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Salaire des profs : une augmentation contre 72 heures de travail en plus par an

Enseignants, pour espérer gagner plus, vous devrez travailler plus. Voilà la philosophie du «nouveau pacte» enseignant vanté depuis près d’un an par Emmanuel Macron et qui consistera, dès la rentrée de septembre, à payer davantage les professeurs acceptant de nouvelles charges de travail. Alors que les syndicats doivent entamer les concertations mercredi prochain sur ce fameux pacte, après celles sur les rémunérations inconditionnelles jugées insuffisantes pour les milieux et fins de carrière, Pap Ndiaye les a pris de court jeudi matin avec de nouvelles annonces, aux contours encore flous, que Libération tente d’éclaircir.

De quelles nouvelles missions s’agit-il ?

Tous les enseignants volontaires, prêts à assurer de nouvelles missions dans le cadre du pacte auront l’obligation d’effectuer des remplacements de courte durée. Cela ne concernera que les enseignants du second degré, les professeurs des écoles devant, eux, se consacrer à leur classe. Les enseignants en collège et lycée devront-ils signer ce pacte avant de s’engager ? Y aura-t-il un objectif d’heures de remplacement à remplir en début d’année ? Ces questions restent en suspens.

Ensuite, tous les profs volontaires auront la possibilité d’effectuer d’autres types de missions «d’orientation et d’accompagnement des élèves», a précisé le ministre jeudi. Pap Ndiaye fait ici référence à la nouvelle heure supplémentaire de renforcement et de soutien sur les fondamentaux en sixième, qui devra être assurée par des professeurs de collèges et par des professeurs des écoles. «Le mercredi matin est le seul moment où nous n’avons pas classe, explique Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU. Mais à la place, il y a les heures d’animation dans le cadre des 18 heures de la formation continue, et cela va poser des difficultés si des professeurs ne les suivent pas pour assurer des cours au collège.»

Parmi les autres missions, le ministre pense aussi à l’orientation des élèves de cinquième qui peuvent, depuis septembre, effectuer des mini-stages de découverte professionnelle. Enfin, «il y a tout un volet de missions qui peuvent varier selon les établissements et qui sont liés au CNR [Conseil national de la refondation, ndlr] éducation, à toutes ces initiatives qui sont prises», a indiqué le ministre. Il s’agit de rémunérer les projets considérés comme innovants, ce qui risque d’instaurer une concurrence entre les enseignants, estiment les syndicats.

Les professeurs engagés dans le pacte devront-ils consacrer un temps minimum à ces missions ?

Oui. Si l’on se base sur les déclarations du ministre jeudi, le pacte correspondra à un «volume annuel d’environ 72 heures» de tâches supplémentaires pour un engagement annuel. Les syndicats enseignants ont vite fait le calcul : à raison de 36 semaines de travail sur une année, cela correspond à une moyenne de deux heures de travail en plus par semaine. Mais comment caser ces deux heures de travail supplémentaire dans l’emploi du temps déjà bien fourni des enseignants ? La moitié d’entre eux déclare déjà travailler au moins 43 heures par semaine, selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance. Dans un autre rapport publié en décembre, le service statistique de l’Education Nationale indique aussi que le temps d’enseignement, qui ne prend pas en compte les heures de préparation, est plus élevé en France que dans d’autres pays européens, avec notamment 900 heures par an pour les professeurs des écoles contre 740 en moyenne dans les autres pays de l’UE.

Combien seront payées ces heures supplémentaires ?

Ces nouvelles missions permettront de «gagner 10% de plus par rapport au salaire moyen, donc ça représente une somme de 3 650 euros annuels», a souligné le ministre, soit environ plus de 300 euros par mois. «A quoi correspond ce chiffre ? Est-ce que le taux sera le même pour toutes les missions effectuées ? S’agira-t-il d’un forfait ? s’interroge Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, le principal syndicat du secondaire. Ce pacte est une réponse hors sol et irresponsable quand on connaît l’état de l’Education nationale. On a de plus en plus de gens qui veulent partir, de moins en moins de gens qui veulent être prof mais on leur dit : “Venez, vous allez travailler plus !”»

Les enseignants font-ils déjà des heures supplémentaires aujourd’hui ?

Dans le premier degré, les professeurs des écoles n’en ont pas la possibilité puisqu’ils sont toujours en présence de leurs élèves. Voilà pourquoi le ministère bataille pour leur trouver des missions supplémentaires dans le cadre du pacte. Dans le second degré, ces heures supplémentaires prennent deux formes différentes. Il y a d’abord les HSA, les heures supplémentaires années. En cas de besoin, les profs sont obligés d’accepter, en plus de leur temps de service, de faire deux heures de travail supplémentaire chaque semaine pour compléter les grilles horaires des élèves. Exemple : un professeur certifié d’histoire-géo a 18 heures de cours effectives devant les élèves. Son chef d’établissement peut lui demander d’effectuer une, voire deux heures supplémentaires en demi-groupe avec une de ses classes. Dans ce cas, il n’a pas le droit de refuser.

Il y a ensuite les HSE, les heures supplémentaires effectives, qui rémunèrent des activités occasionnelles sur la base du volontariat. Il peut s’agir de tutorat, de projets pédagogiques, de voyage scolaire… Dans les HSE, il existe aussi des heures spécifiquement fléchées pour des remplacements en interne. Ces missions déjà existantes vont-elles s’intégrer dans le cadre du pacte ? Seront-elles donc revalorisées et de combien ? Là encore, le ministre reste flou. «On fait déjà des heures supplémentaires et il en faudrait encore davantage alors que les enseignants sont épuisés ? s’agace Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges. Ce n’est pas de la revalorisation mais du travail supplémentaire alors qu’on demande à être mieux payés à travail égal.»