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Sobriété énergétique : A quelles conditions le télétravail peut-il être un levier pour faire des économies d’énergie ?

C’est l’une des quinze mesures phares du plan de sobriété que présentait ce jeudi le gouvernement en vue de réduire de 10 % nos consommations d’énergie d’ici deux ans (par rapport à 2019). Entre décaler de quinze jours le début et la fin de la période de chauffe, rappeler que 19°C est la température maximale de chauffe dans les bureaux ou réduire les temps d’éclairage avant et après les compétitions sportives professionnelles, l’exécutif veut aussi inciter au télétravail.

Au moins dans la fonction publique, où il s’agit d’être exemplaire. Le plan prévoit ainsi que les agents bénéficieront d’une augmentation de l’indemnité forfaitaire de télétravail à hauteur de 15 % afin de couvrir l’augmentation des prix de l’énergie à partir de début 2023. Les entreprises, elles, sont invitées à « prévoir une organisation en télétravail pour les situations d’urgence, en cas de tension particulière sur le réseau ».

Des économies certaines sur les carburants

Cela suppose donc que le télétravail permette effectivement des économies d’énergie. « On est certain que lorsqu’on télétravaille, on économise du carburant », assurait Agnès Pannier-Runacher, au micro de RTL ce jeudi matin. Et si on ne devrait pas en manquer cet hiver, la ministre de la transition énergétique rappelle que ce plan de sobriété s’inscrit dans une logique aussi climatique.

Dans une étude d’octobre 2020, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) notait bien cet effet globalement positif du télétravail sur les émissions de CO2 liés au transport, en évitant tout simplement des liaisons domicile-travail. Elle évaluait ainsi, en moyenne, à 271 kg équivalent CO2 (eqCO2), par an et par jour de télétravail, tout en soulignant des effets collatéraux négatifs. Par exemple, le fait d’effectuer des déplacements en voiture pour faire du shopping ou aller au sport après le boulot.

Pas gagné d’avance sur le gaz et l’électricité…

Voilà pour les carburants. Mais c’est bien plus l’électricité et le gaz qui pourraient être soumis à de fortes tensions cet hiver. Or, sur ces deux énergies, l’effet du télétravail est nettement plus aléatoire, au point même que Stéphane Chatelin, directeur de négaWatt, association spécialiste de l’énergie, se dise un peu surpris de la présence de ce levier dans les mesures phares de ce plan sobriété. « Nous sommes favorables à la mise en place du télétravail, mais nous ne voyons pas très bien, à court terme, pour cet hiver, les gains qu’on peut en attendre », précise-t-il. Le risque est même d’avoir un effet inverse sur le chauffage. « Ce sera le cas si les personnes qui avaient pris le réflexe de le baisser voire de l’éteindre à leur domicile, lorsqu’ils n’y étaient pas, le rallument les jours de télétravail et, qu’en parallèle, leurs bureaux restent chauffés, ne serait-ce parce qu’une partie de leurs collègues s’y trouvent », reprend Stéphane Chatelin.

Or, c’est le cas de figure classique aujourd’hui encore, craint-on à négaWatt. « Nous ne sommes pas très bons en France sur le pilotage des équipements électriques en fonctionnement, observer son directeur. Nous le voyons à travers les campagnes de mesures que nous réalisons : un bâtiment tertiaire classique consomme davantage, sur l’année, en période d’inoccupation qu’en période d’occupation. Cela s’explique en partie par le fait qu’un certain nombre d’équipements* sont laissés en fonctionnement 24h sur 24, 365 jours sur 365. »

L’impératif d’organiser le télétravail

Toujours au micro de RTL, Agnès Pannier-Runacher reconnaissait bien que les économies de chauffage n’étaient pas automatiques avec le télétravail. Et dans son plan sobriété, le gouvernement insiste aussi, notamment dans la fonction publique, sur la nécessité de l’organiser « afin d’optimiser l’usage des bâtiments ». « On a vu avec la crise sanitaire à quelle vitesse le télétravail a pu être mis en place dans un grand nombre d’administrations et d’entreprises, sans préparation, rappelle Stéphane Chatelin. Avec le recul que nous avons aujourd’hui, nous pourrions très bien imaginer l’instauration d’un jour télétravaillé le vendredi, par exemple. Cela permettrait d’éteindre le chauffage dès le jeudi soir pour le rallumer que le lundi matin. Ce ne serait pas rien. »

Ce plan sobriété n’ira pas jusqu’à l’imposer. Ce n’en est pas l’esprit : « On est dans une logique de sobriété choisie pour éviter des mesures plus contraignantes », cadrait-on d’emblée à Matignon. Autrement dit : pas de réglementation, pas de mesures coercitives, mais juste des incitations à être plus sobre. Ça vaut aussi pour le télétravail dans la fonction publique. « Les administrations l’organiseront elles-mêmes, service par service, en fonction de leurs particularités », dit-on dans l’entourage de Stanislas Guérini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Une expérimentation est d’ores et déjà prévue, à la Toussaint, avec la fermeture, durant quatre jours du 29 octobre au 1er novembre inclus, de quatre sites des ministères de la Transition écologique et de la Transition énergétique. Rien d’autre à ce jour.

Une première étape ce jeudi

De quoi laisser Stéphane Chatelin sur sa faim. « C’est la limite du plan dans son ensemble : le seul volontariat ne suffira pas à nous mettre sur le chemin de la sobriété** », considère le directeur de négaWatt sans pour autant balayer d’un revers de la main ce plan de sobriété. « Il est intéressant notamment par les mesures que prend l’État pour se montrer l’exemplaire, fait-il remarquer. C’est une première étape importante pour embarquer toute la société vers plus de sobriété ». C’est aussi l’espoir de Gilles Aymoz, directeur adjoint villes et territoires durables à l’Ademe : « Ce qui est très intéressant aujourd’hui est la mobilisation autour de ce sujet de la sobriété », souligne-t-il.

La suite, c’est-à-dire la mise en pratique de ces mesures de sobriété, pourrait aller très vite. Y compris sur cet enjeu d’avoir un télétravail organisé pour permettre de fermer des bureaux. « L’envolée actuelle des prix de l’énergie, qui pèse sur les comptes des entreprises comme des administrations, font que les gestionnaires de bâtiments se penchent d’eux-mêmes sur cette question, glisse Gilles Aymoz. L’enjeu, à l’écouter, sera plus de faire perdurer ces réflexes « sobriété » après la crise. « Car ce qui est lancé aujourd’hui est aussi extrêmement pertinent dans l’optique de la transition écologique », rappelle-t-il, lui, comme Agnès Pannier-Runacher, plus tôt dans la journée.