difficulté réside aujourd'hui surtout dans un manque de tolérance entre les générations. "Aujourd'hui on a quatre générations à manager en même temps en entreprise. On a les boomers, la génération Y, les millénials et la génération Z. Ça fait beaucoup de différences..." Si l'on dit souvent que l'âge que l'on a est dans la tête, il est peut-être aussi pour beaucoup, dans celle des autres.