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Squats : la navrante histoire de la Fédération française de triathlon

Alors que l'Assemblée nationale examine une proposition de loi visant à accélérer les expulsions de squatteurs, la Fédération française de triathlon (FFtri) ne dit mot, mais n'en pense pas moins. Pendant plus de quatre ans, en effet, ce qui devait être son siège social a été squatté.

Le bâtiment de 700 mètres carrés se trouve au 31, rue Marcel-Sembat, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Fin 2012, la FFTri l'achète à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), car elle se trouve à l'étroit dans ses locaux de la Plaine Saint-Denis. À peine l'acte de vente signé, la FFTri met des architectes au travail. Les travaux d'aménagement doivent commencer à la fin de l'été 2013. Ils ne débuteront jamais car, entre-temps, le 31, boulevard Marcel-Sembat a été squatté.

L'occupant illégal est particulièrement expérimenté. Il s'agit du collectif Attiéké (du nom d'un plat ivoirien), qui milite, pêle-mêle, contre la « rénovation urbaine imposée » de la Seine-Saint-Denis, contre « les profits des entreprises privées » et pour « la régularisation des sans-papiers ».

Lieux de culture alternative

L'Attiéké se revendique d'une tradition ancienne qui a sans doute connu son apogée à Berlin, des années 1970 aux années 1990. Des collectifs, parfois proches de la mouvance anarchiste, ont squatté des immeubles inoccupés pour en faire des lieux de culture alternative. Ils ont fait des émules partout, y compris en France.

Les pouvoirs publics les ont souvent ouvertement encouragés. À Paris, dans les années 2000, la mairie et le ministère de la Culture soutenaient La Générale à Belleville (19e arrondissement), ainsi que le Théâtre de Verre (10e) ou encore le squat Rivoli (1er).

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De la même manière, à Saint-Denis, la municipalité va laisser faire. « On s'est rapproché des élus locaux quand on a été squattés, mais ils n'ont jamais rien fait pour nous aider », déplore un cadre de la FFTri. Et pour cause : la ville y trouve son compte. Au fil des mois, l'Attiéké devient un centre communal d'action sociale bis, hébergeant des cours d'alphabétisation et de cuisine, des projections de film, des soirées apéro et un atelier de réparation de vélo.

Trêve hivernale

L'ensemble peut inspirer la sympathie, mais il a un coût, supporté par une petite fédération (25 salariés et 60 000 licenciés). Décidément à l'étroit dans ses locaux, la FFTri doit louer des salles pour ses réunions, tout en remboursant un emprunt et en payant les charges pour un bâtiment qu'elle ne peut pas occuper.

Bien entendu, elle a immédiatement introduit des recours pour expulser l'Attiéké. Elle est dans son droit. L'issue ne fait aucun doute. Elle va gagner, mais quand ? Les délais de procédure se comptent en mois, les appels sont suspensifs, il faut compter avec la trêve hivernale… Les squatteurs jouent la montre avec succès.

C'est seulement le 17 août 2017 que l'Attiéké est mis dehors. L'arrêté d'expulsion datait du 19 décembre 2016. Il a fallu huit mois pour le faire exécuter.

Des centaines de milliers d'euros perdus

Pour la FFtri, le pire reste à venir. Dans un communiqué, les animateurs du squat dionysien le décrivaient comme « une joyeuse brèche dans cette période ultra-réactionnaire et répressive ». Concrètement, « les squatteurs ont laissé derrière eux un bâtiment dans un état épouvantable, explique un cadre de la fédération. Il a fallu évacuer des tonnes d'immondices et remettre pratiquement les locaux à nu pour tout refaire ». Les reportages enthousiastes sur l'expérience d'autogestion de l'Attiéké ne montraient décidément pas tout.

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Le chantier est si considérable que la FFTri va renoncer à déménager. Le Covid-19 étant passé par là, elle a opté pour davantage de télétravail. Pour elle, l'addition de cette expérience amère se chiffre en centaines de milliers d'euros. Acheté 1,16 million d'euros en 2012, le 31, rue Marcel-Sembat a été revendu, cinq ans plus tard, pour 905 000 € seulement, après que son propriétaire a supporté, pendant plus de quatre années, des mensualités d'emprunt, des taxes foncières, des frais de gardiennage et des frais d'avocats.

Le tout a été indolore pour les licenciés qui ont payé l'addition, en dernière analyse : quelques euros par personne, pas davantage. Une entreprise privée aurait peut-être mis la clé sous la porte. L'expérience a toutefois laissé un goût amer à la FFtri. Elle est restée à la Plaine Saint-Denis, où elle est installée désormais… rue de la Justice.