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Surexposées aux violences sexuelles, les femmes handicapées victimes d’une «triple peine»

Une femme handicapée sur cinq a déjà été victime de viol (16 %). Une proportion presque deux fois supérieure à celle observée pour l’ensemble des femmes (9 %), selon les résultats d’une étude conduite par l’Ifop pour l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT), publiée en novembre 2022. Pour parvenir à ces résultats, venant compléter des statistiques officielles particulièrement lacunaires, 2 002 personnes en situation de handicap et 2 001 personnes représentatives de la population française dans son ensemble ont été interrogées. Le rapport de la Drees (les statistiques des ministères sanitaires et sociaux) daté de 2020 révèle de son côté que 1,9 % des personnes handicapées déclaraient avoir subi des violences sexuelles au cours des deux années précédant l’enquête, contre 0,8 % des personnes non handicapées. «Leur situation de vulnérabilité physique, psychologique et économique les expose davantage aux comportements de prédation», explique l’ADAPT dans cette étude. Plus fréquemment victimes que les valides, moins dépistées mais aussi moins crues, les femmes handicapées font face à une «triple peine», dénoncent d’une seule voix experts et associations.

Les femmes ayant un handicap mental, psychique ou cognitif présentent un risque encore accru d’être victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS), 33 % témoignent avoir été violées contre 9 % pour l’ensemble des femmes, valides et handicapées. 35 % ont également subi des violences conjugales. Marie Rabatel, présidente de l’Association de femmes autistes (AFFA), pointe un «déni» des violences subies, «sur le thème «Celle-là, personne n’a envie de la violer»». «Alors que l’agresseur est mû par une volonté de domination et profite justement de leur vulnérabilité, accrue par le handicap : en fauteuil roulant, vous aurez du mal à courir. Sourde, vous n’entendez pas la personne arriver», alerte-t-elle.

Selon l’AFFA, 88 % des femmes autistes ont été victimes de violences sexuelles. «Les autistes ont du mal à décoder l’intention dans les propos des autres et se mettent en danger. Si on leur propose de monter prendre un verre à 3 heures du matin, elles ne comprennent pas le sous-entendu», souligne Marie Rabatel.

De plus, une personne handicapée est «habituée à ce que d’autres touchent son corps sans son accord, pour l’habiller, pour des traitements, et décident parfois à sa place». «Dans le huis clos des institutions médico-sociales, il y a des prédateurs qui savent qu’ils y trouveront des personnes vulnérables», selon la présidente de l’association.

«Elle raconte n’importe quoi»

Les violences créent «des troubles du comportement ou une dissociation, comme si la personne était anesthésiée, déconnectée, amorphe», explique la psychiatre Muriel Salmona, spécialiste du psycho trauma. «Ces symptômes seront mis sur le compte du handicap. Ou on dira que la personne raconte n’importe quoi.» Or les violences accroissent le handicap et le risque d’exclusion, avec un fort impact sur la santé et la confiance en soi.

Si l’accueil des victimes par les forces de l’ordre est l’un des points noirs de la lutte contre les violences faites aux femmes en France, pousser la porte d’un commissariat et d’une gendarmerie s’avère une épreuve d’autant plus insurmontable pour celles en situation de handicap. «Les sourdes par exemple, on leur demande de trouver un interprète en langue des signes pour prendre leur plainte. On a même demandé à certaines de mimer leur viol», s’indigne Anne-Sarah Kertudo, fondatrice de Droit Pluriel, qui apporte un soutien juridique aux personnes handicapées. «On appelle le commissariat et le policier vous répond : «Madame, on ne va pas auditionner la victime, elle est handicapée !»», déplore également Faustine Lalle, directrice juridique de Droit Pluriel. Associations et professionnels demandent que policiers et gendarmes soient formés aux spécificités du handicap et dotés d’outils de communication adaptés.

Le plan quinquennal pour l’égalité entre les femmes et les hommes, détaillé à l’occasion du 8 mars par la Première ministre Elisabeth Borne, apporte un début de réponse à ces constats dressés depuis des années, avec par exemple la création d’outils de signalement adaptés remis aux personnes handicapées dès leur entrée dans une institution médico-sociale fermée (application numérique facile à lire et à comprendre, avec des pictogrammes), ou un accès facilité aux soins gynécologiques via l’intervention de sages-femmes dans les établissements médico-sociaux par le biais d’un dispositif, Handigynéco. Outre des soins gynécologiques, les soignantes animeront des ateliers de sensibilisation au consentement et à la vie affective et sexuelle. L’un des objectifs étant de détecter par ce biais des situations de violences.

Parmi la centaine de mesures de ce plan, figure également la volonté de «développer un module de formation à destination des aidants et des personnes en situation de handicap sur les VSS et la notion de consentement». Une initiative qui n’est pas sans rappeler le module d’autoformation en ligne lancé par plusieurs associations en octobre 2020, pour lequel l’association de Muriel Salmona et l’Affa ont notamment œuvré. La ministre chargée des Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, souhaite aussi la mise en place d’«une formation des policiers et gendarmes, dans l’Education nationale et dans le secteur médico-social pour détecter les signaux faibles, recueillir les témoignages, notamment des personnes non verbales».