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Se loger sur le littoral, un défi sur lequel les élus tâtonnent

Pression immobilière, contraintes de construction, attrait des résidences secondaires après la crise sanitaire, rythme exponentiel de transformation des logements en meublés touristiques... Les tensions sur le logement se constatent sur toutes les façades littorales.

Cette question du logement sur le littoral a été débattue lors des journées nationales d'études de l'association nationale des élus du littoral (ANEL) qui se sont tenues au Grau-du-Roi (Gard) les 29 et 30 septembre, en présence d'un ministre, de trois secrétaires d'Etat, dont Dominique Faure chargée de la ruralité, et de près de 400 élus.

« Le logement sur le littoral est une problématique cruciale qui se devait d'être abordée de manière à partager à la fois les diagnostics et expériences des collectivités littorales, mais aussi riveraines de grands lacs, et à en tirer des enseignements quant aux évolutions à porter à l'échelle nationale », expose Anne-Sophie Leclère, déléguée générale de l'ANEL.

Les collectivités déploient des initiatives en fonction des besoins des territoires.

L'ensemble des stations du littoral partage un même constat : l'attractivité de leur territoire est devenu un défi pour le logement permanent. Aux Sables d'Olonne (Vendée), l'habitat principal représentait 75% il y a trente ans contre 25% d'habitat secondaire ; aujourd'hui la tendance s'est complètement inversée.

« Il est bien sûr dans la vocation des stations balnéaires d'avoir des résidences secondaires mais l'explosion de la location touristique de courte durée, avec de nouveaux investisseurs profitant de l'hyper rentabilité, assèche et asphyxie le marché de la location à l'année », se désole Yannick Moreau, maire et président de l'agglomération des Sables d'Olonne.

Tentant de pallier cette problématique, l'élu a fait voter un plan "louer à l'année". Passé entre la Ville et les propriétaires de biens meublés, il vise à les encourager à basculer leur logement d'une location touristique à une location à l'année, avec une aide incitative allant jusqu'à 10.000 euros sur trois ans, financée par la création d'une taxe sur les logement vacants. En parallèle, pour pallier le déficit d'hébergement des saisonniers, la mise en œuvre d'un contrat "louer l'été" tripartite entre employeurs touristiques, salariés et agglomération aide à subventionner l'hébergement et l'accueil des saisonniers dans les maisons des propriétaires.

De son côté, Emmanuel Alzuri, maire de Bidart (Pyrénées-Atlantiques) et conseiller départemental des Pyrénées Atlantiques croit fermement aux bénéfices des PLU pour favoriser le logement pour tous : « Cela marche : sur trois logements construits, l'un est maîtrisé, ce qui facilite l'accès au logement des jeunes ».

Pour freiner la location touristique, l'Agglo Pays Basque a instauré, depuis juin dernier, la mesure compensatoire : dans les 24 communes de son périmètre, il faut créer un logement classique pour obtenir le droit d'en diriger un vers la location touristique. Autrement dit, rendre au marché locatif à l'année un local dévolu à un autre usage (bureaux, garages,...) après transformation de celui-ci. Suite à des recours en justice, la mesure ayant été attaquée par des agents immobiliers et des propriétaires, les mesures de compensation ont été assouplies et élargies : seuls les locaux situés en rez-de-chaussée et dont la vitrine donne sur le domaine public ne pourront pas servir de compensation.

« La fragilité juridique retarde l'application de mesures efficientes », regrette d'ailleurs le maire de Bidart.

Beaucoup moins nuancé, Jean-Charles Orsucci, le maire de Bonifacio, évoque un cadre légal contraignant : « Les lois s'accumulent et vont toutes dans le même sens : la raréfaction du foncier disponible pour la Corse. Je n'ai pas le droit de dire aujourd'hui, dans mon PLU, que je préfère voir des terres destinées à la résidence principale plutôt que secondaire. Grenelle, Elan... toutes ces lois nient le fait rural et ont été rédigées par des parlementaires composés d'urbains déconnectés de notre territoire rural ! La raréfaction organisée au nom de la préservation engendre une flambée des prix et la fiscalité française incite à la location saisonnière. Comment voulez-vous que les gens aient vocation à louer à l'année ? Je ne rêve pas de bétonner la côte, je veux juste donner aux jeunes l'opportunité de rester ici. Aujourd'hui, 93% du territoire de Bonifacio sont inconstructibles. Les tensions montent, le rôle d'un gouvernement est de réconcilier les gens et non de les opposer : la jeune génération n'acceptera pas de partir, il faut nous faire confiance et nous donner les moyens de répondre à ces défis ! ».

Dans les Alpes, la région des grands lacs est elle aussi confrontée à ces mêmes problématiques. Avec l'arrivée de plus de 10.000 habitants chaque année sur Thonon Agglomération, l'accès à la propriété est de plus en plus difficile. S'ajoutent à cela le surcoût des matériaux et les conditions d'obtention de prêts bancaires.

« 83% des employeurs rencontrent des difficultés de recrutement dus aux problèmes de logement, constate Cyril Demolis, maire de Sciez, vice-président de Thonon Agglomération. Pour tenter de pallier cela, nous avons mis en place le Bail Réel Solidaire (BRS, permettant à des organismes fonciers solidaires de céder les droits réels sur le bâti à des familles modestes, NDLR) et pris des initiatives comme l'acquisition d'une ancienne colonie et d'un hôtel dont les logements seront réservés aux saisonniers. Mais nous manquons de ressources financières et humaines. »

Contrairement aux autres territoires ultra-marins, la Guyane connaît une croissance démographique galopante accompagnée d'une immigration clandestine qui se retrouve dans des habitats informels.

« Depuis 2010, la construction de logements est en forte diminution alors que les demandes explosent, constate Marie-Laure Phinera-Horth, sénatrice de la Guyane, ancienne maire de Cayenne. Plus de 10.000 logements sont répertoriés insalubres, 83% de la population est éligible au logement social qui ne représente pourtant que 12% du parc locatif. C'est dire l'étroitesse du marché. »

La Guyane rencontre également une autre problématique : les coûts des matériaux de construction qui peuvent être multipliés par quatre du fait de l'enclavement de certaines communes : « Les matériaux entrant dans la construction de logements sociaux devraient être reconnus comme des produits de première nécessité. Il faut aussi penser aux risques de submersion induisant des déménagements. J'invite l'Etat à investir plus de moyens pour nous accompagner ».

Au Pouliguen (Loire-Atlantique), le prix moyen du m2  a atteint les 8.000 euros et la commune a limité à 8% le nombre de logements locatifs.

« Nous menons une stratégie foncière de veille et d'optimisation, assure Norbert Samama, maire du Pouliguen, vice-président de la Communauté d'agglomération de la Presqu'île de Guérande-Atlantique. Nous venons ainsi de lancer une vingtaine de logements sociaux inclusifs, et menons deux opérations expérimentales pour surélever des collectifs en respectant le gabarit et l'environnement. Mais nos initiatives sont limitées car en droit de préemption, nous sommes toujours à la limite du contentieux. Avec la relocalisation de l'habitat en raison recul du trait de côte, il faut une vraie vision écosystémique. »