France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

« Sida : le patient zéro », sur Histoire TV : quand l’épidémie cherchait son bouc émissaire

Le bouleversant documentaire de Laurie Lynd réhabilite la mémoire d’un steward mort du VIH en 1984, accusé à tort d’avoir introduit le virus aux Etats-Unis.

HISTOIRE TV – JEUDI 1ER DÉCEMBRE À 21 H 40 – DOCUMENTAIRE

Le Covid-19 vient à point nommé de rappeler que toute pandémie est indissociable de la recherche frénétique, et le plus souvent irrationnelle, d’un coupable. Au début des années 1980, alors que le sida commence à tuer massivement, le coupable idéal a les traits juvéniles et rieurs d’un steward d’Air Canada nommé Gaëtan Dugas, mort du sida en 1984.

Le formidable documentaire que Laurie Lynd consacre à cet homme s’attache moins à prouver qu’il n’a jamais été le patient zéro du VIH – il fut désigné comme tel à la suite d’une erreur de lecture, il était en fait le « patient 57 » au sein d’une étude de groupe – qu’à réhabiliter la mémoire d’un homme et celle d’une époque de recul sans précédent des droits et des libertés des homosexuels.

Pour ce faire, Laurie Lynd a réuni des témoins de premier ordre : aux souvenirs des collègues et amis de Gaëtan s’entremêlent les interventions de médecins, d’infectiologues, de spécialistes du sida, ainsi que les éclairages d’activistes, d’écrivains, de journalistes et d’autres figures importantes de la lutte pour les droits LGBT.

Agressions homophobes

Cette abondance de points de vue compte pour beaucoup dans la richesse de ce film d’une heure et demie, à la fois documenté et profondément émouvant, qui ancre l’histoire de Dugas dans celle de l’Amérique des années 1970, « âge d’or » pour la communauté homosexuelle, avant le brutal retournement des années 1980.

Gaëtan est un gay assumé, « flamboyant », disent ses amis, à une époque où cela est encore rare, même dans cette branche professionnelle, où être homosexuel pose notoirement moins de problèmes qu’ailleurs. Jeune, mobile, il s’amuse, fait la fête, après trop d’années passées dans le placard. Le disco bat son plein, les boîtes de nuit poussent comme des champignons à New York, Toronto, San Francisco… « Ça ne pouvait que mal finir », se désole un ancien membre de l’ONG AIDS.

Au début de la décennie suivante apparaissent des taches sur les corps, des pneumopathies étranges. La fête continue, car personne ne sait encore avec certitude que ce qui est qualifié de « cancer gay » est sexuellement transmissible. Le nombre d’agressions homophobes explose. La propagande menée par les ligues de vertu est d’une violence inouïe. « C’était comme si on disait aux Noirs de retourner à l’arrière du bus », dit le dermatologue et activiste Marcus Conant, reprenant les mots de Willie Brown, premier maire noir de San Francisco.

Laurie Lynd opère un remarquable travail de mémoire, elle fait également œuvre de pédagogie en rappelant pourquoi le journaliste Randy Shilts (1951-1994) choisit, en 1987, de publier le nom du steward, persuadé que « tant qu’il n’y a pas de nom, tout le monde s’en fiche ».

« Blanchi » définitivement en 2016, Gaëtan Dugas est redevenu, trente-deux ans après sa mort, un patient parmi d’autres.

Sida : le patient zéro, de Laurie Lynd (Can., 2019, 95 min).

Audrey Fournier

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

Découvrir les offres multicomptes
  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.