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Retraites : l’Alternative, le nouveau syndicat étudiant qui veut se faire une place

Les étudiants se mobilisent contre la réforme des retraites derrière un front syndical uni. Sur le communiqué appelant les jeunes à manifester mardi 31 janvier, on trouve les logos des organisations de jeunesse des partis de gauche aux côtés de celui de la Fage, l’organisation majoritaire dans les instances représentatives, de l’Unef, ancienne organisation majoritaire, mais aussi de l’Alternative, syndicat créé en 2019 après une scission de l’Unef, en 2017.

Dans la mobilisation actuelle, l’Alternative joue le rôle du trublion impatient. Le premier appel à une coordination syndicale étudiante contre la réforme des retraites date de fin décembre et est signé par l’Alternative, ses organisations membres et des sections locales de l’Unef, mais pas par le bureau national.

Contre la réforme des retraites, pour la construction d’un mouvement de grève qui mette un coup d’arrêt à la politique antisociale de ce gouvernement, nous appelons à une coordination syndicale étudiante sur Paris le 15 janvier prochain !

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— UNEF-TACLE (@uneftacle) December 23, 2022

Une réunion a bien eu lieu le 15 janvier, réunissant, notamment, la Fage, l’Unef et l’Alternative, soit, dans l’ordre, les trois organisations étudiantes ayant le plus d’élus dans les instances représentatives de l’enseignement supérieur (au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche et auprès des Crous). Tous sont d’accord pour refuser la réforme des retraites proposée par le gouvernement.

«Le soutien bienvenu» de LFI

Si l’Alternative a été formellement mise en place en 2019, ses origines remontent à 2017. A l’époque, huit membres du bureau national de l’Unef ont été exclus. Membre de LFI, le syndicat craignait alors un noyautage par le mouvement lancé par Jean-Luc Mélenchon. Une «répression autoritaire», signe d’un «repli», et d’un «refus du politique», analyse pour Libération l’un des fondateurs de l’Alternative, Naïm Shili. «A l’Alternative, on ne va pas chasser des personnes en fonction de leur affiliation politique. Il y a des insoumis, des écolos, des communistes et des socialistes, un peu moins par contre, c’est vrai», poursuit-il.

Pour Imane Ouelhadj, l’actuelle présidente de l’Unef, une différence fondamentale avec l’Alternative réside justement sur cette distance vis-à-vis du monde politique. «Nous prônons une indépendance totale en accord avec la charte d’Amiens à laquelle nous sommes très attachés [adoptée par la CGT au début du XXe siècle, ndlr]. Il y a eu des liens dans l’histoire de l’Unef avec des partis. Mais ces liens n’existent plus, personne ne nous murmure à l’oreille», nous explique-t-elle.

Cette différence s’est illustrée le 21 janvier. L’Alternative revendique avoir proposé cette date pour une manifestation de la jeunesse. «La date de l’intersyndicale tardait à être connue. On a décidé de proposer un rendez-vous assez tôt avec d’autres organisations de jeunesses de gauche», retrace pour nous Eléonore Schmitt, porte-parole du mouvement. L’appel passe un peu inaperçu avant d’être soutenu par La France insoumise. «Ils ont assuré une partie de la communication et la logistique. C’était un soutien bienvenu», poursuit-elle avant de préciser qu’«au-delà de cette marche-là», l’indépendance du syndicat reste «forte».

Le député LFI Louis Boyard se défend de toute ingérence dans les organisations de jeunesse. «Contre la réforme des retraites, nous soutenons les mouvements sans regarder qui fait quoi. Aujourd’hui l’Alternative prend le plus d’initiative donc nous soutenons mais en restant respectueux des acteurs du secteur», explique-t-il à Libération. Au sein de l’Alternative, Louis Boyard peut discuter avec Hugo Prévost, l’un des porte-parole, avec qui il a milité au sein de l’Union nationale lycéenne.

L’Unef (comme la Fage) n’a pas appelé à la marche du 21 janvier. «Pour avoir une mobilisation d’ampleur, il nous semblait important de travailler avec les organisations professionnelles [qui appelaient à une mobilisation le 19 janvier]. Par ailleurs, cette initiative survenait trop tôt pour les étudiants, qui sortaient à peine des partiels», explique Imane Ouelhadj. Résultat, près de deux millions de personnes en France le 19 janvier contre entre 14 000 selon les journalistes et 150 000 selon les organisateurs le 21 janvier.

Faire tomber les deux principaux syndicats

Le syndicat, qui se présente comme «une fédération d’organisations locales» sur le principe «d’une organisation est égal à une voix», a de grandes ambitions au niveau national. L’objectif est bien d’avoir «un syndicat étudiant qui soit la première organisation étudiante pour influencer les politiques publiques», confirme Eléonore Schmitt. Un syndicaliste de l’enseignement supérieur nous livre son regard sur cette ascension. «Ils travaillent bien leurs dossiers et ont des choses à dire. On sent qu’ils veulent prendre la tête du mouvement étudiant. Mais ils sont à la tête d’une organisation composite, je leur souhaite bien du courage pour maintenir la cohésion de l’ensemble.»

Dans cette optique de montée en puissance, la mobilisation contre la réforme des retraites sert de marche-pied médiatique à Hugo Prévost et Eléonore Schmitt, les deux porte-parole du mouvement. Mais pas question de remettre en cause l’union syndicale en cours. «L’histoire montre qu’on obtient quelque chose quand le front syndical est uni. L’idée est de construire un mouvement qui fonctionne», plaide Eléonore Schmitt.

Le rapport de force se jouera plus tard, en deux manches. D’abord en juin, à l’occasion des prochaines élections pour le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’instance consultative des organisations représentatives au sein du ministère. Aujourd’hui la Fage possède cinq sièges, l’Unef deux et l’Alternative deux également. Rebelote en novembre, pour les élections au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), où la Fage et l’Unef devancent, avec trois sièges, l’Alternative et ses alliés (deux sièges).