France
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« Si ce conflit dure encore, nombre de restaurateurs et hôteliers vont mettre la clef sous la porte » Thierry Marx, UMIH

En fin d'année dernière, le chef étoilé Thierry Marx a pris les rennes du puissant syndicat patronal de la restauration et de l'hôtellerie, l'UMIH. Alors que se tient, ce mardi 28 mars, à l'appel de l'intersyndicale, la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, avec plus de 150 cortèges organisés partout en France, le dirigeant alerte sur la situation du secteur.

Ces tensions sociales, les heurts entre les manifestants et la police, les violences, les grèves à répétition, les poubelles non ramassées pèsent sur l'activité des restaurateurs et des hôteliers... Et cela pèse d'autant plus qu'elles viennent après plusieurs crises, celle du Covid, de l'énergie, de l'augmentation des coûts du fait de l'inflation. Thierry Marx exprime sa vive inquiétude.

LA TRIBUNE - Ce mardi se tient la dixième journée d'action avec des manifestations... Comment votre profession aborde-t-elle cette mobilisation ?

THIERRY MARX - Les restaurateurs et hôteliers qui sont sur les parcours des cortèges baissent le rideau pour la plupart. Ils craignent des violences, du vandalisme, en marge de ces défilés. Cela signifie donc pour eux, une perte sèche non compensée. À Paris, notamment entre République et Nation, les commerçants n'en peuvent plus, car ils sont dans les zones où la plupart des mobilisations s'enchaînent.

Mais ils ne sont pas les seuls. Dans les rues attenantes, il y a souvent des heurts et, là aussi, ce sont des pertes importantes, avec des dégradations. Sans compter les mobilisations spontanées, le soir, dans la capitale... Cela entraîne des annulations en cascade.

Mais Paris n'est pas la seule ville très affectée par ce mouvement social. J'ai des remontées des collègues restaurateurs et hôteliers de partout. À Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille, Nice... ils se désolent de voir leur chiffre d'affaires réduits comme peau de chagrin car ils ont moins de clients. Certains travaillent à perte.

N'est-ce pas aussi à cause de l'inflation ?

Avec la hausse du coût de la vie, oui, les gens font peut-être plus attention. Mais l'ambiance joue beaucoup. Les clients nous disent qu'ils évitent de sortir, par peur d'être mêlés à ces débordements, parce qu'ils n'ont pas envie de circuler au milieu d'amas de poubelles. Ils n'ont pas la tête à aller au restaurant, dans les cafés, à se détendre, etc. Ces dernières semaines, on est grosso modo entre 40% et 50% de baisse de fréquentation, en fonction des territoires.

Cette crise tombe très mal après des années déjà très difficiles pour le secteur.

Nous avons connu le Covid. Les restaurateurs et hôteliers ont été fermés, ont connu les couvre-feux... Ensuite, nous avons subi la crise de l'énergie, avec des prix qui ont flambé. Ce n'est pas totalement terminé d'ailleurs... La hausse des prix des matières premières aussi, avec l'inflation...

Sans oublier, enfin, que nous avons fait le choix d'augmenter de plus de 16% nos salariés... Il faut arriver à suivre ! Car ça fait beaucoup pour des entreprises qui sont pour la plupart de petits établissements. Le résultat ? Des problèmes de trésorerie en hausse, des établissements qui ne s'en sortent plus. Et les banques sont toujours frileuses à faire des rallonges... surtout quand les taux d'intérêt remontent.

Est-ce que vous lancez un appel au gouvernement ?

Nous n'avons pas vocation à demander des remises, des aides, des ristournes... Non, ce que nous voulons, en tant qu'entrepreneurs, c'est pouvoir travailler en toute quiétude et sécurité, dans le calme... Nous espérons qu'il va y avoir négociation pour que ce conflit s'arrête. Nous ne voulons pas faire de politique, mais cette situation a assez duré.

Est-ce que vous craignez pour l'image de la France ?

Évidemment car, comme toujours, on passe pour les Gaulois réfractaires. Mes amis et collègues de l'étranger m'envoient des messages ahuris, en voyant les poubelles brûler, les policiers dans les rues, et me demandent inquiets : « Tout va bien ? C'est l'insurrection à Paris ?  »

Le prince Charles a annulé sa venue... des événements sont repoussés. Ce sont de mauvais signaux envoyés à l'international.

Pour l'instant, les professionnels du tourisme n'ont pas encore dégradé notre note.

Mais lors de la crise des Gilets Jaunes, je rappelle que de nombreuses agences de tourisme l'avaient abaissée dans les présentations de la destination France. Nous étions alors présentés comme une destination dangereuse, peu fiable. Il ne faudrait pas que cela se renouvelle.

Or, si le conflit social dure encore quelques jours, et se tend encore... c'est ce qu'il se passera. Et ce sera encore de l'activité en moins. Et, on le sait, être dégradé prend quelques jours, remonter dans les classements, prend, en revanche, plusieurs mois.

Propos recueillis par Fanny Guinochet