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Roland-Garros : « Il sait déjà tout faire »… Alcaraz est-il vraiment à 60 % de son potentiel, comme le pense Ferrero ?

A Roland-Garros,

Rien de tel pour commencer un papier que de balancer un bon vieux poncif des familles : ce sont les grands matchs qui font les grands joueurs. Et celui qui s’avance vendredi, en demi-finale de Roland-Garros, entre Novak Djokovic, 36 ans, numéro 3 mondial et 22 grands chelems au compteur, et Carlos Alcaraz, de seize ans son cadet, numéro uno del mundo et un GC au palmarès, a tout d’une opposition pour l’histoire. L’ancien contre le nouveau monde, la passation de pouvoir vs le record absolu, ce Djoko-Alcaraz devrait être à la fois riche en enseignements et en spectacle, dans un tournoi qui a pour le moment manqué de batailles épiques en cinq sets.

Partant de là, il pourrait sembler un peu prématuré de passer de la pommade à Carlos Alcaraz, surtout si « Nole » décide que la relève attendra. Et pourtant, ce que montre le jeune espagnol depuis son arrivée sur le circuit pro en 2021, et surtout ce qu’il envoie depuis le début de la saison et sur ce tournoi, ne font que peu de doute sur la nature du phénomèno. Il n’y avait qu’à regarder le visage livide de Tsitsipas, numéro 5 relégué au rang de junior, mardi soir, après ce qu’il convient d’appeler une séance de BDSM en mondovision, pour comprendre la violence de l’énergumène.

« On n’est pas encore habitué à ce qu’il fait mais je pense qu’on va en entendre longtemps parler car il peut faire une carrière à la Nadal, Djokovic ou Federer. Si son physique ne le lâche pas et qu’il arrive à ne pas trop se blesser, ça va être un très, très grand. Tennistiquement parlant, il est déjà aussi fort que les trois grands, surtout à son âge. Il a un QI tennis fou, une technique incroyable, une puissance physique, de la vitesse et une grande soif de gagner », liste, admiratif, Loïc Courtaud, l’ancien coach emblématique d’Amélie Mauresmo.

Tantôt attaquant, tantôt défenseur ou service-volleyeur, Alcaraz ne s’embarrasse pas des étiquettes et développe progressivement sous nos yeux le concept du « joueur total », dixit Patrick Mouratoglou, l’entraîneur du jeune Holger Rune, battu en quarts par Casper Ruud. « Il sait tout faire sur un court, admire l’ancien entraîneur de Serena Williams. Au-delà de sa puissance, il est aussi capable de faire service-volée, de monter au filet et de faire des amorties dévastatrices. En plus de ça c’est un combattant hors norme, il n’y a pas un match qu’il a laissé filer depuis le début de sa carrière, où alors je l’ai raté. »

Un mixte (quasi) parfait de Federer, Nadal et Rafa, vraiment ?

Biberonné aux matchs des trois monstres du circuit, Federer, Nadal et Djokovic, Alcaraz semble avoir pioché le meilleur de chacun pour former, à 20 ans seulement, une sorte de joueur ultime, si tant est que ce soit Dieu possible. « C’est un mélange de Nadal en haut et de Federer en bas, dans sa vitesse de déplacement, avec aussi un peu de Djokovic dans le côté contre-attaquant », valide Courteau. D’un point de vue de la filiation, Patrick Mouratoglou penche plus du côté de Federer que de Nadal, avec qui tout le monde le s’obstine à la comparer.

« Carlos a ce côté animal que Roger n’avait pas. Roger c’était la perfection, la facilité, Alcaraz c’est animal quand il joue. Mais son style et son engagement me font plus penser à Roger qu’à Rafa par exemple, tranche-t-il. A part qu’il est Espagnol, qu’il est physique et que c’est un battant, il n’a aucun autre point commun avec Nadal, qui était un pur défenseur quand il est arrivé sur le circuit. Il a construit petit à petit un jeu d’attaque parce qu’il voulait s’améliorer, mais ce n’est pas un attaquant naturel comme l’est Alcaraz. »

S’il concède lui aussi se rapprocher plus du Suisse que du Majorquin, Alcaraz ne veut « pas être le remplaçant de qui que ce soit », il veut juste « construire (sa) propre histoire ». Arrêtons donc une bonne fois pour toutes ces tests de paternité aussi vains que balourds. S’il ne veut être personne d’autre que lui-même, il ne veut pas non plus se borner dans un style de jeu, à la différence de ce que l’on voit aujourd'hui sur le circuit.

