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Sobriété énergétique : les premiers ratés en Europe donnent des sueurs froides pour l’hiver

Comme un symbole de la stratégie déployée en urgence par le gouvernement. Après le ministre de l'Économie Bruno Le Maire la semaine dernière, le président Emmanuel Macron s'est affiché à son tour en col roulé ce lundi, afin de porter un message clair : les Français devront moins se chauffer cet hiver afin d'économiser de l'énergie, dont l'approvisionnement est mis à mal avec la guerre en Ukraine.

Une « sobriété » qui doit être enclenchée « dès maintenant » afin d'éviter les coupures lors des prochains mois, avait d'ailleurs pressé mi-septembre le gestionnaire du réseau gazier GRTgaz. « Le message à retenir [...], c'est que ce n'est pas au moment de la pointe qu'il faut réduire le chauffage ; c'est tout le temps », avait insisté son directeur général, Thierry Trouvé, lors de la présentation des perspectives pour l'hiver. Autant de messages censés encourager les citoyens à baisser le thermostat, au moment même où l'Europe n'a d'autre choix que de se passer de ses livraisons massives en gaz russe.

En Allemagne, particuliers et petites entreprises ont consommé 14,5% de plus que la normale

Et pourtant, ce message ne semble pas avoir résisté à la première vague de froid qui a saisi le continent. Car, alors que les températures moyennes dans le nord-ouest de l'Europe sont tombées en-dessous de la moyenne sur trente ans la semaine dernière, la demande de gaz est, elle, montée en flèche. En France, selon les données de GRTgaz, la consommation totale a ainsi dépassé les 800 GWh dès le 26 septembre, avant de frôler les 1.000 GWh le 28 septembre. Soit bien plus que les données enregistrées sur la même période l'année dernière, puisque la demande n'avait pas franchi la barre des 800 GWh par jour.

Surtout, en Allemagne, où la consommation s'avérait jusqu'à la mi-septembre inférieure à la moyenne des années précédentes, la tendance s'est inversée. La demande de gaz des ménages et des petites entreprises a en effet bondi, pour atteindre 14,5 points de plus que la valeur moyenne entre 2018 et 2021, selon l'Agence fédérale des réseaux. « Une analyse des données montre que les ménages privés consomment actuellement encore plus gaz que les années précédentes », relevait ainsi mercredi le journal allemand Der Spiegel.

« Les chiffres de cette semaine donnent donc à réfléchir. [...] Il faut aussi faire des économies quand les températures continuent de baisser, et ce n'est pas un succès infaillible », a réagi jeudi Klaus Müller, président de l'Agence fédérale des réseaux, dans un communiqué intitulé « La consommation de gaz des ménages augmente trop en ce moment ».

Autrement dit, après ce premier test non concluant, « le gaz doit être économisé même s'il fait encore plus froid cet hiver », selon le gestionnaire du réseau allemand, qui appelle à des « efforts d'austérité soutenus ».

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Baisser de 1°C dès le mois de novembre

De fait, la situation est telle que la Commission européenne a suggéré une réduction de la demande de 10% à 15% en moyenne sur le Vieux Continent par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Et l'Allemagne, qui dans le passé comptait beaucoup sur le gaz russe, devra réduire jusqu'à 20% sa consommation. Le but : économiser quelque 45 milliards de mètres cubes de gaz, une quantité équivalente à ce qu'il viendrait à manquer si la Russie coupait totalement les flux et dans le cas d'un hiver particulièrement froid.

Dans son rapport trimestriel publié lundi, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime d'ailleurs que les mesures d'économie de gaz en Europe seront « cruciales » cet hiver pour maintenir les stocks à des niveaux suffisants en cas de coupure totale du gaz russe et de « vague de froid tardive », puisque l'approvisionnement en gaz naturel liquéfié ne suffira pas à satisfaire une demande élevée.

Dans l'Hexagone, en cas d'hiver très froid, comme ce fu t le cas en 2010-2011, l'équivalent de presque 5% de la consommation totale sur la saison ne pourrait d'ailleurs pas être pourvu, avec un déficit de 16,2 térawattheures (TWh), selon les dernières estimations de GRTgaz. Soit à peu près autant que ce que les Français pourraient économiser s'ils baissaient de 1°C leur chauffage dès le mois de novembre (17 TWh), a expliqué mi-septembre le gestionnaire du réseau.

La part du gaz dans la production d'électricité a beaucoup augmenté

Pour trouver les ressources nécessaires, il faudra aussi passer par une réduction de la consommation électrique. Car les hydrocarbures participent largement à la production d'électrons, notamment cette année : sur les huit premiers mois de 2022, la quantité de gaz utilisé pour générer du courant a doublé par rapport à la même période en 2021, notamment à cause des déboires actuels du parc nucléaire d'EDF. « Le parc électrique a donc absolument besoin des centrales à gaz pour gérer son équilibre », fait-on valoir chez GRTgaz. C'est d'ailleurs en partie pour cela que la consommation de gaz est bien plus élevée cette année par rapport à l'an dernier.

« On pourrait considérer qu'on n'est pas concerné par le remplissage des stocks de gaz, car on se chauffe à l'électricité, mais c'est une erreur. [...] Dès qu'on économise de l'électricité, on économise du gaz pour produire cette électricité », a affirmé mi-septembre Thierry Trouvé.

Haro sur le radiateur électrique mobile

Ce n'est pas tout : un Français équipé d'un radiateur électrique pourrait même consommer plus de gaz à la pointe que s'il disposait d'une chaudière thermique. Et pour cause, cette dernière demande deux fois moins de molécules de gaz qu'un convecteur électrique pour fournir la même quantité d'énergie, étant donné que le processus de conversion en amont, réalisé dans les centrales électriques, induit une perte de rendement.

« La pire des choses à faire pour économiser le gaz serait donc de s'équiper de radiateur électrique mobile ! Cela augmente la pointe électrique, mais aussi la consommation de gaz, avec deux fois plus de quantité demandée en marginal [quand les autres moyens de production d'électrons, du nucléaire au renouvelable, sont insuffisants pour répondre à la demande, Ndlr] », selon la directeur GRTgaz.

Dans cette situation pour le moins tendue, l'Europe devra donc parvenir à trouver l'équilibre entre sobriété et rationnement, économies d'énergie et destruction de la demande, alors même que la hausse des prix risque d'aggraver la précarité énergétique de certains ménages, et pousse déjà à l'arrêt des chaînes de productions industrielles cruciales pour l'économie du Vieux Continent.

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