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Surveillance des militants anti-bassines : un traceur GPS retrouvé sous le véhicule de Julien Le Guet

Une étape de plus a été franchie dans la surveillance des militants qui s’opposent à la construction des bassines dans les Deux-Sèvres. Julien Le Guet brandit le petit boîtier noir, de la taille d’une boîte d’allumettes. En vidéo conférence de presse ce vendredi, l’emblématique porte-parole du collectif Bassines non merci (BNM) assure qu’un traceur GPS, permettant de suivre tous ses déplacements, a été retrouvé sur son véhicule. C’est en amenant son camion, que l’on voit régulièrement sur les rassemblements anti-bassines, chez un garagiste pour une réparation que Julien Le Guet a découvert le dispositif. Le mécanicien l’a retrouvé sous l’essieu avant gauche de son véhicule. Le porte-parole, qui «commence à trouver insupportable ce type de méthode», a indiqué qu’il envisageait de porter plainte et s’est amusé à démonter le petit boîtier pendant la conférence, annonçant commencer une «collection».

Le dispositif de surveillance a vraisemblablement été déposé dans le cadre d’une procédure administrative. Le procureur de Niort, Julien Wattebled, qui confirme que «plusieurs enquêtes sont en cours sur les différents mouvements» liés a la contestation des bassines, certifie à Libération qu’«aucun GPS n’a en revanche été posé dans le cadre de ces enquêtes» judiciaires.

«Légalité» du dispositif

Interrogée, la préfecture des Deux-Sèvres confirme l’existence du traceur GPS, qu’elle justifie par les «antécédents de violences de BNM». «La loi ouvre la possibilité à certains services de police de mettre en place des dispositifs ciblés, notamment pour prévenir des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique. Cela ne peut se faire qu’avec des motivations très claires, sous le contrôle de l’autorité administrative indépendante qu’est la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)», précise la préfecture. Insistant sur la «légalité» du dispositif, elle poursuit : «Il est normal que les services de police utilisent l’ensemble des moyens légaux à leur disposition, soit dans le cadre d’enquête, soit en prévention d’autres mouvements violents annoncés.»

Pour Julien Le Guet, ce mouchard est un «nouveau témoignage de l’énergie accrue mise en œuvre par les services de police et de renseignement pour pister une personne qui s’oppose à des projets dits d’aménagement du territoire». La députée Nupes (EE-LV) de la Vienne voisine, Lisa Belluco, a pour sa part dénoncé «ces méthodes [et cette] situation où l’Etat et le gouvernement utilisent des moyens des services secrets pour surveiller des militants qui se battent pour que l’on puisse continuer à habiter sur cette planète». Evoquant la «dérive sécuritaire et autoritaire de ce gouvernement», elle a appelé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, «à s’expliquer sur ces surveillances et sur cette situation injustifiable et injustifiée» alors que, le même jour, des militants de Dijon indiquaient également avoir découvert deux dispositifs de vidéo surveillance, sans que la préfecture ne confirme pour l’heure en être à l’origine.

Ce n’est pas la première fois que Julien Le Guet découvre, par hasard, qu’il est suivi de près par les forces de l’ordre. En mars 2022, juste avant une manifestation d’ampleur surnommée «Le printemps maraîchin», des caméras de vidéo-surveillance avaient été retrouvées planquées devant le domicile de son père, où se tenaient des réunions de Bassines non merci. Il avait là aussi récupéré le dispositif, toujours en sa possession, d’où la «collection» évoquée ce vendredi. La préfecture des Deux-Sèvres avait finalement reconnu que ces caméras avaient été placées par la police nationale dans le cadre de la «sécurisation de la population». La préfecture avait par ailleurs assuré à l’automne à Libé qu’elle «ne décide pas et n’a pas à être tenue informée des techniques autorisées utilisées par les services de renseignements dans le cadre de leurs missions».

Les militants anti-bassines sont dans le viseur des autorités depuis un moment. Comme Libération l’avait raconté à l’occasion du procès des manifestants interpellés lors de la manifestation interdite de Sainte-Soline le 29 octobre, Julien Le Guet intéresse particulièrement les enquêteurs. Alors qu’une vingtaine de personnes ont été convoquées par la police dans le cadre d’auditions libres après leur participation à une manifestation début octobre, leur lien avec le porte-parole du collectif anti-bassines était souvent interrogé.

«Beaucoup» d’enquêtes

Si ces convocations se font dans le cadre d’auditions libres, le procureur de Niort avait reconnu qu’il y avait «beaucoup» d’enquêtes autour de ces réserves d’eau devenues un symbole de la lutte contre le changement climatique et l’agriculture intensive. Depuis la manifestation du 22 septembre 2021, au cours de laquelle des engins de chantiers avaient été détruits, c’est la section de recherches (SR) de la gendarmerie de Poitiers qui est chargée de toutes les enquêtes relatives aux bassines, indique également le procureur des Deux-Sèvres. Un groupe dédié, auprès duquel ont été détachés des militaires de la région, a été constitué dans ce service. Le travail de police judiciaire de la SR vise habituellement le «haut du spectre» délictuel, comme la criminalité organisée.

Julien Le Guet a déjà été placé en garde à vue et perquisitionné après avoir lancé le slogan «une bassine construite, trois bassines détruites», lors de la première manifestation d’ampleur nationale contre les bassines, en septembre 2021. Il ne tient même plus le compte de ses convocations : «Cinq ou six» au cours des dernières années, essaye-t-il de se rappeler. Ces dernières semaines, plusieurs manifestants ont été condamnés après les manifestations d’octobre 2022, mars 2022 et septembre 2021. Les dossiers d’enquêtes préliminaires, consultés par Libération, avaient démontré l’ampleur des moyens mis en œuvre, employant des techniques du renseignement, pour retrouver des militants soupçonnés de violences ou de dégradations.