Loïc Courteau : « La plupart des joueurs, même les très bons, jouent tous de manière plus ou moins stéréotypées, on sait à peu près comment ils vont jouer et où ils vont mettre la balle. Après, ils le font très, très bien, c’est pour ça qu’ils sont forts. Mais je trouve que ça manque de surprise. Quand on voit Alcaraz aujourd’hui, il arrive à surprendre tout le monde, on ne sait jamais, même jusqu’au dernier moment, le coup qui va sortir de sa raquette. Et ça, ça rend fou les adversaires ». Déjà battu par le Murcien en finale à Barcelone, en avril, Stefanos Tsitsipas en était sorti quasi traumatisé.

Djokovic quand il a vu le niveau d'Alcaraz, ce soir.#RolandGarros #Alcaraz pic.twitter.com/OeUIPz0C7H

— Tennis Legend (@TennisLegende) June 6, 2023

« J’ai du mal à croire qu’il soit à 60 % »

« Il a déjà toute la panoplie du grand champion, poursuit Courteau. Honnêtement, je ne lui vois pas de failles, ce qui est très rare, voir jamais vu, à cet âge-là. Normalement à 19, 20 ans, tu as plein de choses à travailler, lui, on ne voit pas vraiment ce qu’il peut ajouter à sa palette, il a une maturité tennistique absolument impressionnante ». S’il partage peu ou prou l’avis de nos spécialistes concernant son joueur, Juan-Carlos Ferrero a déclaré récemment qu’Alcaraz n’était encore qu’à 60 % de son potentiel, enfin 70, a-t-il fini par concéder avant le début de la saison sur terre. De ce que l’on en voit depuis son début de carrière - à part un couac de jeunesse contre Hugo Gaston dans un Bercy en lévitation derrière le Français et une surprenante défaite contre l’inconnu Maroszan, à Rome, il y a un mois – on a du mal à concevoir qu’il lui reste encore 40 % de talent caché derrière le buffet à vaisselles.

Des doutes que partage Patrick Mouratoglou. « Juan-Carlos connaît mieux son joueur que moi, il n’y a aucun doute là-dessus, mais j’ai du mal à croire qu’il soit à 60 %. Je n’ai jamais vu un joueur aussi jeune et aussi complet, explique le coach de Rune. Que doit-il apprendre de plus ? Pas grand-chose, à mon avis. Je ne vois pas dans quel secteur il aurait une grande marge de progression. Il est déjà numéro 1 mondial et c’est un joueur archi-complet qui sait tout faire sur un court (rires) ! J’ai l’impression que c’est plus une figure de style que de dire ça. Moi je dirais plutôt qu’il est à 95 %. »

« Je suis d’accord avec Ferrero, annonce Loïc Courteau. Parce qu’il a la fougue de sa jeunesse et il peut se laisser emporter facilement par ses émotions, par le fait de vouloir un peu trop en faire. Après, on dit 60 %… C’est surtout pour dire que tout ça va prendre forme avec le temps, il ne va pas pouvoir courir beaucoup plus vite ni servir beaucoup plus fort demain, c’est surtout dans le choix des bons coups, dans la manière d’aborder psychologiquement les grands rendez-vous, ne pas s’enflammer, ce sont toutes ces petites choses-là qui vont se mettre en place petit à petit. »

Un manque de concurrence problématique ?

Au-delà de la gestion de son physique et du risque inhérent de blessures qu’implique une telle débauche d’énergie sur le terrain, l’autre interrogation réside peut-être dans un facteur extérieur. Celui de la concurrence. Ce n’est pas anodin que les trois seuls joueurs de l’histoire à avoir réussi à rafler plus de 20 grands chelems chacun l’ont fait à la même époque. « Il est évident que les grands champions ont besoin d’être challengés pour avancer et progresser », acquiesce Courteau.

« Federer, Djokovic et Nadal se tiraient vers le haut en permanence. Alcaraz, lui, n’a pas vraiment de rival, même s’il y a encore Djoko, mais sinon les autres, les plus jeunes, ne sont pas encore au niveau, enchaîne-t-il. Je ne dis pas qu’ils ne vont pas le devenir dans les prochaines années, je pense notamment à Rune, mais on aura du mal à retrouver une telle concurrence au plus haut niveau. Maintenant, quelle est la volonté d’Alcaraz ? Est-ce qu’il a envie de marquer l’histoire du tennis comme les trois autres ? » Sur le papier, Alcaraz y a déjà répondu. C’était à Madrid, en avril dernier, après sa victoire en quart contre Kachanov. « Mon rêve c’est de devenir l’un des meilleurs joueurs de l’histoire. C’est mon grand rêve, il est peut-être trop grand. Mais dans ce monde, il faut rêver grand. » Le PSG valide ça à 1000 %.