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[Sécheresse] une transhumance inédite sur une île

« Il n’y a que toi qui es assez fou pour amener des vaches sur une île ». C’est avec ces mots que l’entourage de Nicolas Fauré-Roux décrit le projet qu’a mené cet éleveur girondin de trois cents bovins en race limousine. Après cinq années « d’horreur » durant lesquelles sa ferme a brûlé et la sécheresse a réduit ses stocks de fourrage, ce fils d’agriculteurs a organisé la transhumance d’une partie de son troupeau sur un îlot. Une première en son genre.

« Je devais trouver une solution pour sauver mes bêtes »

« La transhumance sur des îles se faisait autrefois, mais aujourd’hui c’est vraiment rare », introduit Nicolas Fauré-Roux, installé depuis 1998 sur l’exploitation familiale à Saint-Germain-d’Esteuil, en Gironde. Une famille d’agriculteurs qui a subi de nombreux revers depuis dix ans.

Après l’incendie de leur ferme en 2014, la perte de quatre-vingts hectares de prairies de marais en 2021, la sécheresse l’année suivante a réduit à un tiers le total de leur fourrage. « Je devais trouver une solution pour sauver mes bêtes, rembobine l’éleveur. Et ma façon de m’adapter a été de chercher des territoires plus humides. »

C’est à l’été dernier, en 2022, qu’un appel à candidature de la Fédération nationale des chasseurs et du Conservatoire du littoral de Gironde, proposait des terres en pâturage sur un îlot de l’Estuaire. Celui de Macau. « C’était une opportunité intéressante. On a candidaté, j’ai été reçu et j’ai été sélectionné, se rappelle Nicolas Fauré-Roux. Et après on se retrouve un peu bête, car comment on y va ? Comment on fait ? »

© Google Maps - C'est à une trentaine de kilomètres de son exploitation que l'éleveur Nicolas Fauré-Roux a emmené ses limousines en transhumance.

Cinq mille euros de travaux pour aménager l’îlot de Macau

Il aura fallu un mois de travaux pour installer les quarante-six génisses de l’éleveur sur l’îlot. Katia Perrin Cluzant, chargée de mission au Conservatoire du littoral de Gironde raconte. « Le terrain de trente-six hectares a dû être défraîchi, avec la création d’un enclos, d’un chemin de circulation et d’un parc à contention. L’itinéraire a été ouvert pour que ses vaches aient accès à des bosquets, à la nourriture et une mare a été aménagée. Le taux de salinité de l’eau a également été analysé. »

Au total, cinq mille euros auront été nécessaires pour l’aménagement de la parcelle. Le Conservatoire du littoral de Gironde et la Fédération nationale de chasseurs ont cofinancé les travaux et le transport du bétail jusqu’au quai assuré par trois bétaillères.

Pour traverser l’estuaire en bateau, l’éleveur a investi trois cents euros et il paiera mille deux cents euros de loyer annuel au Conservatoire, propriétaire des terres. Et ce, pendant six ans, renouvelables six ans.

Une pratique inédite qui pourrait s’étendre

« Il y a un vrai investissement de chacun, souligne Nicolas Fauré-Roux. Ça me touche. C’est une responsabilité importante pour moi car ils y ont mis de l’argent. Ils ont vraiment envie de voir ce milieu se rouvrir à la biodiversité. » Car l’idée de cette transhumance insolite, qui a débuté le 15 avril 2023 et qui finira à la mi-octobre, est aussi de remettre le pâturage au cœur de cet îlot.

« C’est le moyen le plus écologique, le plus raisonné et le plus vertueux, pour maintenir une diversité intéressante face aux enjeux de submersion de l’île, avec des coûts de gestion raisonnables », détaille Katia Perrin Cluzant.

Contacté, le Conservatoire du littoral de Bretagne ne pratique pas de transhumance, « au sens littéral du terme » sur des îlots. C’est donc une expérience unique pour le territoire girondin, qui pourrait être généralisée sur l’estuaire de la Gironde. « Il y a une potentialité sur la grande île avec cent à cent cinquante hectares, envisage Katia Perrin Cluzant. Une autre idée également serait que Nicolas Fauré-Roux puisse s’étendre, pourquoi pas avec un fourrage. »

De son côté, l’éleveur attend de cette aventure que ses animaux soient bien et qu’ils aient les performances techniques qu’ils n’avaient pas sur son exploitation. « Il y a une grande attente envers nous, insiste-t-il. Mais on va réussir, je n’ai pas d’inquiétude. On va apprendre à travailler ensemble. »

Oriane Dieulot