France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Retraites : pourquoi les régimes spéciaux pourraient passer à la trappe de la réforme

Une réforme des retraites réussie doit-elle absolument s'attaquer aux régimes spéciaux ? C'est une des questions qui animent le gouvernement actuellement. Et tout le monde n'est pas d'accord.

Deux écoles s'affrontent au sein du gouvernement

Il y a ceux qui avancent une obligation presque morale au nom de l'équité et de la justice sociale. « Il est impossible de décaler l'âge de départ à la retraite à 64 ou 65 ans pour les salariés du privé sans demander un effort aux agents du public », assure un ministre important de la Macronie. Et d'ajouter : « Les Français ne l'accepteraient pas, une réforme, c'est une histoire de cohérence sociale. »

Régime des retraites : la France est-elle vraiment une exception ?

Les autres font valoir une forme de pragmatisme, au nom d'un réalisme économique  : « À la veille d'une récession, et alors que l'économie ralentit, ne prenons pas le risque d'avoir un pays bloqué pendant des semaines, évitons un maximum les irritants, les régimes spéciaux sont un chiffon rouge pour un syndicat comme la CGT », plaide de son côté un poids lourd de la majorité.

D'ailleurs, selon plusieurs sources, c'est bien cette crainte de voir l'économie paralysée cet hiver qui refroidit le patronat dans son soutien à la réforme. Pris dans les problèmes d'inflation, de coûts de l'énergie, les chefs d'entreprises n'ont envie de revivre ni la crise des Gilets jaunes ni celle de l'hiver 2019 quand le pays avait été bloqué à cause du conflit sur les retraites.

Mais tout dépend aussi des régimes spéciaux

« Et puis, de quels régimes spéciaux parle-t-on ? », interroge Laurent Berger, le patron de la CFDT, sur FranceInfo, ce lundi 3 octobre. Et c'est bien tout le cœur du sujet.

Spontanément, l'opinion publique associe régimes spéciaux à ceux de la SNCF et de la RATP. Le statut des cheminots a déjà été bien réformé. S'attaquer à celui de la RATP - qui concerne 40.000 agents - est en revanche plus délicat.

« À l'heure où l'on manque de chauffeurs de bus en Île-de-France, on va dire à ceux qui occupent un poste, on vous change votre statut ? », soulignait Laurent Berger - qui se dit à l'aise pour en parler, tant son syndicat est peu représenté dans la compagnie d'Île-de-France : « Ce serait compliqué... »

Un point de vue qui trouve son écho chez plusieurs personnalités de la majorité estimant que le jeu n'en vaut pas la chandelle. « A-t-on vraiment envie de se prendre les chauffeurs de bus de plein fouet en ce moment ? », menace un ministre.

Ménager les 140.000 salariés des industries gazières et d'électricité

Mais les inquiétudes, en réalité, dépassent largement le secteur des transports.

Au gouvernement, elles concernent surtout le régime spécial des industries de l'énergie, les IEG, qui regroupent les agents d'Engie, d'EDF, et les entreprises locales de distribution - les régies de gaz et d'électricité qui n'ont pas été nationalisées au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

De fait, le secteur du gaz et de l'électricité est cette année au cœur de toutes les attentions. Alors que l'exécutif craint des ruptures de réseau, des problèmes d'approvisionnement, il tient à ménager les personnels. Selon ses estimations, plus de 140.000 salariés en bénéficient, ils partent entre 57 et 58 ans, et leurs retraites sont plus élevées que la moyenne d'un salarié du privé. Selon la Cour des comptes, ils coûtent plus de 1,8 milliard d'euros aux entreprises publiques du secteur.

En 2019, lors de la dernière tentative pour réformer les retraites, la CGT énergie avait montré les muscles : elle avait multiplié les coupures de courant et les baisses de charges dans les centrales nucléaires. Le syndicat de Philippe Martinez reste très présent dans ce secteur.

Prendre le risque d'un conflit social dans le contexte de l'hiver 2022 serait donc, selon plusieurs membres du gouvernement, « tout bonnement suicidaire ».

« Il faut bien se rendre compte, on est à 24 heures près pour le redémarrage de nos réacteurs nucléaires... Avoir de l'électricité cet hiver, faire baisser le prix, c'est notre priorité », plaide un ministre.

Régime des retraites : retour sur 80 ans d'histoire mouvementée en France

Reste à voir ce que va décider Emmanuel Macron. Pour l'heure, son entourage assure que rien n'est tranché, et qu'il laisse place à la concertation.