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Risque de désindustrialisation en Europe : une « urgence absolue », alerte le Medef et les industriels

« Je ne suis pas sûr que les médias français aient pris l'ampleur de ce dont on parle. » En ouverture d'une matinée de débats sur la crise énergétique, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a vivement alerté, et pas seulement à destination des journalistes, sur les périls qui menacent l'industrie européenne.

Comme il le fait depuis plusieurs semaines, le patron des patrons s'est à nouveau inquiété des niveaux de prix « violents » sur le marché du gaz et de l'électricité, appelés à rester « durablement » élevés selon lui. Avec des effets déjà perceptibles dans l'économie française.

La consommation de gaz a baissé de 30% dans l'industrie

Ces lourdes factures énergétiques pèsent sur la production industrielle, qui décélère. A la tribune, le Pdg d'Engie Jean-Pierre Clamadieu a confirmé une baisse « très importante de la consommation de gaz, de l'ordre de 30% » dans de grands groupes industriels. Ce qui signifie « de la substitution (recours à des énergies moins coûteuses) » mais, surtout, une « baisse de la production ».

A titre d'exemple, la production d'engrais, qui repose essentiellement sur du gaz, s'effondre de 60% à 70% d'après Jean-Pierre Clamadieu. A ses côtés, Nicolas de Warren, le président de l'Uniden (Union des industries utilisatrices d'énergie), a établi le même constat d'une moindre consommation de gaz dans l'industrie : il attribue ce ralentissement aussi bien aux montants des factures énergétiques qu'à une baisse de la demande.

Déficit de compétitivité face aux États-Unis

Alarmés par cette situation, le Pdg d'Engie et le représentant de l'Uniden ont insisté sur le risque de délocalisations de la production vers les Etats-Unis où l'énergie se vend cinq à six fois moins cher. Avec des effets irréversibles. « Les prix créent un déséquilibre de compétitivité très important » entre l'Europe et les États-Unis, a déploré Jean-Pierre Clamadieu.

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Mais « toutes ne sont pas égales face à leur facture d'énergie », a souligné Geoffroy Roux de Bézieux. Le dirigeant du Medef s'attend à ce que les ETI françaises ou le Mittelstand allemand subissent de plein fouet le choc énergétique en Europe, quand de grands industriels, établis des deux côtés de l'Atlantique, peuvent l'esquiver en arbitrant entre leurs usines européennes et françaises. Tel est le cas du chimiste BASF qui songe ouvertement à délocaliser ses activités du Vieux Continent les plus gourmandes en énergie.

L'IRA de Joe Biden arrive au pire moment

Dans ce contexte, le plan anti-inflation IRA (Inflation Reduction Act) de Joe Biden arrive au pire moment pour les Européens qui voudraient réindustrialiser leurs économies. Pour relancer le « made in America » dans des secteurs clés (automobile électrique, batteries, énergies renouvelables), la Maison Blanche fait miroiter près de 400 milliards d'euros de subventions - disponibles à partir de janvier 2023 - aux industriels qui installent leurs usines sur le sol américain, également très attractif par ses coûts de l'énergie.

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Débloquer les 10 GW des projets d'énergies renouvelables en attente

Très préoccupé par la double menace de l'IRA et d'une énergie devenue inabordable en Europe, Geoffroy Roux de Bézieux somme les dirigeants européens de réformer en « urgence absolue » le marché de l'énergie. En commençant par décorréler le prix du gaz de l'électricité.

« La bonne solution est européenne. Le plus important, c'est de trouver un nouveau système de fixation du prix de l'électricité », a-t-il martelé tout en fustigeant le « chacun pour soi » des Allemands et de leur plan de 200 milliards d'aides aux entreprises et consommateurs germaniques débloqués sans coordination avec les autres États membres.

Excédé par les lenteurs des négociations dans l'UE sur le plafonnement du prix du gaz, le Medef pousse le gouvernement français à développer rapidement ses propres parcs d'énergie renouvelables pour améliorer l'approvisionnement électrique.

Un appel partagé par le président d'Engie. Selon Jean-Pierre Clamadieu, plus de 10 gigawatts (GW) de projets d'énergies renouvelables sont en attente d'autorisation en France sur les bureaux des préfets.