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SNCF : la galère des entreprises qui veulent rester en région

Il n'y a pas beaucoup d'entreprises du CAC 40, les quarante plus grosses valeurs de la Bourse de Paris, qui ont leur siège social loin de la capitale. C'est même très simple, il y en a deux : Michelin, à Clermont-Ferrand, et Legrand, à Limoges. Et figurez-vous que leurs actuels numéros 1 respectifs – Florent Menegaux pour le spécialiste du pneumatique et Benoît Coquart pour le leader des installations électriques – vivent, par choix, sur les terres de leur groupe.

Parfois, leur quotidien de grands patrons leur impose de passer une tête par la Ville Lumière : aller voir leurs salariés parisiens, leurs investisseurs, ou encore y prendre un avion pour l'étranger. De nombreux membres de leurs équipes font comme eux. Chez Legrand par exemple, une dizaine de salariés se rendent à Paris chaque semaine pour des raisons professionnelles.

Jusqu'au 20 novembre, tout se passait plus ou moins bien dans leur vie de pendulaires. Ils pouvaient réaliser l'aller-retour entre Limoges et Paris dans la journée. Sauf que leur fidèle alliée, la SNCF, leur a joué un mauvais tour, et a supprimé leur train préféré : celui de 7 heures. Avec cet Intercités – le numéro 3624 –, les Legrand pouvaient rejoindre, depuis Limoges, la gare de Paris-Austerlitz en trois heures et quinze minutes.

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Se replier sur le train de 6 heures ? Plus possible pour eux. Il a été avancé d'une demi-heure, à 5 h 34, pour un trajet de trois heures et quarante-cinq minutes. Pour espérer arriver vers 10 heures à Paris, il y a bien une option : partir à 6 heures, et passer par Poitiers. L'arrivée est annoncée à Montparnasse à 10 h 01. Quatre heures de route.

Et dire que, jusqu'à la fin des années 1980, avec le train dénommé Capitole, Limoges était à 2 h 54 de la capitale… Et l'avion ? Pour l'heure et jusqu'à mi-décembre, aucun appareil ne décolle ou n'atterrit à Limoges, à cause des travaux sur les pistes du petit aéroport… « Ce n'est pas très écologique, ni même très tendance ! » nous rétorque-t-on chez Legrand.

« Impact négatif » sur l'activité

C'est peu dire que chez Legrand, premier employeur privé de la Haute-Vienne (1 000 salariés au siège de Limoges), on est agacés par la situation sur les rails. Chose rare, son directeur général, le discret Benoît Coquart, s'est fendu, le 28 novembre, d'un courrier à son homologue de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, adressant des copies aux élus locaux. La missive a fuité.

On peut y lire sa « surprise » et son « exaspération » face à des modifications horaires « sans information préalable et sans concertation ». Il fustige également « le manque criant d'infrastructures pénalisant le rayonnement du territoire et par conséquent de Legrand, ainsi que son attractivité. » Ces changements « s'ajoutent aux nombreux retards et annulations » sur la ligne Limoges-Paris, qui ont un « impact négatif » sur son activité.

Benoît Coquart ne s'arrête pas là. Il s'interroge sur l'intérêt à localiser sur Limoges ses équipes alors que le groupe est en train de réaménager ses locaux franciliens. Contactée par Le Point, l'entreprise jure vouloir rester dans son fief, où elle est implantée depuis 1875, et souhaite plutôt « mettre la lumière sur une situation qui ne cesse de se détériorer. »

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Selon la SNCF, ces mesures ont été « prises pour sécuriser les trains durant la période du givre » et seront appliquées « seulement trois mois, jusqu'au 15 mars 2023 ». Concrètement, jusqu'à cette date-là, l'entreprise ferroviaire doit faire passer un train dit « racleur » chaque jour pour enlever le potentiel givre. Ce qui explique, d'après elle, la suppression du train de 7 heures. À cause de travaux de modernisation sur cette ligne la nuit, la SNCF assure ne pas avoir beaucoup de flexibilité horaire pour faire passer ce train.

« Il s'agit d'une fausse polémique, nous indique SNCF Voyageurs. Legrand est un client majeur et privilégié. Nous parlons régulièrement avec eux, et nous l'avions averti des aménagements horaires. Nous comprenons surtout qu'ils veulent lancer un débat sur le désenclavement de Limoges et la qualité de la desserte. »

Face à la polémique, la préfecture de la Haute-Vienne a décidé d'organiser une réunion, lundi 12 décembre, où les protagonistes sont conviés. L'État est en effet l'autorité organisatrice de cette ligne, considérée comme relevant de l'aménagement du territoire.

Michelin aussi est mécontent. En mars dernier, le numéro 1 du spécialiste des pneumatiques, Florent Menegaux, avait publié une tribune, aux côtés du président de Limagrain, Sébastien Vidal. Les dirigeants de ces entreprises basées à Clermont-Ferrand pointaient également les problèmes de régularité, de fiabilité des trains reliant leur ville et la capitale, ainsi que les temps de trajet. Ils écrivaient notamment : « Comment justifier auprès d'eux (nos partenaires) le maintien du siège de multinationales dans une métropole si mal reliée à la capitale économique et politique ? » La durée des trajets, proposés par le site Internet de la SNCF, varie entre 3 h 11 et 5 h 50.