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Teddy Riner : « Pourvu que mon corps me supporte jusqu’à Paris 2024 »

Il est le roi des tatamis. Tout simplement le judoka le plus décoré de toute l'histoire de ce sport de combat. Il a gagné cinq médailles aux Jeux olympiques de Londres, Sydney et Tokyo, dont trois d'or, et un record de dix titres de champion du monde. Le Français Teddy Riner est un battant, malgré les nombreuses blessures qu'il a subies. L'année dernière, il s'est remis d'une blessure au genou et a pu participer aux JO de Tokyo, lors desquels il a remporté la médaille de bronze en individuel et l'or en équipe mixte. Aujourd'hui, il a une cheville droite blessée, qui l'empêche de participer aux Mondiaux de judo en octobre. Pas de quoi le démoraliser. Il met désormais le cap sur Paris 2024. Il explique pourquoi il a choisi de « ne désespérer de rien », comme l'écrivait Claude Imbert dans son premier éditorial dans Le Point en 1972. Entretien.

Le Point : Qu'est-ce qui, petit, vous a donné le goût du haut niveau ?

Teddy Riner : Je ne sais pas si tout petit j'avais le goût du haut niveau – du moins cela ne s'exprimait pas de cette manière. En revanche, ce dont je suis sûr, c'est que j'ai toujours eu le goût du jeu, et cela m'anime toujours ! Pas de sport si l'on ne s'amuse pas. Je n'avais pas vraiment de modèles de sportifs, j'avais beaucoup de respect pour les grands champions. Ceux qui nous faisaient rêver en nous amenant avec eux dans leur quête. J'étais très attentif à la joie ou au bonheur partagé. Par exemple, lors de la victoire de l'équipe de France de football en 1998, j'ai eu le sentiment de vivre l'aventure avec eux, depuis leur bus qui passait sous la fenêtre de mes parents en allant au Stade de France jusqu'à la fête immense après leurs victoires. J'avais le sentiment d'en être et je pense que cela a éveillé quelque chose en moi. C'était accessible. Je me disais : « Un jour, ce sera moi... »

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Comment gère-t-on le mental quand on est sportif ? Comment se relève-t-on de ses blessures ?

L'envie est plus forte que tout et surtout la blessure fait partie intégrante de notre vie d'athlète de haut niveau. On l'apprend très vite. Alors, il faut mieux faire avec et gérer ces moments-là le mieux possible. Je travaille avec une psychologue depuis l'âge de 15 ans, et nous discutions récemment de cet aspect. Elle me disait qu'il n'y avait pas eu une séance où le sujet de la blessure n'avait pas été évoqué. La pratique du sport de haut niveau, et particulièrement celle des sports de combat, intègre forcément la blessure. Il faut juste gérer cela tout au long d'une carrière et éviter que ce ne soit trop grave, bien évidemment. Nous n'aimons pas ces moments-là, car le doute plane. Il ne faut pas qu'il s'installe. Quand on rate une séance d'entraînement, on a déjà l'impression que c'est fichu. Alors quand on est blessé et que nous sommes contraints à l'arrêt, ce ne sont pas de bons moments. D'où l'importance de poursuivre si c'est possible une activité physique, de s'adapter et de trouver des moyens de s'entraîner malgré tout, que ce soit avec du travail en piscine, une préparation physique adaptée, une pratique des sports « portés » comme le vélo, etc. Cela évite de gamberger.

Rien ne doit vous détourner de votre objectif et vous devez toujours y croire.

L'année dernière, pour être présent aux JO de Tokyo, comment avez-vous eu la force de perdre du poids et vous remettre de votre blessure au genou ?

Le poids est un sujet important dans la pratique de notre sport, il est presque central, quelle que soit la catégorie d'ailleurs. Moi j'évolue chez les lourds, je n'ai pas de limite de poids et à la rigueur je pourrais me laisser aller. Mais j'ai un judo dynamique, je bouge beaucoup pour un lourd et je ne veux pas perdre mon judo. Je m'amuse et me sens fort lorsque je sais que je peux disposer de tous mes moyens physiques, techniques et de mes ressources mentales. Cela passe par le fait d'être à mon poids de forme. Si ce n'est pas le cas et cela arrive, je dois aussi travailler pour en faire abstraction mentalement. Il y a toujours des solutions. L'avantage de l'expérience, c'est que j'ai vécu énormément de situations en compétition, et bien sûr à l'entraînement. Il faut s'adapter, trouver des solutions pour se sortir de situations difficiles, être en éveil constant. C'est aussi cela, ce qui me passionne, m'anime, me motive. Trouver la solution pour passer. Ma blessure au genou est une blessure parmi tant d'autres. Je l'ai gérée comme toutes les autres, entouré de mon staff. Mais il faut reconnaître que celle-là est arrivée à une très mauvaise période, à quelques semaines des Jeux olympiques de Tokyo seulement. L'importance de l'entourage dans ces moments-là est déterminante, la qualité des soins que l'on reçoit et la poursuite du travail sportif bien évidemment, l'accompagnement en communication, ne pas dramatiser la situation pour rester focus sur l'enjeu et l'objectif. Rien ne doit vous détourner de votre objectif et vous devez toujours y croire. Enfin, il y a ma famille. C'est mon cocon, c'est là où je me ressource, c'est là où je trouve un soutien absolu et inconditionnel, c'est primordial pour moi, j'ai besoin d'eux avec moi.

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Comment prépare-t-on son corps et son mental aux Jeux olympiques ? Peut-on repousser les limites du corps ?

Repousser les limites du corps est une vraie question. Sans doute aurais-je la réponse dans quelques années. Aujourd'hui, à 33 ans, bien sûr que je les repousse. Mon choix actuel est de ne pas écouter mon corps. Ai-je tort ? Ai-je raison ? On le saura au lendemain de ma participation aux Jeux de Paris 2024. Avec l'âge, mon corps me laisse rarement en paix, je dois composer avec. Je le respecte, mais je sais que je lui en demande beaucoup. Pourvu qu'il me supporte jusqu'au bout ! L'objectif des Jeux de Paris 2024 va m'animer chaque jour de ces deux prochaines années. Il ne peut pas en être autrement.

Que dites-vous aux jeunes qui veulent être sportifs ?

Je leur dis : « Amuse-toi d'abord ! Joue ! Le reste viendra si tu dois poursuivre dans une carrière d'athlète de haut niveau. »