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Sobriété : Faut-il manger des fruits et des légumes de saison pour limiter la consommation d’énergie ?

Des conseils pour faire preuve de sobriété énergétique, on en mange depuis le début de l’été et plus mois les mois refroidissent, plus on est servi : ne pas faire chauffer les quatre plaques de la cuisine en même temps, débrancher le wifi avant de partir en week-end, ne pas allumer la télévision si on ne la regarde pas ou ne pas monter le chauffage à plus de 19 degrés.

La sobriété pourrait aussi se jouer dans l’assiette, tout simplement en mangeant de saison. Si les Français n’avalaient que des brocolis ou des patates l’hiver et délaissaient un peu les salades et les tomates, le pays dépenserait moins d’électricité et de gaz. « 90 % de la production française de tomates et de concombres provient des serres chauffées et 60 % de la production de fraise », informe Laurent Grandin, président de l’Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel).

Forte consommation

Des serres plutôt énergivores. D’après l’étude « Utilisation rationnelle de l’énergie dans les serres » (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), pour le maraîchage, l’énergie représente en moyenne 22 % des charges de production directes des exploitations de cultures sous serres chauffées, contre 11 % en horticulture.

Le gaz est utilisé comme combustible principal sur 77 % des surfaces de serres. Pour les bananes, deuxième fruit le plus consommé en France, et autres (poire, kiwi, avocat), les « mûrisseurs (qui ont en charge de faire mûrir les fruits exportés) utilisent l’électricité : « Pour le transport, la banane est maintenue à 11-12 degrés. Une fois sur place, elle nécessite d’être mûri pour transformer sa pulpe, d’amidon en sucre », renseigne Laurent Grandin.

Le changement de saison, c’est maintenant ?

Ça ne surprendra personne, quand on a besoin de chauffer la température ou de faire mûrir une banane, on consomme plus d’énergie. De quoi faire changer les comportements vers plus d’écoresponsabilité ? Une bonne chose selon Marie-Eve Laporte, enseignante-chercheuse à l’IAE Paris-Sorbonne et spécialiste du comportement alimentaire : « Au-delà des considérations écologiques, en mangeant de saison, on diversifie son alimentation, ce qui est important. Les fruits et légumes de saison ont également plus de vitamines et d’apports nutritionnels. »

La tendance n’a pas attendu la guerre en Ukraine pour apparaître, poursuit la spécialiste : « Il y a quinze ans, personne ne s’émouvait de manger des cerises en hiver. Il y a une prise de conscience depuis plusieurs années sur le sujet et une attention portée à nouveau aux saisons. » Ça n’a pas échappé à Thomas, vendeur chez Biocoop à Paris 9e : « Il y a une vraie attente sur le local et les produits de saisons et on en joue en faisant découvrir de nouveaux fruits et légumes. Les fraises, c’est sympa, mais toute l’année, ça finit par lasser. »

Des produits en danger

La crise de l’énergie pourrait accélérer le mouvement. « L’extrême-sensibilité de ces exploitations chauffées face au prix de l’énergie entraîne ou va entraîner une forte montée de leur facture. Les agriculteurs n’auront pas nécessairement la possibilité d’augmenter leur prix sans faire fuir une partie des consommateurs, avec un risque sur le volume de production », indique Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine. Car l’expert prévient, en période de double crise économique et écologique, les consommateurs seront très vigilants au prix des produits hors saison.

Selon Laurent Grandin, le prix de la facture - de gaz ou d’électricité - pourrait être multiplié jusqu’à 10 fois. Dès lors, manger de saison pourrait s’imposer, moins par un changement de mentalité que par la réalité de la facture. Constat encore plus sombre chez Laurent Grandin :  « Sans aides de l’Etat, un quart des producteurs pourraient disparaître, faute de pouvoir payer leur facture d’énergie ».

Souveraineté ou écoresponsabilité ?

De quoi aller, à marche forcée, vers un monde où on mange des fraises uniquement en été et des potirons en hiver ? « Il faut se questionner sur le coût durable de l’alimentation. Et même au niveau du pouvoir d’achat, avec ou sans crise énergétique, manger de saison revient moins cher. On ne peut plus dire juste ''manger cinq fruits et légumes par jour'' sans se soucier des conséquences écologiques ou énergétiques », pointe Marie-Eve Laporte.

Constat un peu moins partagé par Laurent Grandin : « Les légumes et les fruits pour tous, c’est un enjeu de santé publique et de souveraineté alimentaire. Actuellement, la production française représente 50 % de la consommation du pays dans ce domaine. Il faut veiller à produire le plus possible en France. » S’il veut bien entendre les critiques sur des produits vraiment typiquement de saison, comme le melon ou les cerises par exemple, pour d’autres, la question lui semble plus complexe : « Si on se restreignait aux saisons, il y aurait un déficit colossal de fruits et légumes. Et les producteurs seraient en difficultés. »

Et pas certains que le consommateur valide, conclut-il : « La récolte de tomates peut s’étirer au maximum d’août à octobre. C’est bien, mais ça ne fait que trois mois - six avec les serres. Les Français sont-ils vraiment prêts à ne manger des tomates que pendant un quart de l’année ? J’en doute. » Thomas, de notre Biocoop, abonde : « Les gens achètent des champignons l’automne ou des marrons, c’est bien. Les bananes, de janvier à décembre, c’est le blockbuster indépassable. Les gens ont de plus en plus une conscience écologique et économique, mais il y a les petits plaisirs inévitables. »